Pour Florent Delorme, stratégiste chez M&G Investments, l’héritage du «quoi qu’il en coûte» mis en œuvre partout dans le monde sera sans réformes lourdes à porter et obérera la croissance potentielle en sortie de crise. (Photo: M&G Investments/Daniel Lewis)

Pour Florent Delorme, stratégiste chez M&G Investments, l’héritage du «quoi qu’il en coûte» mis en œuvre partout dans le monde sera sans réformes lourdes à porter et obérera la croissance potentielle en sortie de crise. (Photo: M&G Investments/Daniel Lewis)

Pour les politiques, la hausse vertigineuse de la dette liée à la pandémie se résorbera d’elle-même grâce au rebond de croissance qui s’ensuivra. Une explication «politique» que ne partagent pas tous les économistes. 

L’endettement a fortement progressé avec la pandémie. Selon la Deutsche Bank, entre le dernier trimestre 2019 et le dernier trimestre 2020, il a clairement et fortement augmenté. La hausse de l’endettement total des ménages, des entreprises et de l’État représente sur la période plus de 50% du PIB dans le cas de la France et de l’Espagne, plus de 40% du PIB dans le cas du Royaume-Uni et de la Belgique, plus de 35% du PIB dans le cas du Canada, de l’Italie et des États-Unis, plus de 30% du PIB pour la Chine et plus de 20% du PIB pour l’Allemagne.

Quelles options pour résorber l’endettement sans en passer par l’idée périlleuse et controversée d’une annulation?

L’option de l’inflation

L’inflation apparaît comme une première option. Qu’écarte Florent Delorme, stratégiste chez M&G Investments. «Une inflation significative serait un moyen de réduire le stock de dettes. Mais il est peu probable qu’un régime d’inflation fort, à plus de 5%, voire à deux chiffres, comme dans les années 70, devienne le nouveau standard», estime-t-il, soulignant que l’environnement reste déflationniste. «La hausse actuelle des prix est donc très vraisemblablement temporaire et l’on s’oriente à l’avenir vers des taux réels légèrement négatifs, fruits de taux nominaux maintenus bas par les banques centrales et d’une inflation modérée. Ces taux réels négatifs ne suffiront pas à résorber l’endettement massif et il faudra donc trouver d’autres méthodes pour réduire substantiellement les dettes.»

La voie de la pertinence des dépenses

Pour Florent Delorme, l’issue se trouve dans la pertinence des dépenses. Tout l’enjeu est de les orienter vers des investissements productifs pour éviter le scénario d’un monde où la croissance potentielle serait faible du fait d’une productivité dégradée.

Pour l’économiste, si on veut éviter une insoutenabilité macroéconomique qui conduira à moyen terme à un effondrement, le scénario optimal serait d’investir massivement par un endettement et, surtout, par réallocation des liquidités et fonds propres, «afin de créer une trajectoire vers un nouveau modèle de prospérité européen, avec beaucoup de liberté a priori sur les allocations et les instruments, la seule obsession devant être de canaliser ces investissements vers les moteurs de la prospérité au 21e siècle: capital humain, capital naturel et innovation (éducation, recherche, santé, climat, biodiversité, résilience)».

L’idée est d’éviter la tentation de reproduire, sans y parvenir vraiment, le monde d’avant en empilant, pour des plans de relance mal ciblés, des dettes inutiles. «Le retournement des taux deviendra alors hautement probable et nous n’aurons plus les marges de manœuvre suffisantes pour les absorber. Ce scénario conduit donc à un effondrement économique à moyen terme, à plus ou moins petit feu.»

Une critique en creux des politiques de soutien monétaire durable et de déficits budgétaires d’augmenter massivement l’endettement et de maintenir en vie des entreprises «zombies» à faible productivité qui ne survivraient pas sans ce contexte particulier. «La ‘destruction créatrice’, source d’efficacité et de productivité, n’a donc plus lieu et la productivité globale de l’économie s’en trouve affectée.»