Philippe Ledent ne voit pas pourquoi la Fed a voulu baisser les taux directeurs américains actuellement. (Photo: Patricia Pitsch/archives)

Philippe Ledent ne voit pas pourquoi la Fed a voulu baisser les taux directeurs américains actuellement. (Photo: Patricia Pitsch/archives)

La baisse des taux décidée par la Fed est prématurée, analyse Philippe Ledent, expert economist chez ING Belux. En plus, elle contraint la BCE à agir pour éviter le renforcement de l’euro.

Mardi 3 mars, la banque centrale américaine a annoncé, à la surprise générale, . Une décision prise après une réunion du G7 et qui a pour objectif de relancer l’économie américaine en pleine crise mondiale du coronavirus.

Le 2 mars, en soirée, la présidente de la Banque centrale européenne, Christine Lagarde, annonçait par voie de communiqué que l’organisme bancaire européen se tenait «prêt à prendre les mesures appropriées et ciblées qui seraient nécessaires».

Sa prochaine réunion des gouverneurs est programmée pour le 12 mars. Mais selon l’agence Reuters, les gouverneurs des 19 banques centrales nationales ont eu une réunion téléphonique le 4 mars pour analyser la réponse possible à la décision de la Fed. Cependant, rien n’indique qu’une décision soit prise avant la prochaine réunion.

Une double critique

 Les banquiers centraux sont donc à l’affût pour éviter une catastrophe économique. Un comportement justifié? «La réaction de la Fed me semble précoce, mais elle est sans doute liée à l’insistance du président Trump et à la volonté de rassurer les marchés financiers», estime Philippe Ledent, expert economist chez ING Belux.

Sa première critique est liée au fait que les États-Unis sont actuellement surtout confrontés à une crise des approvisionnements. «Je ne vois donc pas ce que pourra apporter une baisse des taux face à un choc d’offre négatif. Dans un premier temps, cette mesure me semble donc inutile.»

Deuxième critique de l’économiste: le manque de coordination entre les grandes banques centrales. «Nous nous orientons vers un scénario comparable à celui vécu lors de la crise financière de 2008, lorsque les grandes banques centrales se sont montrées incapables d’agir de manière concertée.»

La BCE sera contrainte d’agir à son tour sur les taux si elle veut éviter que l’euro s’apprécie.
Philippe Ledent

Philippe LedentExpert economistING Belux

De plus, Philippe Ledent observe que, face à cette décision unilatérale des États-Unis, la BCE se retrouve obligée d’agir. «Elle est dos au mur. Elle sera contrainte d’agir à son tour sur les taux si elle veut éviter que l’euro s’apprécie. Elle risque de brûler des cartouches inutilement.»

Pour l’économiste d’ING, ce qu’il faudrait surtout, c’est un secteur bancaire en bonne santé qui puisse accorder des lignes de crédit aux entreprises pour assurer leur approvisionnement. «Or, en réduisant les taux, on va encore affaiblir le secteur bancaire. Je ne vois pas ce que cela pourrait changer de réduire à nouveau les taux hypothécaires…»