Hatim Almshal: «Le bouche-à-oreille fonctionne très bien.» (Photo: Nader Ghavami)

Hatim Almshal: «Le bouche-à-oreille fonctionne très bien.» (Photo: Nader Ghavami)

«Aujourd’hui j’ai deux maisons: la Syrie et le Luxembourg.» C’est avec un large sourire qu’Hatim Almshal, 45 ans, évoque son présent au Grand-Duché, où il est arrivé en juillet 2015, en pleine «crise des migrants», comme la communauté internationale nommera cette période de flux migratoires importants.

Hatim Almshal évoque son périple de la Turquie vers le Luxembourg. La «route des Balkans» étant encore ouverte à l’époque, il se rend en Grèce dans un bateau de fortune avec une dizaine de personnes, dont des femmes et des enfants. Un bateau qui, faute de carburant suffisant, finira sa traversée tant bien que mal jusqu’aux côtes grecques.

Six jours de périple

Traversant la Macédoine, la Serbie, la Hongrie, l’Autriche, tantôt par bus, en train ou en marchant, Hatim Almshal poursuivra sa route en compagnie d’une dizaine, puis de centaines et enfin de milliers de réfugiés. «On nous donnait de la nourriture, des vêtements. Les habitants que nous rencontrions étaient vraiment gentils», confie le Syrien.

Après six jours de «transit», il arrive au Grand-Duché en juillet 2015, la date exacte lui échappe. «J’ai ensuite obtenu le statut de réfugié en décembre 2016», ajoute Hatim Almshal. Ses pieds posés sur le sol luxembourgeois, il n’a qu’une seule volonté: «Travailler. Peu importe les tâches que l’on me confie, tout ce que je veux, c’est être en mouvement.»

Rencontre avec l’asbl Touchpoints

Hatim Almshal enchaîne alors les travaux de peinture, construction, jardinage. Il donne même un coup de main bénévolement aux restaurants Syriously et Chiche – au-dessus duquel il vit actuellement. Le Syrien avait travaillé dans ces secteurs d’activité dans son pays, mais également au Liban, où il vivait avant d’émigrer vers l’Europe il y a trois ans.

La société civile et les associations étant très actives au Grand-Duché pour venir en aide aux réfugiés, Hatim Almshal fait la rencontre de l’asbl Touchpoints, par le biais de Marianne Donven (Croix-Rouge, Hariko, Oppent Haus – Open Home). 

Un an pour créer son entreprise

«Nous soutenons les réfugiés qui souhaitent lancer une activité économique au Luxembourg», confirme Jordan Gerstler-Holton, responsable du programme de formation «Sleeves up», qui propose un cycle de formation et un accompagnement individuel préparant les participants (BPI/DPI) à la création de leur propre entreprise dans le domaine du commerce et/ou de l’artisanat de proximité. Un programme soutenu financièrement par l’Œuvre nationale de secours Grande-Duchesse Charlotte (appel à projets mateneen).

Hatim Almshal a rencontré l’équipe de Touchpoints au début de l’année 2017. Son entreprise, Lux Jardinier, a été officiellement créée un an plus tard. «Pour les réfugiés, il est très compliqué d’obtenir une autorisation d’établissement au Luxembourg», explique Jordan Gerstler-Holton. 

Des preuves de Syrie et du Liban

«Il y a par exemple toute une série de métiers manuels qui demandent un brevet de maîtrise pour devenir chef de son entreprise, soit six ans d’études en deux langues. C’est très long et compliqué pour des bénéficiaires de protection internationale.»

Mais il y a quand même des secteurs d’activité où le brevet de maîtrise n’est pas obligatoire, notamment celui du jardinage. Il est tout de même demandé trois ans d’expérience pour pouvoir prétendre au dépôt des statuts. Hatim Almshal parvient alors à se faire parvenir de Syrie et du Liban des preuves de ses trois ans d’activité en tant que jardinier.

Un dossier refusé plusieurs fois

«Il faut ensuite soumettre le dossier au ministère de l’Économie, où chaque mot écrit dans le dossier compte», confie Jordan Gerstler-Holton, qui a alors aidé Hatim Almshal dans toutes ses démarches administratives, parlant arabe couramment. «Car, dans le cas des réfugiés, la langue est malheureusement aussi un frein pour créer son entreprise au Grand-Duché.»

Démarrer une activité économique, que ce soit en nom propre ou en tant que sàrl simplifiée, peut aller très vite. Dans le cas de Hatim Almshal, cela aura pris presque un an pour rassembler les documents nécessaires et compléter les démarches.

Recruter d’autres réfugiés

«Notre dossier a été refusé plusieurs fois», confirme-t-il. Il a ensuite fallu trouver des financements. Le Syrien a là encore pu compter sur le soutien de l’asbl Touchpoints. «Nous l’avons mis en contact avec notre partenaire Microlux, un organisme de microcrédits», ajoute Jordan Gerstler-Holton. 

Le business plan monté, avec notamment les besoins en outils, un prêt de 7.500 euros sur quatre ans est accordé à l’entreprise Lux Jardinier, et l’activité a pu démarrer.

Aujourd’hui, la sàrl compte une centaine de clients, «et le bouche-à-oreille fonctionne très bien», se réjouit le réfugié syrien devenu son propre patron au Luxembourg. L’ambition d’Hatim Almshal est de pouvoir, lorsque son entreprise aura atteint son rythme de croisière, embaucher des réfugiés comme lui, «pour qu’ils puissent vivre sereinement avec un vrai métier stable au Luxembourg.»