Un rapport de la Direction de la santé s’inquiète d’une situation tendue dans les hôpitaux. Même si le nombre des infections et des malades hospitalisés diminuent. (Photo: CHL/Facebook)

Un rapport de la Direction de la santé s’inquiète d’une situation tendue dans les hôpitaux. Même si le nombre des infections et des malades hospitalisés diminuent. (Photo: CHL/Facebook)

La baisse du nombre d’infections au Covid se ressent dans les hôpitaux, où la situation semble s’être améliorée pour le personnel. Mais la fatigue s’accumule et des départs sont à craindre après la crise. Tous restent aussi préparés à une nouvelle hausse des cas d’infection.

Absentéisme, épuisement professionnel… Malgré des chiffres des bilans Covid quotidiens en légère amélioration, le rapport de la Direction de la santé fait état d’une situation toujours tendue dans les hôpitaux. «Au cas où cette tendance persistait dans la durée, les hôpitaux risquent de ne plus être en mesure de continuer à traiter un nombre aussi élevé de patients Covid tout en assurant leurs activités normales.»

Le rapport calcule qu’un patient Covid hospitalisé nécessite plus de personnel qu’un patient classique, tant en soins normaux (1 ETP infirmier pour un patient classique, 1,3 pour un patient Covid) qu’en réanimation (1,5 ETP infirmier pour un patient Covid). 

Burn-out attendus après la crise

L’Association nationale des infirmières et infirmiers du Luxembourg (Anil) se veut plus rassurante: «La situation sur le terrain s’est améliorée, le personnel sent une diminution du stress», constate sa présidente, Anne-Marie Hanff. Même s’il est «difficile de prévoir comment cela va évoluer».

L’absentéisme a en effet marqué le mois de décembre, entre congés pour maladie et isolements par précaution. Conséquence, des personnes devant travailler parfois 11 jours de suite sans pause, ou des journées de 12 heures, et des congés de fin d’année mis en suspension. «Beaucoup de personnel a été infecté. C’est comme dans la population, quand le nombre d’infections augmente, c’est le cas chez nous aussi.» L’association ne dispose pas de chiffres précis à ce sujet. «Il est aussi difficile de déterminer si l’infection a eu lieu à la maison ou sur le lieu de travail.» Anne-Marie Hanff rappelle que deux tiers du personnel vient de la Grande Région. «Si les chiffres là-bas sont en hausse, ils le sont chez nous aussi.» De nombreuses données à surveiller donc, malgré le calme relatif.

Qui n’empêche pas un sentiment général de fatigue. «Cela s’est calmé. Les gens disent qu’ils peuvent respirer de nouveau», confirme Tina Koch, infirmière au Centre hospitalier neuro-psychiatrique (CHNP) d’Ettelbruck, et en formation pour devenir infirmière hygiéniste. «Pour l’instant, tout le monde fait de son mieux. Mais les gens sont fatigués, ils attendent que cela se termine.» C’est son cas à elle aussi. «Je ne me sens pas en sécurité, la situation peut revenir demain en plus aiguë. Le Covid, on ne sait pas le programmer, on ne sait pas le gérer.» Dans ces cas-là, les soignants se remettent beaucoup en question. «Est-ce que j’ai bien respecté les gestes barrières?», illustre l’infirmière. «Nous avons eu très peu de personnel contaminé, mais pas zéro non plus. Toutes ces questions tournent dans la tête des gens. Certains pleurent.» Elle espère rapidement «retrouver une vie normale». «Je m’enferme beaucoup, pour ne pas tomber malade. De même dans le travail, on ne mange plus ensemble. J’ai envie de revoir des gens, avoir des contacts sociaux.»

Le Covid, on ne sait pas le programmer, on ne sait pas le gérer.

Tina KochinfirmièreCHNP

Si les burn-out ne se font pas encore ressentir selon elle, ils ne sauraient tarder. «Je pense qu’une fois que la situation sera terminée, c’est là que beaucoup de gens vont vouloir arrêter les soins et se tourner vers une autre formation.»

