Carine Feipel: «Dans un conseil d’administration, ce n’est pas une seule personne qui dicte ce qui doit se faire.» (Photo: Patricia Pitsch)

Carine Feipel: «Dans un conseil d’administration, ce n’est pas une seule personne qui dicte ce qui doit se faire.» (Photo: Patricia Pitsch)

Elle est restée maître de ses choix tout au long de sa carrière et ne regrette rien. Carine Feipel, 48 ans, a exercé le métier d’avocate spécialisée dans le droit des assurances durant 20 ans, pour ensuite se tourner vers de nouveaux challenges.

Carine Feipel siège actuellement au sein de plusieurs conseils d’administration majeurs, comme celui de la Banque de Luxembourg, La Luxembourgeoise, ou encore Fidelity Funds. Entretien.

Avez-vous un leitmotiv?

«Set your goals high and work hard to reach them. En français, cela donne: fixez-vous des objectifs élevés et travaillez dur pour les atteindre.

Vous êtes-vous aussi fixé des objectifs élevés?

«Après avoir exercé 20 ans en tant qu’avocate, j’ai voulu me lancer de nouveaux challenges en siégeant dans des conseils d’administration, pour être au cœur de la prise de décision, que ce soit en matière de stratégie ou de gouvernance des entreprises. C’est quelque chose qui me fascine véritablement et me motive dans mon quotidien.

La prise de décision, seule ou en équipe?

«J’aime travailler en équipe. Pour moi, le conseil d’administration, c’est un peu comme une équipe de foot, dans laquelle chacun dispose d’atouts et de compétences propres. Et c’est en mettant les forces en commun que l’équipe a le plus de valeur et apporte le plus à la société.

Diriger, c’est aussi savoir écouter...

«Certainement. Car dans un conseil d’administration, ce n’est pas une seule personne qui dicte ce qui doit se faire. Il faut tenir compte des avis des autres. Mais il est vrai aussi que certaines situations nécessitent des prises de décisions rapides et efficaces, c’est ce qui fait aussi la force d’un bon leader.

Une femme, c’est l’égale de l’homme.

Carine Feipel, administratrice indépendante

Les femmes sont-elles de bons leaders?

«Les femmes sont très bien organisées. Elles savent résoudre des problèmes très rapidement. Les hommes sont souvent plus visionnaires, plus stratégiques. Alors que la femme est plus dans la gestion ou la stratégie à court et moyen terme. La sensibilité propre aux femmes leur permet de voir aussi certaines choses, des problèmes ou malaises que les hommes ne perçoivent pas forcément. 

Pour moi une femme, c’est l’égale de l’homme. Bien sûr, il y a des différences entre les femmes et les hommes, mais c’est la complémentarité des deux qui en fait une force. Que ce soit dans un couple ou dans une situation de management.

En quoi faut-il être une femme forte pour diriger?

«Il faut être forte en caractère. Il faut savoir dire ce que l’on pense même si cela ne plaît pas à tout le monde. Il faut pouvoir remettre en cause les acquis. Ce ne sont pas des positions faciles, mais ce sont des fonctions qui sont fascinantes.

Dans plusieurs conseils d’administration où vous siégez, vous êtes la seule femme…

«Oui. Les femmes sont clairement sous-représentées. Pour deux raisons. Premièrement, les femmes doivent encore gagner en confiance, mais aussi mettre davantage en avant leurs compétences et leurs expériences.

ll faut aimer assumer des responsabilités, prendre des risques.

Carine Feipel, administratrice indépendante

Deuxièmement, je pense que les hommes demandent plus librement des promotions que les femmes. Et lorsqu’il y a un nouveau poste à pourvoir, les hommes, en position de force, sollicitent plus communément d’autres hommes, leurs amis, plutôt que les femmes. Il y a des progrès à faire des deux côtés.

Un truc pour manager une réunion?

«D’abord préparer la réunion. Arriver à l’heure, terminer la réunion à l’heure et écouter les autres, leur position. J’ai toujours un avis sur les sujets à l’ordre du jour, mais j’estime important d’écouter aussi la position des autres. Le but étant de trouver ensemble la meilleure décision pour la société. 

