Le nouveau président de BGL BNP Paribas retrouve le Luxembourg, où il avait déjà travaillé de 2003 à 2010. (Photo: Edouard Olszewski)

Le nouveau président de BGL BNP Paribas retrouve le Luxembourg, où il avait déjà travaillé de 2003 à 2010. (Photo: Edouard Olszewski)

Passionné de voile, Geoffroy Bazin ne navigue jamais à vue. Neuf mois après avoir pris la succession de Carlo Thill en tant que responsable pays pour BNP Paribas et président du comité exécutif de BGL BNP Paribas, il livre sa première interview. Entre la formation du personnel pour affronter la digitalisation et le développement de nouveaux outils pour mieux assurer les demandes de la clientèle, Geoffroy Bazin partage les grandes lignes du prochain plan stratégique de la banque.

Cette interview est parue dans l’édition d’avril 2019 de .

Vous êtes depuis neuf mois à la tête de BGL BNP Paribas. L’héritage était en bon état?

.- «Oui, absolument. BGL BNP Paribas est une banque solide. Elle a beaucoup d’atouts. J’y vois surtout un capital humain assez remarquable. Elle dispose d’une diversité de profils, de gens bénéficiant de beaucoup d’expertise, bien formés, très engagés. C’est le principal atout: pouvoir s’appuyer sur des collaborateurs qui ont envie de développer un projet, de nouveaux services, se moderniser. Bien enten­du, il y a des choses à faire, nous avons beaucoup de potentiel devant nous, comme tirer parti de l’environnement bancaire qui continuera d’évoluer. J’ai donc envisagé des grands thèmes d’action pour la fin de cette décennie et pour engager la décennie à venir.

Comment s’est déroulée votre nomination? C’était un souhait de votre part ou une décision du groupe?

«Un peu les deux. Dans un groupe comme BNP Paribas, un choix pour un poste q, en lien avec l’État luxembourgeois, qui fait partie de nos actionnaires. Mais, à titre personnel et en termes de carrière, je reviens avec plaisir au Luxembourg, où j’ai déjà travaillé de 2003 à 2010. C’est un environnement financier, bancaire et client remarquable. C’est un très beau challenge.

C’est un retour au Luxembourg pour vous. La place financière a-t-elle beaucoup changé depuis votre départ?

«Oui et non. Quand on revient au Luxem­bourg, on trouve toujours une Place forte, stable. On retrouve beaucoup de têtes connues qui ont continué à développer leurs activités. Le Luxembourg a la réputation d’un pays qui sait donner confiance par sa stabilité. J’ai observé une constance dans ce pays, surtout en revenant au Kirchberg, en regardant les installations financières, les noms des banques. On est dans la continuité huit ans plus tard.

C’est agréable de voir cette prospérité bien accompagnée, ce climat de confiance, cette économie qui se développe de manière régulière.
 Geoffroy Bazin

 Geoffroy BazinPrésidentBGL BNP Paribas

En même temps, lorsque je suis parti en 2010, la conjoncture économique et bancaire en Europe était en pleine tourmente suite à la crise de 2008 et on ressentait le pessimisme ambiant. Puis, huit ans plus tard, je vois des grues partout, de nouveaux immeubles, un deuxième Kirchberg à la Cloche d’Or, un tram flambant neuf. On sent donc que le Luxembourg a continué de grandir, de consolider ses forces. Le visuel immobilier est impressionnant. C’est agréable de voir cette prospérité bien accompagnée, ce climat de confiance, cette économie qui se développe de manière régulière. Beaucoup de fondamentaux restent très forts et la stabilité économique donne de vrais atouts. C’est pour cela que notre groupe y investit.

Votre prédécesseur, , a gardé ce poste 13 ans. Vous venez également pour un long bail?

«J’aime rappeler la phrase d’un grand leader politique et militaire comme Napoléon: ‘N’ira pas loin celui qui connaît déjà son chemin.’ Mais il est clair que quand on prend une responsabilité comme celle-ci, c’est une mission d’accompagnement de la banque dans son développement, ça ne peut pas se faire à court terme. J’espère pouvoir redonner de l’impact à la banque du fait de ma présence.

Le personnel a longtemps été habitué au style de Carlo Thill. Comment définiriez-vous votre propre style de management?

«Je suis d’un style ouvert, attentif, très à l’écoute de l’interlocuteur. Notre rôle est d’être au service des clients, il faut écouter leurs besoins. J’aime avoir cette approche aussi bien vis-à-vis des clients que de mes collaborateurs ou de partenaires. Mais, ensuite, vient le temps de la décision. Je suis un manager qui aime bien répartir son énergie entre le temps de l’écoute et celui de l’action, du changement. Je n’aime pas beaucoup l’immobilisme, j’ai besoin d’entreprendre, de faire bouger les lignes. Je n’estime jamais que ce qui est acquis l’est pour longtemps. Il faut s’adapter. Je répète souvent à mes collaborateurs que ne pas être dans le changement est un risque pour le futur de chacun. Mais ce changement doit être accompagné et expliqué. Il est anxiogène pour l’être humain, il faut donc lui donner du sens.

Geoffroy Bazin a accompli toute sa carrière chez BNP Paribas, où il est entré en 1988. (Photo: Edouard Olszewski)

Geoffroy Bazin a accompli toute sa carrière chez BNP Paribas, où il est entré en 1988. (Photo: Edouard Olszewski)

Vous étiez en poste lors de la reprise de Fortis Luxembourg par BNP Paribas. Vous y avez participé activement?

