Ravi Fernando explique comment le Luxembourg peut devenir la capitale mondiale de la finance durable.  (Photo: Maison Moderne Publishing / Archives)

Ravi Fernando explique comment le Luxembourg peut devenir la capitale mondiale de la finance durable.  (Photo: Maison Moderne Publishing / Archives)

Enseignant à l’Insead Business School, Ravi Fernando livre ses préconisations pour une participation efficace du secteur financier à la lutte contre le changement climatique. Entretien en marge du Sustainable Finance Forum le 26 juin.

Ravi Fernando est passé par des postes à responsabilité chez GlaxoSmithKline, Unilever, MAS Holdings, ou encore à l’Institut de nanotechnologie du Sri Lanka, et a été basé dans de nombreux pays sur quatre continents.

Il a ensuite effectué un master en «sustainability leadership» à l’université de Cambridge et occupe aujourd’hui le poste d’executive in residence à l’Insead Business School. Nous l’avons rencontré en marge du deuxième Sustainable Finance Forum, mercredi 26 juin.

Vous avez théorisé le concept de «strategic corporate sustainability». De quoi s’agit-il?

Ravi Fernando. – «Après toutes ces années passées dans le secteur privé, je ne voulais plus être un chef d’entreprise uniquement guidé par le profit. C’est pourquoi je me suis tourné vers les problématiques liées au développement durable.

Ensuite, j’ai approfondi mes connaissances sur la façon dont les entreprises pouvaient se servir du développement durable. J’ai finalement créé un nouveau concept durant ma thèse à l’université de Cambridge, à savoir la ‘durabilité stratégique des entreprises’. Il s’agit du moment où la stratégie d’entreprise et la durabilité se rencontrent et ne font plus qu’un.

C’est maintenant devenu un cours que j’enseigne à l’Insead Business School.

Quels sont vos messages à l’attention du secteur financier luxembourgeois en matière de développement durable?

«Le Luxembourg a l’opportunité incroyable de pouvoir devenir la capitale mondiale de la finance durable. Toutefois, s’il veut la concrétiser, je suggérerais différentes actions. Ces suggestions viennent de mon expérience en stratégie et sur différents continents.

Le point de départ consiste d’abord à comprendre le rapport du Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), publié en octobre 2018. Si le réchauffement de la planète atteint 1,5 degré, les dommages causés à l’économie mondiale atteindront 54 trillions de dollars. S’il franchit 2 degrés, les dégâts seront de 69 trillions de dollars.

La finance luxembourgeoise doit distribuer des produits financiers très ciblés pour gérer cette crise.

Ravi FernandoenseignantInsead Business School

Il faut donc d’abord comprendre cela très clairement. Et se poser la question: que pouvons-nous faire pour trouver des solutions efficaces?

La finance luxembourgeoise doit distribuer des produits financiers très ciblés pour gérer cette crise. Elle devrait créer un ou deux produits pour atténuer les problèmes, en permettant d’aller vers 100% d’énergies renouvelables dans les entreprises et les pays.

La deuxième voie concerne l’accès à l’eau potable. Sans eau potable, pas de vie. Je leur proposerais donc de créer des produits qui permettent de financer le dessalement de l’eau.

Êtes-vous surpris par la tonalité des débats, qui évoquent finalement peu de solutions très concrètes?

«Je suis choqué! Le propos est général, alors que les actions doivent être très ciblées. Avec trois domaines d’intervention simples: les énergies renouvelables, les voitures et transports électriques, et l’eau douce.

Y a-t-il un manque de leaders économiques et financiers dans le domaine de la transition écologique?

«Pour parvenir à ses fins, le Luxembourg doit créer de nouveaux produits et éclairer les chefs d’entreprise concernant le développement durable. Sinon, il ne va rien se passer.

Le pays doit s’assurer que les dirigeants politiques et économiques sont formés pour comprendre l’urgence et résoudre le problème. Cette éducation doit commencer par les PDG et les politiciens, dans une approche ‘top-down’.

Pour résumer, si le Luxembourg veut devenir la capitale mondiale de la finance durable, il doit comprendre le rapport du Giec, se concentrer sur de nouveaux produits qui répondent à ses enjeux et former les décideurs».