Le leadership, c’est quelque chose d’inné?

«Je pense que le leadership s’apprend, mais c’est aussi quelque chose que l’on doit aimer faire. Il faut aimer assumer des responsabilités, prendre des risques, ou encore gérer des groupes de personnes. Les leaders sont des personnes qui doivent aussi être conscientes que leur siège est éjectable.

Aujourd’hui, le rôle du conseil d’administration est beaucoup plus important.

Carine Feipel, administratrice indépendante

Vous avez fait des choix parfois difficiles?

«J’ai fait beaucoup de sacrifices dans ma vie pour arriver où je suis, mais je suis fière de ce que j’ai fait et entrepris dans ma carrière. Je pense aussi que j’ai eu de la chance d’avoir été au bon endroit, au bon moment.

C’est-à-dire?

«Un exemple. J’ai vécu et travaillé cinq ans à New York. J’ai su saisir cette opportunité qui s’est présentée à moi dans ma carrière au moment où je cherchais justement un nouveau challenge. C’est tombé à pic. 

Puis, lorsque j’ai décidé de réorienter ma carrière vers les mandats d’administrateur indépendant, je suis arrivée sur ce marché à un moment où les femmes étaient très recherchées pour ces postes. Je ne pense pas avoir reçu ces mandats juste parce que je suis une femme, mais cela a probablement aidé quand même.

Avez-vous observé des évolutions des modes de gouvernance au sein des conseils d’administration?

«De manière générale, la gouvernance a énormément évolué, que ce soit dans le monde du secteur financier, qui est un secteur strictement réglementé, ou dans d’autres secteurs. Même dans le secteur public, dans le monde associatif, on voit que les exigences en matière de gouvernance, tout comme les approches, ont changé. Aujourd’hui, le rôle du conseil d’administration est beaucoup plus important. Nous sommes beaucoup plus responsabilisés. Ces évolutions ont eu un impact sur la manière de travailler et la composition même des conseils d’administration, qui nécessitent d’avoir des compétences variées en leur sein.

Y a-t-il eu des personnes qui ont joué un rôle-clé dans votre parcours à vous aussi?

«Oui, il y a eu des personnes de confiance qui m’ont encouragée, d’abord au début de ma carrière, ne serait-ce que pour me mettre en confiance et me guider. Ces personnes, des hommes et des femmes, m’ont fait également comprendre que je pouvais progresser dans ma carrière et atteindre les postes les plus hauts. Je suis très reconnaissante à l’égard de ces personnes qui m’ont soutenue dans mes choix, encouragée lors des changements dans ma carrière et m’ont ainsi permis de me lancer de nouveaux challenges.

Êtes-vous amenée à conseiller des femmes?

«Oui, ça m’arrive. J’en suis d’ailleurs très flattée. Ces femmes viennent me voir pour recevoir des conseils sur leur carrière et en matière de choix professionnels. Je suis assez honorée lorsque je peux les aider à prendre plus confiance en elles et leur dire ‘tu peux aller plus haut si tu le désires, n’hésite pas à te lancer’.

En tant qu’avocate, quelle cause seriez-vous prête à défendre coûte que coûte?

«C’est peut-être en tant que femme avocate que je vous répondrai. Dans la vie, je suis toujours choquée quand je vois des femmes, mais aussi des enfants, en situation de maltraitance. Ces causes me touchent beaucoup en tant que personne, et je pourrais m’engager contre ces pratiques intolérables.

Carine Feipel en trois dates

1994-1995 - Assermentation comme avocat au Barreau de Luxembourg et début de ma carrière chez Arendt & Medernach

2007-2012 - Direction du bureau de New York d’Arendt & Medernach

Depuis 2014 – Administratrice indépendante au sein de différentes sociétés (Banque de Luxembourg, La Luxembourgeoise, AIG Europe, CNP Luxembourg, iptiQ Life (groupe Swiss Re), CDCL, différents fonds d’investissement et sociétés de gestion). Membre de l’Institut luxembourgeois des administrateurs (ILA).

Retrouvez l’intégralité de la série #FemaleLeadership