«À cette époque, j’étais managing director de BNP Paribas Securities Services, la banque dépositaire du groupe, à Luxembourg. Lors de l’opération avec BGL et l’ancien groupe Fortis, BNP Paribas m’a confié la responsabilité de l’intégration des activités titres, d’administration de fonds et de banque dépositaire de BGL et de Fortis au sein de BNP Paribas Securities Services. J’ai donc côtoyé Carlo Thill et son équipe de direction en 2009-2010. J’ai vécu cette opération industrielle de très grande ampleur de l’intérieur.

Elle était complexe, mais elle a généré beaucoup de fierté. Elle a permis de constituer un grand champion bancaire luxembourgeois, regroupant tous les métiers de BGL et de BNP Paribas et représentant aujourd’hui plus de 3.900 collaborateurs. Nous disposons d’un vaste écosystème très complet qui recèle un impor­tant potentiel de ventes croisées. Cette fusion est un point de naissance très important. Elle donne beaucoup plus de solidité et d’activités couvrant à la fois les marchés local et international dans de nombreux métiers, comme le private banking, le corporate banking, l’asset management ou encore l’immobilier.

Vous avez longtemps travaillé au siège, à Paris. Comment est vu le Luxembourg depuis Paris?

«La perception est tout à fait bonne. Après le rapprochement entre Fortis et BNP Paribas, le Luxembourg est devenu un des quatre marchés domestiques dans la stratégie de banque de détail et des entreprises du groupe aux côtés de la France, de l’Italie et de la Belgique. Nous faisons partie d’un vaste ensemble opérationnel dans lequel nous sommes une pièce, petite sans doute, mais qui a son importance dans cette stratégie retail. Nous assumons le rôle de pilote dans le développement de certains produits et services.

Un autre exemple de cette importance, c’est , afin d’étendre l’activité de private banking. C’est une marque de confiance extrêmement forte de la part de BNP Paribas d’investir dans une opération de cette importance. La place financière de Luxembourg est donc vue comme un lieu incontournable pour le développement européen de nos activités de private banking, mais également pour notre banque commerciale auprès des entreprises.

C’était important pour comprendre, au-delà des chiffres et des rapports, ce qui se passe réellement sur le terrain.
 Geoffroy Bazin

 Geoffroy BazinPrésidentBGL BNP Paribas

Quelles ont été vos premières actions une fois en poste?

«J’ai avant tout souhaité très vite connaître l’ensemble de mes collaborateurs. Dès le mois de juillet 2018, j’ai fait le tour des 41 agences. J’ai ensuite poursuivi cette visite en allant saluer l’ensemble des collaborateurs dans tous les départements. C’était important pour comprendre, au-delà des chiffres et des rapports, ce qui se passe réellement sur le terrain. C’est là que l’on reçoit de la vraie information, ce qui me permet notamment de forger mes convictions et de voir ce qui peut devenir la base d’un plan d’action pour la suite.

Ma deuxième action a ensuite été de procéder à des aménagements au niveau de la gouvernance. Par l’expérience acquise dans mes autres fonctions, je sais qu’il est important d’avoir un dispositif de décision, de reporting et de délégation bien en main. Je me suis aussi rapidement attelé à cela. C’est d’autant plus important dans une banque, qui est une centrale de risques. Je me suis donc également assuré que la gestion des risques était placée à un bon niveau, en installant un comité de pilotage opérationnel des risques.

Vous avez déjà eu l’occasion de mettre de grands chantiers en place?

«J’ai lancé plusieurs initiatives pour mettre en place ma feuille de route et prévoir une stratégie pour la fin de cette année. Elle nous permettra de définir ce que veut être BGL BNP Paribas après 2020. Pour cela, j’ai mis sur pied un groupe de travail, afin de définir, à travers les convictions de nos clients et de nos collaborateurs, notre rôle, notre potentiel et nos forces pour les années 2020.

Notre monde est traversé par une importante vague d’innovation.
 Geoffroy Bazin

 Geoffroy BazinPrésidentBGL BNP Paribas

Et à plus court terme?

«Un de mes premiers points d’action concerne les ressources humaines. Pour performer et s’adapter au changement, c’est très important d’avoir un dispositif de ressources humaines qui pilote le développement, la mobilité et l’employabilité de notre capital humain, et qui sait investir dans les bonnes formations. C’est un de nos atouts. Nous investissons beaucoup de moyens dans ce domaine, mais j’ai aussi besoin de préparer des relèves, de développer et challenger nos talents, de sécuriser et renforcer nos expertises. J’ai donc initié un plan d’action au niveau des ressources humaines pour développer ces mesures. J’ai ensuite un deuxième point d’action très important dans le domaine de l’expérience client.

Notre monde est traversé par une importante vague d’innovation. La technologie apporte un réel bénéfice pour améliorer nos produits et nos services, mais ce n’est pas suffisant par rapport au client. Nous devons maîtriser la satisfaction du client, donc connaître ses besoins, et à ce niveau, la technologie ne pourra pas tout assurer. Notre banque se positionne au centre de la relation avec le client et veut, en même temps qu’on ajoute de la technologie, renforcer la relation humaine avec ce client dans la durée. Continuer à lui offrir du conseil, de l’expertise, des services. Ce sont ces points qui différencient notre stratégie de celle des néobanques qui se développent uniquement via internet.»

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