Satisfait de l’évolution de l’emploi et de l’inflation, Jerome Powell annonce une baisse du soutien à l’économie américaine. Mais la croissance étant encore jugée fragile, les taux d’intérêt ne devraient pas augmenter avant 2023. (Photo: Federal Reserve)

Satisfait de l’évolution de l’emploi et de l’inflation, Jerome Powell annonce une baisse du soutien à l’économie américaine. Mais la croissance étant encore jugée fragile, les taux d’intérêt ne devraient pas augmenter avant 2023. (Photo: Federal Reserve)

Le président de la Réserve fédérale américaine a indiqué, lors du séminaire de Jackson Hole, que l’actuelle politique de soutien massif à l’économie touche à sa fin. Pour autant, les taux d’intérêt américains, eux, ne devraient pas repartir à la hausse. Du côté de la BCE, sur ces questions, le flou demeure.

Pour Jerome Powell, tous les indicateurs semblent au vert pour commencer à diminuer dès cette année le soutien massif à l’économie mis en place depuis le début de la pandémie via le rachat de la dette des banques et des entreprises. C’est une confirmation des hypothèses issues du compte rendu de la réunion du comité monétaire de la Fed de juillet dernier. Le patron de la Fed estime que la décroissance du chômage – 943.000 emplois créés en juillet et 600.000 attendus pour août – et l’évolution de la pandémie permettaient de réduire les achats de titres destinés à soutenir l’économie «avant la fin de l’année».

«Nous avons dit que nous continuerions nos achats d’actifs au rythme actuel jusqu’à ce que nous voyions de nouveaux progrès substantiels vers nos objectifs maximaux d’emploi et de stabilité des prix», a-t-il rappelé. Le temps semble donc venu. Les détails pratiques de ce retrait en bon ordre devraient être précisés lors de la réunion du comité monétaire de la Fed de ce 22 septembre avec comme objectif de ne pas faire chuter les marchés à l’instar de ce qui s’était passé en 2013 lors du précédent tapering mené par la Fed. L’hypothèse privilégiée des analystes est celle d’un démarrage en octobre. La Fed rachète actuellement 80 milliards de dollars de bons du Trésor par mois et 40 milliards de dollars de titres adossés à des créances hypothécaires, soit 120 milliards de dollars par mois.

L’autre attente des marchés après le calendrier du tapering était l’évolution des taux d’intérêt américains. En la matière, les décisions sont renvoyées sine die pour ne pas casser l’actuelle dynamique de croissance économique.

Pour deux raisons: d’abord, l’actuel pic d’inflation est provisoire et témoigne moins d’une surchauffe de l’économie que de la présence de goulets d’étranglement limités liés à la reprise économique. Ensuite, les analystes de la Fed ne perçoivent pas de spirale inflation-salaires, ces derniers progressant moins que les prix.

Le problème de la BCE est son manque de crédibilité par rapport à ses objectifs d’inflation.
Mathieu Savary

Mathieu Savarychief European investment strategistBCA Research

Le volontarisme de la Fed contraste avec la situation de la Banque centrale européenne qui, selon Mathieu Savary, chief European investment strategist chez BCA Research, société spécialiste des enquêtes indépendantes macroéconomiques mondiales, est beaucoup plus contrainte dans ses choix que son homologue américaine.

«Le problème de la BCE est son manque de crédibilité par rapport à ses objectifs d’inflation», estime l’analyste, pour qui la dynamique des prix ne permettra pas à la BCE de resserrer sa politique de sitôt. Au lieu de cela, la BCE devra augmenter son programme d’achat d’actifs l’année prochaine et pourrait même envisager un «double taux d’intérêt». Face à des forces déflationnistes qui ont survécu à la pandémie, dont le niveau record de la monnaie européenne ces derniers mois et le peu d’extension du marché de l’emploi, Mathieu Savary pense que l’institution de Francfort va devoir se montrer plus agressive.

Ce que fait déjà la BCE de manière discrète en se servant des TLTRO («targeted longer-term refinancing operations»), les taux sur les opérations sur les prêts à long terme qu’elle fait avec les banques. L’idée est d’inviter les banques à prêter plus dans un contexte de taux négatifs sans que cela n’ait un impact trop important sur les bénéfices et d’inviter le secteur privé à emprunter malgré ses réserves de liquidité. «Avec cette politique qui peut être très positive sur la croissance, la BCE envoie aux opérateurs le message que les taux resteront bas encore des années.»

La prochaine réunion du Conseil des gouverneurs de la BCE s’effectuera ce 9 septembre et devrait évoquer la possible évolution des programmes d’achat d’actifs et notamment du programme d’urgence pandémie (PEPP) doté de 1.850 milliards d’euros. Un sujet qui divise le conseil. La faiblesse de l’inflation implique que les programmes actuels de rachat d’actifs devraient être maintenus encore pour longtemps. Contrairement à la Fed, le tapering n’est pas encore à l’ordre du jour…