Mairead McGuinness, commissaire européenne en charge des services financiers, de la stabilité financière, et de l’union des marchés de capitaux, en tournée européenne, a fait étape au Luxembourg. L’occasion d’échanger avec Pierre Gramegna. (Photo: UE)

Mairead McGuinness, commissaire européenne en charge des services financiers, de la stabilité financière, et de l’union des marchés de capitaux, en tournée européenne, a fait étape au Luxembourg. L’occasion d’échanger avec Pierre Gramegna. (Photo: UE)

La commissaire européenne et le ministre des Finances ont échangé sur les nombreux dossiers dont elle a la responsabilité. Et plus particulièrement ceux du marché unique des capitaux et du développement de la finance durable.

Mairead McGuinness est en quelque sorte la commissaire de tutelle de la Place luxembourgeoise. C’est sous son autorité que sont conduites des réformes d’importance, comme l’approfondissement de l’union bancaire et du marché unique des capitaux, la réforme de la directive anti-blanchiment, avec, à la clé, la création d’une agence européenne de lutte contre le blanchiment, la réforme de la directive sur l’assurance (ACA), ou encore la réglementation prochaine des fintech et des crypto-assets. Elle était au Luxembourg avec tous ces sujets à son programme. Peut-être pas en terrain conquis, mais au moins face à un partenaire dont l’engagement européen et le sens du compromis ont permis de débloquer pas mal de situations.

Durant leur réunion, Mairead McGuinness et  (DP) ont abordé ces sujets afin de faire le point sur les avancées çà et là.

Maintenir les liens avec la City

Fidèle à ses principes, le ministre des Finances a insisté sur la nécessité d’approfondir le marché unique des capitaux – «un point indispensable pour mobiliser les capitaux nécessaires au financement d’une croissance forte et durable» – et de maintenir des liens avec la City de Londres malgré le Brexit.

Le Luxembourg et Londres ont souvent eu des visions convergentes en matière de réglementation financière, et le Brexit a fait perdre au Luxembourg un allié de poids à Bruxelles.

Même au plus fort de la vague de départ d’acteurs financiers de la City, le Luxembourg ne s’est jamais positionné comme une Place opportuniste et a insisté sur la nécessité de ne pas couper les ponts. Ce qu’a encore fait Pierre Gramegna à l’occasion de la visite de la commissaire, alors que le dossier des «équivalences» piétine. Il a aussi insisté sur le fait qu’il est fondamental de garder de bonnes relations avec des partenaires importants et que, sans accorder à Londres le plein accès au marché européen des services financiers «qu’ils avaient en tant que membre du club», il faut capitaliser sur le fait que les réglementations restent encore très proches. «Ne pas le faire nous ferait courir le risque que la City s’éloigne du continent», a affirmé le ministre.

Ce dernier s’est, au passage, félicité que la question de la délégation de gestion dans le secteur des fonds d’investissement, un moment, sinon remise en cause, plus sévèrement encadrée – à un point que cela en devenait un désavantage compétitif pour le Luxembourg et sa Place – ne le soit désormais plus. Des activités de gestion déléguées qui se font concrètement souvent depuis Londres.

Emboîtant le propos de Pierre Gramegna, Mairead McGuinness a reconnu l’importance de trouver la bonne formule dans les nouvelles relations avec Londres et a indiqué que les négociations concernant les équivalences «se déroulaient dans une ambiance constructive».

Opposition au nucléaire réaffirmée

Pierre Gramegna a également insisté sur la nécessité d’aller encore plus loin en matière de finance durable. Pour lui, la double transition à laquelle est confrontée l’UE – à savoir la transition digitale et la transition verte liée au climat – doit s’accompagner d’une transition vers la finance durable. Le «troisième côté du triangle», selon lui. «Si on ne verdit pas les portefeuilles, et sans une taxonomie pour éviter le greenwashing, nous ne serons pas capables d’atteindre les deux autres priorités.»

La taxonomie est le sujet politique du moment à Bruxelles, avec, comme question centrale, le fait de savoir si le gaz fossile et le nucléaire doivent être considérés comme des énergies «durables». Face aux blocages, la Commission a repris la main en début de semaine. La liste des investissements durables sera élaborée directement par la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, via un acte délégué. Et il semble que l’on se dirige vers une intégration dans cette liste du gaz et du nucléaire en tant qu’activités de «transition». Alors que les États membres de l’UE sont profondément divisés sur la question, Pierre Gramegna a rappelé la position du Luxembourg: «Gaz et nucléaire ne sont pas des sources d’énergie durable et ne devraient donc pas être inclus dans la taxonomie.» Ce dont a pris acte la commissaire.

Pierre Gramegna a cependant reconnu que la transition énergétique ne sera pas un sujet facile et qu’il faudra laisser du temps aux gestionnaires pour verdir leurs portefeuilles et aux industriels pour produire plus vert afin d’éviter l’explosion de bulles financières et sociales.