Entré sur le marché en janvier 2014, Join Experience n'a pas eu droit à un traitement à part.  (Photo: Charles Caratini / archives)

Entré sur le marché en janvier 2014, Join Experience n'a pas eu droit à un traitement à part.  (Photo: Charles Caratini / archives)

Son avis est passé presque inaperçu après le raout provoqué par son autre décision sur les pratiques anticoncurrentielles de la Rockhal sur le marché des spectacles: le Conseil de la concurrence a pris position le 13 octobre, à la demande de l’Institut luxembourgeois de régulation, sur le sort à réserver à la société Join Experience, le nouvel entrant sur le marché des réseaux mobile. La question est de déterminer si cette joint-venture à 50/50 entre Join Wireless et Post Luxembourg peut avoir droit, comme elle le demande, à un traitement à part ou s’il convient de la considérer comme tous les autres opérateurs mobiles et lui imposer les mêmes contraintes, de prix notamment, alors qu’à la différence de ses concurrents, elle n’opère pas un réseau physique complet de téléphonie mobile, mais utilise celui de l’EPT.

L’ILR avait procédé à l’analyse des réseaux et services au Luxembourg pour identifier les opérateurs puissants, comme le veut la réglementation européenne, sans tenir compte de Join, qui fit son apparition dans le paysage de la téléphonie après le bouclage de sa consultation publique. Le régulateur a donc procédé à une analyse complémentaire pour évaluer l’impact du lancement des activités de Join sur les marchés, en concluant que son arrivée n’avait pas changé la donne. La loi lui impose aussi de consulter le Conseil de la concurrence pour avis.

Join autonome par rapport à Post?

Join, estime l’ILR, se comporte de manière indépendante vis-à-vis des autres acteurs (dont Post Luxembourg) et utilisateurs. Le Conseil se fait une appréciation plus nuancée de l’autonomie de l’opérateur par rapport à l’un de ses actionnaires, Post Luxembourg, qui domine largement le marché luxembourgeois du mobile, avec une part du marché supérieure à 50%. «S’il s’avérait qu’en réalité Join ne dispose pas d’autonomie suffisante par rapport à l’EPT, Join et l’EPT seraient à l’égard du droit de la concurrence à considérer comme une seule entreprise», signalent les gardiens de la concurrence en ajoutant que dans ce cas de figure, il conviendrait d’additionner les parts de marché des deux acteurs, renforçant de ce coup la domination de Post.

Partant du postulat de l’indépendance du nouvel entrant, l’ILR juge donc logique de lui imposer des obligations identiques à celles de Tango, Orange et Post Luxembourg: transparence, non-discrimination, satisfaction des demandes d’accès à son réseau et contrôle des prix. Join aurait en revanche souhaité échapper à certaines de ses contraintes, notamment l’imposition d’un plafond tarifaire, arguant qu’en tant que nouvel entrant, il avait des coûts unitaires supérieurs à ceux de ses concurrents en raison du nombre d’utilisateurs encore faible. Ses dirigeants sollicitaient de ce fait des mesures dérogatoires pour lui permettre de récupérer ses coûts pendant une période transitoire d’un maximum de quatre ans.

L’ILR lui a refusé ce traitement de faveur, jugeant «très peu probable» qu’un opérateur comme lui puisse faire état de coûts différentiels supérieurs aux autres opérateurs, alors qu’il n’investit pas dans un réseau et qu’il achète ses prestations auprès d’un opérateur-hôte.

Pas de contrôle des concentrations

Le Conseil de la concurrence ne renie pas l’appréciation du régulateur du secteur des télécom, mais se dit surpris que Join ne soit pas en mesure de fournir une estimation de l’écart de ses coûts unitaires avec ceux de ses trois concurrents et d’autant plus étonné aussi que l’ILR en soit également incapable.

Toujours est-il que la donne pourrait évoluer si Join érigeait à l’avenir son propre réseau mobile comme l’un de ses actionnaires, Join Wireless en l’occurrence, l’a laissé entendre. «La question de l’asymétrie des plafonds tarifaires se posera de nouveau», écrivent les conseillers dans leur avis, en se réjouissant de cette perspective pour «redynamiser» le marché des services téléphoniques et élargir les choix des consommateurs luxembourgeois.

Reste que le Conseil de la concurrence s’inquiète de sa propre impuissance à contrôler les concentrations d’entreprises au Luxembourg et «déplore l’absence de débat» sur cette question. Aux yeux des quatre conseillers ayant rédigé l’avis, un tel contrôle «permettrait d’évaluer l’impact des prises de participation, à l’image de celle de l’EPT dans Join, sur la situation concurrentielle des marchés».