La Cellule de renseignement financier (CRF) dispose de deux outils pour échanger spontanément des informations avec ses homologues européens. (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne/Archives)

La Cellule de renseignement financier (CRF) dispose de deux outils pour échanger spontanément des informations avec ses homologues européens. (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne/Archives)

Les échanges spontanés d’informations entre les cellules de renseignement financier européennes sont monnaie courante. Toutefois, une hausse de 82% des flux de notifications du Luxembourg vers la France interpelle, mais ne surprend pas, dans la perspective des recommandations du Gafi.

Le service de renseignement financier français, Tracfin, rendait public son rapport d’activité et d’analyse pour l’année 2021 le 27 juillet dernier. À travers ce document, le service rattaché au ministère de l’Économie et des Finances présente une analyse des circuits financiers clandestins les plus marquants au cours de l’année et les met en perspective avec ses activités de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, autant à l’échelle nationale qu’internationale.

Dans son rapport, Tracfin relève une intensification de la coopération internationale avec ses homologues étrangers. De la sorte, le service a constaté «une forte hausse du nombre d’informations spontanées reçues en 2021», notamment en provenance du Luxembourg. Cette augmentation s’élève à 82% des informations reçues.

Contacté par Paperjam pour davantage de contexte quant à cette hausse significative, Tracfin se refuse à tout commentaire sur cette statistique: «Malheureusement, pour des raisons de confidentialité, nous ne serons pas en mesure de vous apporter les précisions demandées.»

Une obligation réglementaire

Interrogé ensuite sur la raison de son refus de fournir un minimum de contexte sur une telle donnée significative contenue dans un rapport public, Tracfin n’avait pas donné suite à l’heure d’écrire ces lignes. Un commentaire a minima sur le volume des échanges, les typologies de criminalité et les types d’entités concernées aurait pourtant contribué à la compréhension du rapport pour les lecteurs. Parmi eux, de nombreux compliance officers d’institutions financières s’en inspirent pour renforcer leurs programmes de lutte contre le blanchiment de capitaux.

Au Luxembourg, la Cellule de renseignement financier (CRF) déclare: «Il ne nous est pas possible de nous prononcer sur les échanges avec une CRF (cellule de renseignement financier, ndlr) étrangère spécifique.» Et d’ajouter: «Le nombre d’échanges spontanés avec une CRF d’un État membre de l’Union européenne peut notamment fluctuer en raison de la nationalité et de la résidence de la clientèle de professionnels actifs au Luxembourg.»

Les cellules de renseignement financier de l’Union européenne ont l’habitude d’échanger entre elles. Comme le rappelle la CRF dans sa réponse, il s’agit d’ailleurs d’une obligation réglementaire depuis la quatrième directive européenne anti-blanchiment. Par conséquent, lorsque la CRF reçoit une déclaration qui concerne un autre État membre, elle la transmet «sans délai» à son homologue dans le pays concerné.

Deux outils distincts

Pour échanger spontanément des informations avec les autres cellules de renseignement financier de l’Union européenne, la CRF dispose de deux outils. Le premier est destiné aux prestataires en ligne qui ont leur siège social au Luxembourg et qui opèrent sous passeport européen dans d’autres États membres. Ils ont en effet l’obligation de déclarer leurs soupçons de blanchiment aux autorités de leur pays d’établissement. Ces déclarations sont alors filtrées sur un serveur de la CRF et ensuite envoyées automatiquement aux autres États membres pouvant être intéressés par les informations.

Avec l’Allemagne en pôle position de réception des notifications (13.474), suivie du Royaume-Uni (4.068), la France constituait le troisième récipiendaire des informations envoyées par la CRF en 2020 via ce canal. Pas moins de 1.177 informations avaient été envoyées en France en 2020, contre 1.126 en 2019, soit une augmentation de +51 échanges.

Le second outil nécessite, quant à lui, l’intervention d’un analyste de la CRF qui juge de la pertinence de l’échange spontané d’informations avec un autre État membre. Ce canal est privilégié si l’analyste estime qu’une coopération internationale traditionnelle ne se justifie pas. Ainsi, la France représentait le principal destinataire des informations échangées par ce biais en 2020 avec 304 notifications, contre 281 en 2019, soit une variation de +23 envois.

De façon générale, le Groupe d’action financière (Gafi) souligne l’importance pour les États de favoriser le plus possible la coopération en matière de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme, aussi bien de façon spontanée que sur une base légale. Il s’agit très certainement d’un aspect que les inspecteurs du Gafi envoyés au Luxembourg cette année veilleront à évaluer lors de leur visite dans le pays.