Randeep Somel voit la prochaine décennie comme celle de l’hydrogène. (Photo: M&G Investments)

Randeep Somel voit la prochaine décennie comme celle de l’hydrogène. (Photo: M&G Investments)

Pour Randeep Somel, gérant du fonds M&G (Lux) Climate Solutions Fund pour M&G Investments, l’hydrogène est la solution pour combler les manques du passage au tout-électrique et offre de fait un véritable potentiel de croissance aux investisseurs.

Si le passage à des sources d’énergies renouvelables pour la production d’électricité et l’électrification des véhicules particuliers permet de réduire considérablement les émissions mondiales, cela ne suffira pas. «Pour certaines activités à forte intensité de carbone, le passage à l’électrification ne présente aucun intérêt pratique ou économique», constate Randeep Somel.

Qui donne des exemples: «Dans le secteur des transports, les véhicules utilitaires lourds, le transport aérien et le transport maritime sont responsables de 19% des émissions mondiales de CO2 et il n’existe actuellement aucun moyen d’électrifier ces activités. Le coût et le poids des batteries, même avec des avancées technologiques continues, signifient qu’il est peu probable que l’électrification soit une solution d’ici 2050 pour ce secteur. Et, dans l’industrie, la production d’acier et de ciment représente 16% des émissions mondiales, et ce secteur ne dispose pas non plus de pistes viables vers l’électrification.»

Pour le gérant, il faut un combustible non fossile à haute densité pour prendre le relais du pétrole et du charbon. Et cette alternative existe: «L’hydrogène.»

50 nuances d’hydrogène

«Il existe de nombreuses nuances d’hydrogène: bleu, brun, vert, pour n’en citer que quelques-unes.» Des nuances qui sont fonction des méthodes de production, certaines émettant du carbone et d’autres pas.

«Nous disposons désormais de la technologie permettant de produire de l’hydrogène à partir de sources d’énergies renouvelables sans carbone, telles que les énergies éolienne et solaire. Les électrolyseurs, qui transforment les énergies renouvelables en hydrogène, ont atteint un niveau de développement tel qu’ils sont capables de monter et de descendre rapidement en puissance, en tenant compte de l’intermittence des sources d’énergies renouvelables, afin de capter l’énergie produite.»

Randeep Somel donne l’exemple de la société britannique ITM Power, leader du développement d’électrolyseurs à membrane échangeuse de protons (PEM) qui convertissent les énergies renouvelables en hydrogène vert sans carbone. «La capacité de production de son usine de Sheffield est en train d’augmenter.»

La pile à combustible constitue l’autre aspect de la technologie.

«C’est là que l’hydrogène est reconverti en une forme d’énergie utilisable, telle que l’électricité. Substituer les véhicules à hydrogène aux véhicules à combustion traditionnels reste aujourd’hui plus coûteux. Toutefois, les coûts continuent de baisser, constate-t-il.

«L’entreprise britannique Ceres Power, qui développe des piles à combustible viables, a considérablement réduit le coût de ces dernières grâce à sa conception innovante: la pile à combustible est fabriquée à 90% en acier, le reste étant essentiellement composé de céramique. Grâce à cette innovation, elle a supprimé l’utilisation de matières premières coûteuses, telles que les métaux du groupe du platine, qui augmentaient considérablement les coûts.»

En surfant sur ces innovations, Randeep Somel s’attend à ce que d’ici 5 ans, «les camions fonctionnant à l’hydrogène soient moins chers à posséder et à exploiter que les camions à combustion actuels».

La question de la chaîne d’approvisionnement

Si les technologies pour la production et la conversion de l’hydrogène deviennent matures, reste à mettre en place la chaîne d’approvisionnement, qui fera en sorte que le processus fonctionne et soit économiquement viable. «Cela va des producteurs d’énergies renouvelables aux fabricants de produits en aval, qui utiliseront désormais l’hydrogène pour remplacer les combustibles fossiles, en passant par les gazoducs industriels et les transports.»

Ils ont déjà commencé. Les partenariats se multiplient. «Des constructeurs mondiaux de véhicules et d’équipements lourds, tels que Honda, Toyota et Doosan, ont également signé des accords avec Ceres Power, afin d’obtenir une licence pour leur propriété intellectuelle et d’intégrer leurs piles à combustible innovantes dans leurs propres véhicules.»

Du côté des infrastructures, Randeep Somel s’attend à voir se reproduire le scénario de l’éolien, dans lequel les prix de la production d’énergie éolienne en mer ont chuté de 89% au cours de la dernière décennie au fur et à mesure que l’éolien s’imposait comme une des principales alternatives à la production d’énergie à partir de combustibles fossiles. «Tout porte à croire que l’hydrogène vert suivra une progression similaire, d’autant plus qu’il est reconnu comme la meilleure alternative aux activités qui ne peuvent être électrifiées.»

Le potentiel de croissance existe. «Le potentiel de marché de l’hydrogène vert représente aujourd’hui environ 2 gigawatts (GW) ou 1,6 milliard de dollars. L’UE, à elle seule, vise environ 6GW en 2024, et environ 40GW d’ici 2030. La politique britannique en matière de carbone devrait être annoncée début 2022. Avec l’engagement des États-Unis et de la Chine par rapport aux objectifs climatiques de Paris, l’ensemble des politiques en matière de carbone dans le monde devraient continuer à évoluer. À l’approche de la COP26, qui se tiendra à Glasgow en novembre cette année, il faut s’attendre à ce que d’autres pays intègrent l’hydrogène dans leurs objectifs.»

Cet article est issu de la newsletter Paperjam Finance, le rendez-vous mensuel pour suivre l’actualité financière au Luxembourg.