Pour Fredrik Skoglund, chief investment officer, et Jade Marie Bajai, investment strategy communication manager au sein de la Banque internationale à Luxembourg, la banque centrale américaine se prépare à durcir sa politique monétaire l’an prochain. (Photo: BIL)

Pour Fredrik Skoglund, chief investment officer, et Jade Marie Bajai, investment strategy communication manager au sein de la Banque internationale à Luxembourg, la banque centrale américaine se prépare à durcir sa politique monétaire l’an prochain. (Photo: BIL)

Au moment de Thanksgiving, un blog de Wall Street a commercialisé des pulls de Noël ornés du slogan «L’inflation est transitoire, bonnes fêtes de la part de la Réserve fédérale». Le durcissement du ton de la Fed a été si rapide que pull et message sont devenus obsolètes du jour au lendemain.

Pendant des mois, la Fed s’est accrochée à l’idée que les tensions inflationnistes liées à la pandémie s’atténueraient d’elles-mêmes. Les marchés ont exprimé à plusieurs reprises leurs doutes et des voix discordantes se sont élevées au sein même de la banque centrale américaine. Pendant l’automne, l’inflation, très élevée, n’a montré aucun signe d’essoufflement: après s’être maintenue au-dessus de 5% pendant cinq mois, elle est montée à 6,2% en octobre avant d’atteindre, en novembre, 6,8%, son plus haut niveau depuis 39 ans. L’inflation se propageant à l’ensemble des secteurs et les salaires enregistrant leur plus forte hausse «depuis de nombreuses années», des pressions grandissantes se sont exercées sur la Fed pour qu’elle prenne des mesures d’endiguement. Durant son intervention devant le Congrès le 30 novembre, son président, Jerome Powell, a finalement retiré le mot «transitoire» de sa rhétorique. Lors de sa réunion du 15 décembre, la Fed a résolument durci sa position, jusque-là accommodante, afin de reprendre le contrôle de l’inflation et de sa communication sur le sujet.

Fin annoncée du tapering et hausse prochaine des taux

En raison de sa mission en matière de contrôle de l’inflation et reconnaissant que «le risque d’une inflation durablement élevée avait augmenté», la Fed a annoncé accélérer le rythme de la réduction de ses achats d’actifs mensuels, prévoyant la fin du «tapering» mi-mars. L’abandon anticipé du «quantitative easing» ou assouplissement quantitatif doit donner à la Fed davantage de souplesse pour relever ses taux plus vite afin de juguler l’inflation. Jerome Powell a indiqué clairement qu’au regard des bonnes perspectives de croissance, du redressement rapide du marché du travail et d’une inflation largement supérieure à l’objectif, le délai entre la fin des achats d’actifs et le relèvement des taux pourrait être très court. Sur le marché du travail, le taux de chômage est tombé à 4,2%, son plus bas niveau depuis le début de la pandémie, et le président de la Fed a souligné que les récentes améliorations avaient «réduit les inégalités en matière d’accès à l’emploi».

La version actualisée des «dot plots», le graphique correspondant aux projections individuelles des 18 membres de la Fed sur l’évolution future des taux d’intérêt, prévoit désormais trois relèvements des taux en 2022. Cela montre à quel point, en l’espace de seulement trois mois, l’inflation est devenue un motif d’inquiétude pour la Fed. Dans le graphique des «dot plots» de septembre, la moitié des gouverneurs pensait qu’une hausse des taux ne serait nécessaire qu’en 2023. Par ailleurs, trois relèvements sont maintenant attendus courant 2023 et deux autres en 2024, en plus des trois relèvements projetés en 2022, ce qui porterait le taux des Fed Funds à 2,1%.

Apprendre à vivre avec le Covid

À la lecture de ses nouvelles prévisions de croissance et d’inflation pour 2022, la Fed semble avoir confiance dans la capacité de l’économie à surmonter le variant Omicron et, d’ailleurs, Jerome Powell a indiqué que les Américains ont appris, avec chaque nouvelle vague, à vivre avec le Covid.

En résumé, dans un contexte d’inflation élevée et de redressement rapide du marché du travail, la banque centrale américaine se prépare à durcir sa politique monétaire l’an prochain. Malgré ce durcissement de ton, les marchés actions ont bien réagi, car ils craignaient des annonces encore plus restrictives. Ce positionnement a aussi rassuré, car il montre la volonté de la Fed d’agir pour enrayer l’inflation galopante. La mauvaise nouvelle, pour ceux qui souhaiteraient remplacer leur pull de Noël, est que les effets de la politique monétaire se font sentir avec un certain décalage dans le temps. Dans le panier de biens et services pris en compte pour mesurer l’inflation, les prix de l’habillement ont augmenté de 5% en glissement annuel en novembre, et, si l’on en croit l’inflation en ligne mesurée par Adobe, cette hausse s’est établie à 17,3%.