Ce qui inquiète aussi l’Anil. «Il y a un risque énorme qu’après la pandémie, les gens en aient marre», témoigne Anne-Marie Hanff. Alors que le secteur, qui emploie 6.153 personnes selon les chiffres de 2019, devra faire face à 40% de départs en retraite d’ici 2035. Or, le nombre de nouveaux professionnels n’est «pas suffisant». Par exemple, en 2018, on a comptabilisé seulement 59 nouveaux infirmiers, d’après l’Anil. Pour remédier à la pénurie de personnel, des discussions sont en cours avec le gouvernement, notamment pour revaloriser la profession au niveau de la formation. L’association demande que le BTS actuel soit remplacé par un bachelor.

Au CHDN, de la place, pour l’instant

En plus de l’état du personnel, la Direction de la santé s’inquiète dans son rapport de la place dans les hôpitaux. Elle note un nombre de lits occupés à un «niveau qui continue à peser lourdement sur la résilience et les capacités du secteur hospitalier». Et craint que les hôpitaux et le personnel se trouvent dans une «situation intenable» en cas de nouvelle augmentation des infections.

«Chez nous, la situation n’est plus tellement tendue», assure le Centre hospitalier du Nord (CHDN). En milieu de semaine dernière, l’établissement comptait trois personnes en réanimation et six en soins normaux à cause du Covid-19. Des chiffres qui n’ont pas beaucoup varié depuis. Pour avoir une idée de ce que cela représente, la situation devient compliquée à gérer à partir d’«une dizaine de personnes intubées», illustre-t-on. Même si «dans les cas extrêmes, on s’adapte». En décembre, l’hôpital a par exemple connu un pic à 11 personnes.

Bien sûr, l’établissement surveille de très près l’impact sur le nombre d’infections. «Il faut bien encourager le public à rester vigilant et suivre les consignes du gouvernement. C’est l’hiver, même avec la vaccination, cela va durer. Nous restons préparés, nous pouvons rapidement revenir à d’autres scénarios.»

Cette période de calme aurait en tout cas permis au personnel de santé de souffler. «Nous avions pris la démarche de fermer la plupart de nos salles d’opération courant décembre, ce qui fait que notre personnel a quand même pu se reposer un peu. Cela a été très apprécié», explique-t-on. Les opérations reportées ont pu reprendre depuis le 4 janvier, l’hôpital recontactant les patients concernés. «Nous avons aussi mis en place de nombreuses activités visant à soutenir nos membres du personnel dans leur bien-être quotidien avec pour but de prévenir la surcharge et le burn-out. Ainsi, nous offrons des cours de yoga, méditation, reiki, mais aussi une hotline de support.»

Les chiffres sur l’absentéisme ne sont pas communiqués. L’établissement compte 1.196 employés, dont 731 soignants et 148 médecins. Le nombre de personnes dédiées aux victimes de la pandémie varie. «En décembre, notre unité de soins Covid était dotée de 35 personnes au lieu de 28 en temps normal.» Elle compte un maximum de 29 lits Covid, sur les 357 de l’hôpital.

Préparés à une nouvelle vague

Au Centre hospitalier Emile Mayrisch (CHEM) aussi, «la situation est stable». Mais l’absentéisme frappe quand même. Sur les 1.870 employés actifs, dont 1.070 soignants et 265 médecins, environ 200 sont dédiés à la prise en charge de patients Covid. Parmi eux, 75 se trouvent «en quarantaine, en isolement ou en maladie en raison d’une infection au Covid-19». Pour 34 patients hospitalisés, dont 7 en soins intensifs. «Actuellement, 41% des lits en soins intensifs et 54% des lits en soins normaux sont occupés par des patients Covid. Toutefois, le CHEM peut adapter les capacités dédiées à la prise en charge de patients Covid lors d’un nouveau passage dans une phase plus élevée.» L’établissement reste donc lui aussi sur ses gardes, avec des équipes «préparées» en cas d’une «nouvelle augmentation des infections».

«La situation vendredi était encore calme», confirme-t-on au CHL, occupé par la campagne de vaccination. «Il n’y a rien d’inquiétant pour le moment, en espérant que cela ne va pas redémarrer.»