Le Nasdaq se dirige en avril vers sa pire performance mensuelle depuis octobre 2008. Ce mois-ci, au 27 avril, il a perdu 11%. (Photo: Shutterstock)

Le Nasdaq se dirige en avril vers sa pire performance mensuelle depuis octobre 2008. Ce mois-ci, au 27 avril, il a perdu 11%. (Photo: Shutterstock)

Le Nasdaq a perdu 20% depuis le début de l’année. Simple correction ou début d’un marché baissier sur plusieurs mois? Chez Carmignac, on pense que la correction est terminée, mais que le secteur de la Tech devra s’adapter à un environnement inflationniste durable.

Les raisons de la chute boursière des valeurs technologiques sont connues: d’abord l’actuel resserrement monétaire et la remontée des taux qui l'accompagne, ce qui pèse lourdement sur les valorisations boursières. D’autant que les valorisations du secteur sont largement surévaluées depuis la crise du covid. Les incertitudes croissantes sur la trajectoire de la croissance devraient également peser sur les perspectives de bénéfices, le secteur étant très dépendant des dépenses discrétionnaires des consommateurs.

Dépenses qui dans une période post-covid se normalisaient et qui pourraient maintenant bien se réduire. «Les consommateurs restaient à la maison et dépensaient leur argent depuis leur canapé», résume David Older, responsable des actions chez Carmignac. Ce qui n’était qu’une «normalisation» pourrait, dégradation de la situation économique aidant, devenir une dégradation structurelle durable des perspectives du secteur.

5.000 milliards de capitalisations boursières perdues

La chute de 20% du Nasdaq depuis le début de l’année, c’est l’équivalent de 5.000 milliards de capitalisations boursières perdues. C’est aussi le signe de la remontée de l’aversion au risque des investisseurs.

Pour les professionnels, c’est une évidence, le Nasdaq est pleinement entré dans un marché baissier. Ce qui ne s’était pas vu depuis la crise financière de 2008, excepté quelques soubresauts contenus et sans conséquence sur l’orientation haussière ça et là.

Toute la question est de savoir jusqu’où les cours peuvent chuter et pendant combien de temps.

Actuellement, les marchés sont fragiles et toute mauvaise nouvelle ou signe de faiblesse est violemment sanctionné. Et même les stars souffrent: citons Alphabet (maison-mère de Google, plombée par les mauvais résultats de YouTube), Meta (ex-Facebook) ou encore Netflix, estime David Older qui s’interroge sur la capacité du secteur à s’adapter rapidement au nouveau paradigme économique, celui d’une inflation durablement plus élevée – étant entendu qu’une inflation modérée est un plus pour les évaluations du marché en général et de la Tech en particulier.

Il estime que la correction à laquelle on assiste ces six à neuf derniers mois portait sur le niveau des multiples de valorisations et est désormais terminé. «Les investisseurs ont réduit leur exposition aux secteurs de croissance tels que la technologie, en raison de l’inflation élevée qui a entraîné une hausse des taux d’intérêt. Cela a un effet négatif sur les valorisations, alors que les entreprises de croissance séculaire se négocient généralement en Bourse avec une prime. Cet arbitrage lié au niveau des taux est largement terminé.»

Mais il dit «rester prudent à l’égard des sociétés technologiques qui ne sont pas rentables, car dans un environnement de taux plus élevés, les investisseurs ne sont pas prêts à financer la croissance au détriment de la rentabilité.»

Des poches d’opportunités dans l’actuel contexte de correction
David Older

David OlderResponsable des actionsCarmignac

Il favorise le secteur des logiciels qui a basculé son modèle d’affaires avec succès vers l’abonnement. Un modèle qui «offre une certaine résilience et un “pricing power”, des conditions idéales dans un contexte de hausse de l’inflation et de ralentissement de la croissance». Il favorise également les entreprises spécialisées dans la fourniture de services d’infrastructures et de logiciels (Infrastructure as a service et Softwares as a services) et dans la cybersécurité. «Des poches d’opportunités dans l’actuel contexte de correction.»

Il pointe également la tendance de sociétés à extrapoler sur les résultats et les gains réalisés durant la crise du covid. Des sociétés qui doivent faire face désormais à des taux de croissance «normaux» d’avant pandémie. Voire inférieurs. Comme Netflix. «Les entreprises dont l’activité a été stimulée pendant la crise du covid pourraient mettre plus d’un an avant de retrouver des taux de croissance normaux et antérieurs au coronavirus. Les effets de la réouverture des économies ont peut-être été retardés à cause d’omicron et son impact réel devrait se matérialiser cette année. Il faut probablement s’attendre à une augmentation du taux de désabonnement à des services OTT (over-the-top services, acronyme désignant un service de livraison de médias sans la participation d’un opérateur de réseau) alors que la macroéconomie devrait vraisemblablement être défavorable.»

Le prix des actions des entreprises de croissance du secteur technologique intègre un niveau d’attentes élevé en matière de résultats.
Nicholas Hancock

Nicholas HancockAnalyste Technologies, Médias et Télécommunications Carmignac

Pour Nicholas Hancock, analyste Technologies, Médias et Télécommunications chez Carmignac, les investisseurs cherchent des signes montrant que les entreprises technologiques ont conservé un «pricing power» suffisant à l’heure où l’inflation s’accélère. Et il s’attend à une forte volatilité dans cette période de résultats semestriels. «Dans ce contexte de craintes inflationnistes, les bons résultats suscitent un enthousiasme limité en Bourse, tandis que les mauvais résultats sont sanctionnés. Le prix des actions des entreprises de croissance du secteur technologique intègre un niveau d’attentes élevé en matière de résultats. De sorte que, même en cas de bons résultats, la réaction des marchés peut être négative si les investisseurs perçoivent des signes de ralentissement de la croissance.» 

Au sein de l’industrie technologique, chaque sous-secteur est confronté à ses propres problématiques, insiste-t-il.

«Pour les sociétés fournissant des services Internet pour les consommateurs (“consumer Internet”), le principal débat porte sur la solidité de l’environnement macroéconomique et la durabilité de la croissance pour certains bénéficiaires du covid. Les investisseurs se concentrent sur les tendances de consommation post-covid en essayant de déterminer quel est le profil de croissance approprié pour toutes les entreprises qui ont connu une croissance exceptionnelle pendant la pandémie. Dans le secteur des semi-conducteurs, la situation est délicate en raison des contraintes actuelles en matière d’approvisionnement et des craintes d’une prochaine correction cyclique susceptible de nuire à la demande. Cela conduit à une situation où les résultats fondamentaux des sociétés de semi-conducteurs sont ignorés – les investisseurs anticipent une correction imminente et cherchent des indices pour tenter de la prédire. Enfin, l’industrie du logiciel semble solide dans cet environnement difficile.»