Le chanteur Enrico Macias peut nourrir l’espoir de conserver sa villa tropézienne après l’appel du Parquet. (Photo: Wikimedia commons)

Le chanteur Enrico Macias peut nourrir l’espoir de conserver sa villa tropézienne après l’appel du Parquet. (Photo: Wikimedia commons)

C’est «avec satisfaction» que les victimes de la banque islandaise, qui avaient fait appel du jugement en première instance en fin de semaine dernière, ont appris la nouvelle: elles ne sont pas les seules à contester les conclusions tirées par le tribunal à l’issue de neuf années d’instruction et de trois semaines d’audience au mois de mai dernier.

«Alors même que les prêts vendus par la Landsbanki ont fait des centaines de victimes à travers l’Europe, le jugement rendu sans aucune nuance par son caractère entier devra faire l’objet d’une réformation qui tiendra compte de la toxicité avérée du produit financier tel que conçu par Landsbanki, des abus et manœuvres  de la banque luxembourgeoise, des fraudes commises par elle et du comportement des dirigeants tout au long du processus de déconfiture de ce groupe bancaire», indique le communiqué des avocats de plusieurs parties civiles, Éric Morain, Maxence Laugier et Bernard Maingain. «Les avocats des victimes persistent à penser que ces comportements sont délictueux et qu’ils méritent d’être lourdement sanctionnés par la justice.»

Il ne résulte pas du dossier que les emprunteurs ont été victimes de manœuvres frauduleuses.

Tribunal correctionnel de Paris

L’appel du Parquet confirme le profond désaccord entre les magistrats qui ont mené l’instruction et ceux qui ont délibéré. La représentante du ministère public a en effet requis trois ans de prison avec sursis et 300.000 euros d’amende contre l’ancien patron de Landsbanki, Bjorgolfur Gudmundsson, trois ans de prison avec sursis et 100.000 euros d’amende contre deux ex-dirigeants de Landsbanki Luxembourg, ainsi qu’une amende de 1 million d’euros contre la banque elle-même. Quatre anciens cadres devaient encore écoper de deux ans avec sursis et 50.000 euros d’amende si le tribunal suivait ses réquisitions.

Au lieu de cela, le tribunal a prononcé une relaxe générale. «Il ne résulte pas du dossier que les emprunteurs ont été victimes de manœuvres frauduleuses» en hypothéquant leurs biens auprès de Landsbanki Luxembourg, estime-t-il dans son jugement, refusant donc de considérer les agissements de la filiale comme une escroquerie.

Dans un prononcé de près d’une heure émaillé de remarques cinglantes, le président du tribunal a indiqué que les parties civiles avaient «nécessairement conscience de l’existence d’un risque» en souscrivant ces prêts litigieux, qui leur ont permis d’obtenir des fonds «que d’autres banques leur refusaient». D’autre part, les prévenus n’ont pas «volontairement dissimulé au public des faiblesses économiques telles qu’elles compromettaient la survie même» de l’établissement. La faillite de Landsbanki Luxembourg et de sa maison mère en 2008 serait à qualifier d’«aléas de la vie économique».

Un prêt trop beau pour être honnête

Le tribunal a aussi épinglé des lacunes dans l’enquête comme dans l’instruction. Et ordonné la «restitution des créances». Il autorise donc les liquidateurs de la banque à vendre si besoin les biens hypothéqués, dont la luxueuse villa tropézienne d’Enrico Macias, l’une des 108 victimes.

Entre 2006 et 2008, Landsbanki, déjà en manque de liquidités, avait proposé, via sa filiale luxembourgeoise, à des centaines de particuliers d’hypothéquer leur maison en contrepartie de prêts avantageux. L’emprunteur recevait une partie de la somme tandis que la banque, auréolée d’un solide AAA, réinvestissait le reste sur les marchés, promettant de dégager des intérêts qui couvriraient in fine l’intégralité de l’emprunt.

L’aventure risquée de Landsbanki s’est achevée en 2010, dans le sillage de la crise économique et financière mondiale, qui a conduit à la nationalisation de plusieurs banques islandaises. Les placements de Landsbanki se sont également écroulés du fait de la crise, menant ses clients à la ruine pour certains. Ceux-ci se sont vu réclamer le remboursement de l’intégralité de leur prêt alors qu’ils n’en avaient touché qu’une partie. En cas de refus, ils risquent la saisie des biens hypothéqués, à laquelle s’attelle la liquidatrice Yvette Hamilius avec des méthodes très controversées décriées au vu de la plainte pour blanchiment, intimidation et harcèlement déposée en avril 2016 par le collectif des victimes auprès du procureur de la République du tribunal de grande instance de Paris.

Les espoirs des victimes de Landsbanki reposent plus que jamais sur la justice française, d’autant que la justice luxembourgeoise a classé sans suite la plainte de leur collectif pour faux bilans et association de malfaiteurs en décembre 2014.