Trois femmes ukrainiennes – Irina, Margarita et Angela – nous racontent comment elles ont fui la guerre pour tout recommencer au Luxembourg. (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne)

Trois femmes ukrainiennes – Irina, Margarita et Angela – nous racontent comment elles ont fui la guerre pour tout recommencer au Luxembourg. (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne)

Trois femmes ukrainiennes – une institutrice, une chercheuse politique à la retraite et une professeure de littérature à l’université – vivant aujourd’hui au Luxembourg nous racontent comment elles ont vécu la guerre, leur installation au Grand-Duché, leurs démarches administratives… et nous font part de leurs espoirs pour l’avenir.

Le 24 avril, cela a fait . Selon l’, plus de 7,1 millions de personnes ont été déplacées à l’intérieur du pays, et plus de 4 millions ont fui leur foyer. Environ 4.500 Ukrainiens vivant aujourd’hui au Luxembourg tentent toujours de repartir de zéro, alors que la guerre fait toujours rage.

«Ça n’a vraiment pas été facile. Mon histoire est une histoire de survie», explique Irina, une chercheuse politique à la retraite, qui, grâce au soutien de sa famille et de ses proches, est venue s’installer au Luxembourg avec son mari. Un jour avant que la guerre n’éclate, elle se souvient d’avoir célébré une joyeuse fête d’anniversaire avec sa famille, puis de s’être réveillée le lendemain matin dans un pays en guerre, survolé par des hélicoptères à basse altitude. «Nous avons vu plusieurs explosions se produire à environ cinq kilomètres de chez nous. C’était vraiment dangereux, et nous avions peur. C’était surréaliste», se souvient-elle.

Le 27 février, Irina et son mari ont vu des champs situés à 10 ou 15 mètres de chez eux disparaître sous les flammes. «À ce moment-là, nous pensions que c’était la pire chose qui pouvait nous arriver, mais, en réalité, le pire restait encore à venir.» Le lendemain, ils se retrouvaient sans électricité, sans connexion mobile, ni internet. Fuir était tentant, évidemment, mais l’idée même de sortir de chez eux et de s’enfuir semblait insensée, alors que des coups de feu et des bombardements les avaient tenus éveillés toute la nuit. Après avoir passé plusieurs jours dans le sous-sol de leur maison avec quelques provisions, le pire jour, selon elle, est finalement arrivé le 3 mars. Alors qu’elle jetait un coup d’œil depuis le troisième étage de sa maison, elle a vu des chars russes stationnés à l’entrée de la forêt avoisinante. Environ deux heures plus tard, le toit de leur maison était touché et envahi par les flammes. Ils ont récupéré leur chien, leurs téléphones, leurs ordinateurs portables, un peu d’argent, ainsi que quelques documents, avant de s’échapper et d’aller se réfugier chez un voisin.

«C’était le moment le plus dangereux. Mais le combat a continué, avec des explosions tout autour de nous. Nous pouvions voir le toit de notre maison s’écrouler sous le poids des flammes.»

Nous voulions partir le plus loin possible du territoire occupé.

Irinachercheuse politiqueUniversité de Kiev

Sa voisine Margarita, professeure de littérature qui organise toujours des cours à distance pour ses étudiants – basés désormais dans différents pays –, raconte qu’après quelques jours passés tous ensemble dans le sous-sol de sa maison avec très peu de provisions, ils ont finalement réussi à rejoindre une flotte de voitures pour quitter le pays. Après plusieurs jours passés sur des routes accidentées à traverser différents postes de contrôle russes, ils sont arrivés à Varsovie, d’où ils ont finalement pu prendre un vol jusqu’au Luxembourg.

«Nous avions peur de prendre les trains d’évacuation, car ils étaient bondés, et, vu notre âge et notre état de santé, nous craignions de ne pas survivre au voyage», explique Margarita.

Depuis leur arrivée au Luxembourg, les deux familles ont demandé le statut de protection temporaire, et elles se sont installées dans des logements différents. Elles ont d’ailleurs tenu à partager plusieurs messages positifs sur le Luxembourg.

«Toutes les personnes que nous avons rencontrées ici ont été adorables. Les Luxembourgeois ont fait preuve d’une grande solidarité et d’une grande hospitalité à notre égard», explique Irina.

La manifestation organisée au Luxembourg a particulièrement marqué Margarita. Grâce à cet événement, elle a pu entrer en contact avec la communauté ukrainienne, mais aussi prendre la parole et lire quelques poèmes pour inspirer les gens – en particulier les femmes qui ont soutenu sa communauté pendant la guerre. Elle en a également profité pour saluer le soutien chaleureux témoigné à l’Ukraine par le Luxembourg et d’autres pays.

Après avoir suivi les procédures administratives nécessaires, elle a commencé à apprendre le français, et espère pouvoir enseigner la littérature ukrainienne aux enfants au Luxembourg. Elle espère également que son mari, célèbre peintre et restaurateur d’œuvres d’art en Ukraine, pourra continuer à travailler, son métier ne connaissant pas de barrières linguistiques.

Pour Angela, la situation est un petit peu différente. Ayant visité le Luxembourg plusieurs fois par le passé, cette institutrice, qui décrit l’enseignement comme étant à la fois sa profession et une réelle vocation, connaissait déjà un petit peu le pays – un avantage non négligeable. Son expérience peut sembler moins «dure» que celle vécue par Irina et Margarita – par exemple, sa maison n’a pas été détruite. Elle n’a pourtant pas été simple; la peur que l’on ressent en entendant les sirènes retentir en permanence est un «sentiment très étrange. Lorsque vous ne vous sentez pas en sécurité, vous ne savez pas quoi faire. Vous ne savez plus quelle est votre raison de vivre, et vous avez la sensation de ne pas avoir d’avenir.»

Depuis son arrivée au Luxembourg, elle enseigne l’anglais à des familles ukrainiennes – elle s’occupe d’environ 17 étudiants pour l’instant. Selon elle, les procédures d’immigration se sont considérablement améliorées par rapport au tout début, où tout était encore assez ambigu. Cependant, elle souligne que le «problème de la langue» reste un point sensible dans certains cas; même si la plupart des réfugiés sont très motivés, cela reste compliqué pour certains, qui ont encore le mal du pays. «J’ai rencontré des personnes extrêmement mal dans leur peau… elles deviennent hystériques, nerveuses et anxieuses. Tout ce que vous pouvez faire, dans ces cas-là, c’est les aider et essayer de leur parler.»

J’ai rencontré des gens merveilleux, de vrais anges gardiens.

Angelainstitutrice

Son intégration s’est faite relativement en douceur, grâce à l’énorme soutien qu’elle a reçu à la frontière entre la Hongrie et le Luxembourg, notamment. Ses expériences passées en tant qu’expatriée – elle a vécu aux États-Unis et en Afrique du Sud – ont aussi aidé. En classe, elle essaie de mettre à profit son vécu et son attitude positive pour encourager les autres.

«Lorsque je donne cours, j’aime communiquer avec les gens, leur parler… et voir leur visage se détendre petit à petit. Ils se mettent à sourire plus souvent, ils sont plus ouverts et aimables. C’est un sentiment agréable. Je crois que l’aide englobe un ensemble de choses… ces personnes ont besoin d’aide de l’extérieur, certes, mais aussi, et surtout, du soutien de leurs compatriotes, avec lesquels elles peuvent réellement partager leur expérience.»

«Nous prenons le temps de nous remettre de tout ceci, et nous savons que ça sera long», conclut Marina, la fille d’Irina.

Cet article a été rédigé par  en anglais, traduit et édité par Paperjam en français.