Dans la foulée du rapport Rifkin, le ministère du Travail et les partenaires sociaux s’attellent à «repenser le travail» à l’instar de leurs homologues allemands. (Photo: Maison Moderne)

Dans la foulée du rapport Rifkin, le ministère du Travail et les partenaires sociaux s’attellent à «repenser le travail» à l’instar de leurs homologues allemands. (Photo: Maison Moderne)

Si le dialogue social n’est pas un long fleuve tranquille, laissant échapper ici et là quelques noms d’oiseaux, il n’en reste pas moins que les partenaires sociaux savent se retrouver lorsque l’économie doit prendre un virage délicat.

La digitalisation déferlante et ses effets sur l’emploi en sont un d’envergure, d’où l’organisation par le ministère du Travail, de l’Emploi et de l’Économie sociale et solidaire, la Chambre de commerce et la Chambre des salariés du colloque «Quelles compétences pour quels emplois à l’ère du numérique?».

Rappelant le passé agricole puis industriel du Grand-Duché, Michel Wurth, président de la Chambre de commerce et de l’Union des entreprises luxembourgeoises, assure devant la salle comble dédiée au colloque que «la digitalisation ne sera pas la fin du travail mais un autre travail». «Nous sommes conscients que demain le travail prendra de nouvelles formes», poursuit-il, dans une quête constante de la productivité.

La digitalisation profitera à ceux qui la maîtrisent le mieux.

Nicolas Schmit, ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Économie sociale et solidaire

«La digitalisation est un grand changement technologique qu’il faut transformer en chance pour le pays», assure Nicolas Schmit, ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Économie sociale et solidaire, devant la presse à l’issue de la première partie du colloque. «Elle profitera à ceux qui la maîtrisent le mieux et nous ne voulons pas être les perdants.»

C’est en partant du même constat que l’Allemagne a lancé en avril 2015 l’initiative Arbeiten 4.0 (travailler en mode 4.0), mêlant analyses d’experts et consultation publique. Le livre blanc publié en novembre dernier liste plusieurs conclusions à méditer: l’aspect crucial des qualifications «au début et tout au long de la vie professionnelle», souligne Thorben Albrecht, secrétaire d’État au ministère fédéral du Travail et des Affaires sociales, mais aussi la flexibilisation du travail «dans un compromis entre les intérêts des entreprises et des salariés», avec des projets pilotes pour tester de nouvelles formes de travail. «Avant de proposer une nouvelle loi, il faut voir ce qui se passe dans la pratique», explique l’Allemand.

Le secrétaire d'État du ministère fédéral du Travail souligne la nécessité de «repenser le travail» à l'heure d'une révolution technologique sans précédent.

Une étude luxembourgeoise d’ici six mois

Une approche qui a séduit le Luxembourg, puisque le ministère du Travail et les partenaires sociaux ont décidé de commander au Zentrum für europäische Wirtschaftsforschung (Centre de recherche économique européenne) de Mannheim une étude dont le titre serait «Travail 4.0: chances et défis pour le Luxembourg». Un institut choisi pour son expérience en la matière. Il devrait rendre sa copie d’ici six mois. Son objectif: donner des instruments à la politique comme aux entreprises. «L’étude donnera des orientations et des recommandations sur la façon dont nous pouvons organiser le droit social, les relations sociales et l’organisation du travail» à l’ère numérique, détaille M. Wurth.

Et c’est l’une des préoccupations des représentants des salariés, dont André Roeltgen, membre de la Chambre des salariés, s’est fait la voix lors du colloque en l’absence de Jean-Claude Reding, président de la CSL. «La digitalisation est une grande chance d’humaniser le travail, de créer des emplois et de bonnes conditions de travail, mais elle comporte aussi un risque de dégradation des relations de travail et des contrats», souligne-t-il.

Comme les politiques et professionnels allemands et luxembourgeois intervenant au colloque, André Roeltgen insiste sur la formation et estime indispensable un «cadre plus large sur la formation continue», incluant «des droits précis à la qualification, à la formation et à l’orientation professionnelle afin d’éviter une nouvelle fracture sociale» entre ceux qui bénéficient d’une bonne formation et les autres.

Le président de l’OGBL en profite pour glisser qu’une structure tripartite serait un instrument utile pour gérer ce volet formation et son financement.