Tonika Hirdman: «Les postes doivent être attribués selon les performances et les résultats.» (Photo:Patricia Pitsch)

Tonika Hirdman: «Les postes doivent être attribués selon les performances et les résultats.» (Photo:Patricia Pitsch)

Elle ne voulait pas faire carrière, et pourtant le destin en aura voulu autrement. Du poste de diplomate aux affaires étrangères en Suède à celui d’administratrice de la banque ABN Amro Luxembourg, Tonika Hirdman occupe actuellement le poste de directrice de la Fondation de Luxembourg depuis 2009.

En un mot, pour vous une femme, c’est…?

Tonika Hirdman: «Autonome. Une femme, c’est une personne qui ne dépend pas de quelqu’un.

Les élections législatives n’ont pas abouti à une hausse significative – loin de là – du nombre de femmes représentées à la Chambre, qu’en pensez-vous?

«C’est difficile d’expliquer pourquoi il n’y a pas eu beaucoup de femmes élues. Au Luxembourg, il n’y a pas de femmes têtes de liste nationale, contrairement à mon pays, la Suède, où il y a tout de même deux femmes têtes de liste parmi les six plus grands partis. Ça joue aussi. De plus, les femmes ont été peu présentes dans les débats et les médias.

Comment amener plus de femmes vers des postes à hautes responsabilités?

«C’est d’abord une question de mentalité. Je pense qu’en tant que femme, on ne se voit pas nécessairement occuper ces postes. Nous voyons d’abord les désavantages à accepter ce genre de fonctions, car il est vrai que cela représente beaucoup de sacrifices. Moi, je n’ai jamais tenté de faire carrière, mais il y a eu à chaque fois une personne, souvent un homme, pour m’encourager à viser plus haut et à aller au bout de moi-même.  

Derrière chaque femme leader, il y a un mari exemplaire.

Tonika Hirdman, directrice générale de la Fondation de Luxembourg

Les opportunités de monter en grade doivent se mériter?

«Je suis en faveur du concept de la méritocratie, basée sur le mérite. Les postes doivent être attribués selon les performances et les résultats. Ce qui permettrait, selon moi, d’ouvrir plus d’opportunités aux femmes. D’où l’importance d’impliquer des agences de recrutement dans le processus. En tant que CEO, j’ai dû apprendre les fonctions sur le terrain. Préparer les femmes aux postes à responsabilités, via des formations en interne, cela permettrait aussi d’en encourager plus à se lancer.

Pour réussir, faut-il être bien entourée?

«Je pense que derrière chaque femme leader, il y a un mari exemplaire. Lorsque j’ai eu l’opportunité d’évoluer dans ma carrière, mon mari était présent à mes côtés, ne serait-ce que pour prendre le relais pour l’éducation de nos enfants.

En Suède, votre pays d’origine, les femmes sont représentées à presque 40% au sein des conseils d’administration des sociétés les plus importantes cotées en bourse. Et cela sans quota. Comment expliquez-vous cette situation?

«Durant longtemps, la menace de quotas a pesé, mais l’idée a été officiellement abandonnée en 2017. Cette évolution en Suède s’explique de plusieurs manières. Tout d’abord du fait que nous avons beaucoup misé sur le développement des crèches. Elles sont gratuites et il y a de la place pour tout le monde. Ce qui facilite également la vie des femmes qui veulent continuer à travailler ou faire évoluer leur carrière. Ensuite, les hommes bénéficient également d’un congé parental de minimum trois mois, ce qui a aussi contribué à changer les mentalités.

Les femmes doivent travailler plus dur pour réussir.

Tonika Hirdman, directrice générale de la Fondation de Luxembourg

En tant que femme, avez-vous déjà ressenti une différence de traitement au cours de votre carrière?

«Je suis convaincue que les femmes doivent travailler plus dur pour réussir, en particulier dans certains milieux très masculins, comme le secteur financier. Nous sommes davantage exposées au jugement.

Votre mode de management: participatif ou autoritaire?

«C’est aux autres de juger, mais j’espère être la plus participative possible, telle est mon ambition.

Y a-t-il un management féminin?

«Le management est une question propre à chaque société et secteur. Mais oui, je pense qu’il y a des différences entre le management féminin et masculin. La femme a peut-être plus tendance à vouloir résoudre rapidement les conflits. Elle fait preuve aussi de plus d’empathie et de sensibilité.

J’exerce un métier qui a beaucoup de sens pour moi.

Tonika Hirdman, directrice générale de la Fondation de Luxembourg

Quel regard portez-vous sur votre carrière?

«J’ai eu la chance de travailler dans le secteur public, la finance, et aujourd’hui le civil, en tant que directrice de la Fondation de Luxembourg. Ce qui m’inspire, c’est la diversité et la richesse des rencontres durant toute ma carrière. Et en particulier au sein de la Fondation, où j’exerce un métier qui a beaucoup de sens pour moi.

Ce poste de directrice de la Fondation de Luxembourg, il vous permet d’allier finance et social...

«Absolument. Pour concrétiser ces projets de solidarité et de développement, nous travaillons étroitement à la fois avec les banques, qui sont en contact avec les donateurs privés, et le secteur des ONG. En outre, côtoyer des personnes qui choisissent de consacrer une partie de leur fortune et de leur temps à une œuvre ou à un projet de développement, c’est très inspirant.

Avez-vous des projets en tête qui vous tiennent particulièrement à cœur?

«Je pense à ce projet d’autonomisation économique des femmes que nous menons dans plusieurs pays émergents. Nous formons les femmes de telle manière à ce qu’elles puissent apporter une valeur ajoutée à leurs produits, dans le but d’accroître leurs revenus et leur indépendance financière.  

En deuxième lieu, je citerais le projet soutenu par la Fondation et Unicef-Luxembourg en Éthiopie, où 40 millions de femmes souffrent de mutilations génitales. Grâce à notre programme, des milliers de femmes sont prises en charge chaque année. Elles bénéficient de soins médicaux adaptés. Nous sensibilisons également les leaders religieux et les communautés sur les risques et les séquelles liés à l’excision, dans le but d’abolir à terme ces pratiques.»

Tonika Hirdman en trois dates 

1994 – Admission comme diplomate auprès du ministère des Affaires étrangères suédois après la réussite du concours

2006 – Nomination en tant qu’administrateur délégué et responsable de la banque privée d’ABN Amro Luxembourg

2015 – Nomination en tant qu’administrateur au conseil d’administration de AP7, fonds de pension public suédois

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