Ce retour à une politique agressive d’«assouplissement quantitatif» a d’autant plus surpris les investisseurs qu’il intervient à un moment où l’administration américaine actionne déjà tous les leviers de l’économie en même temps: incitations fiscales, forte hausse du déficit budgétaire…
C’est à se demander si la Fed ne se préoccupe pas plus du niveau de l’indice Dow Jones que de la pérennité de la croissance américaine. Il n’en fallait pas plus pour que ce cocktail explosif ne dope la performance des actifs financiers; dans une configuration qui se produit assez rarement, tous les marchés ont monté en 2019: obligations, actions, matières premières, immobilier…
3 ans après l’élection de Donald Trump, «America was made great again» (la grandeur de l’Amérique était retrouvée), ses valeurs emblématiques de la technologie (Amazon, Apple, Google, Microsoft…) tirent les bourses mondiales à la hausse. Les sondages sont sans appel, une réélection du président Trump est quasi sûre en novembre prochain. Quelles sont les perspectives pour 2020? Cette tendance haussière peut-elle continuer ou les marchés sont-ils vulnérables à ces niveaux?
Notre scénario macroéconomique privilégié est celui d’une légère reprise de la croissance mondiale; celle-ci repose essentiellement sur la consommation des ménages, elle-même soutenue par les créations d’emploi, les gains de pouvoir d’achat et les taux bas. Mais les niveaux de croissance mondiale restent historiquement faibles.
L’inflation demeure la variable-clé de la performance des marchés.
Dans ce contexte de stabilité économique retrouvée, les banques centrales devraient marquer une pause dans leurs programmes d’incitation, tout en conservant une politique de taux bas. Tant que l’inflation reste sous contrôle, elles devraient toutefois demeurer très réactives à tout ralentissement significatif de l’activité, même si leurs marges de manœuvre sont faibles. Les banques centrales des grands pays émergents devraient quant à elles poursuivre leur mouvement de détente des taux, offrant des perspectives positives pour les obligations de cette zone économique.
On comprend ainsi que l’inflation demeure la variable-clé de la performance des marchés. Tant que les effets déflationnistes de la mondialisation et de la redistribution des profits – largement en faveur des entreprises (dividendes, rachats d’actions…) plutôt que des salaires – demeurent, l’inflation restera sous contrôle et les actifs financiers seront soutenus par une politique de taux perçus comme durablement bas.
À moyen terme toutefois, des risques de retour de l’inflation apparaissent et il conviendra de les observer de près: situation de plein emploi dans certaines régions du monde (manque de main-d’œuvre disponible, hausse du coût de l’emploi… aux États-Unis notamment), sous-investissement au cours des dernières années (dans le secteur de l’énergie par exemple), ainsi que coûts liés aux adaptations nécessaires face aux changements climatiques.
L’épisode de forte baisse des marchés fin 2018 vient nous rappeler qu’un brusque changement des conditions de liquidité peut avoir des effets dévastateurs sur un portefeuille.
Après la forte hausse des marchés en 2019, le potentiel de surprises pour 2020 semble limité: les taux bas, voire négatifs, sur les titres obligataires en euros de qualité, laissent peu d’espoir de performances positives sur les obligations «investment grade». Sur les obligations de moindre qualité, des spreads historiquement bas devraient offrir des performances à peine proches des taux de rendement à maturité.
Quant aux actions, soutenues par le manque d’alternatives offertes par les taux dits «sans risque», leurs valorisations moyennes historiquement plutôt élevées (bien qu’encore loin d’une situation de bulle) masquent de fortes disparités entre les régions et les secteurs. Aux États-Unis, la technologie est largement surreprésentée: 4 valeurs (Google, Microsoft, Apple et Amazon) représentent à elles seules 18% de la capitalisation boursière de l’indice S&P 500. Historiquement, de telles valeurs extrêmes ont été inévitablement suivies d’un «retour à la moyenne», au profit de zones géographiques et secteurs pour le moment moins recherchés.
L’abondance de liquidités des banques centrales a créé une très forte demande pour des actifs à duration longue: obligations à long terme, actions des secteurs de «croissance»; private equity, immobilier, et donne l’illusion d’une liquidité disponible en permanence. L’épisode de forte baisse des marchés fin 2018 vient nous rappeler qu’un brusque changement des conditions de liquidité peut avoir des effets dévastateurs sur un portefeuille.
Face à ces chocs externes et un retour potentiel de l’inflation, l’or a à nouveau un rôle à jouer dans les portefeuilles.
Dans un contexte de valorisations élevées, les risques pris sur les marchés sont mal rémunérés et les actifs financiers vulnérables à des chocs externes. Le coronavirus en est un exemple récent. Nous recommandons aux investisseurs de rester majoritairement «liquides» et diversifiés dans leurs portefeuilles, en privilégiant les actions des grandes capitalisations (au détriment des petites capitalisations), les titres de qualité dans des zones géographiques en retard: Europe, marchés émergents.
Pour la partie obligataire, de favoriser les obligations libellées en USD, dont les rendements demeurent positifs et la devise devrait s’apprécier en cas de tension sur la liquidité. L’exposition aux obligations de moindre qualité doit être limitée, du fait du manque de rémunération offert et du manque de liquidité; une diversification vers les obligations des pays émergents nous semble appropriée. Face à ces chocs externes et un retour potentiel de l’inflation, l’or a à nouveau un rôle à jouer dans les portefeuilles.
Rappelons qu’en 2016, Donald Trump avait été élu grâce à sa victoire dans quelques «swing States». Dans certains de ces États, fortement dépendants de la «vieille économie» industrielle, les électeurs n’ont pas profité de la reprise américaine et pourraient être tentés par les sirènes démocrates… nettement moins favorables a priori aux marchés financiers.
Les facteurs de risque ne manqueront pas de se manifester en 2020…