Alexandre Gauthy, macroéconomiste chez Degroof Petercam Luxembourg. (Photo: Patricia Pitsch/Maison Moderne)

Alexandre Gauthy, macroéconomiste chez Degroof Petercam Luxembourg. (Photo: Patricia Pitsch/Maison Moderne)

La Réserve fédérale américaine a réduit ses taux directeurs de 0,25% pour la première fois depuis 10 ans. Dans sa chronique hebdomadaire, Alexandre Gauthy, macroéconomiste chez Degroof Petercam Luxembourg, analyse la portée réelle qu’il faut donner à cet événement.

Imaginez un patient qui rend visite à son docteur quand les premiers symptômes d’une maladie apparaissent. En toute logique, ce dernier lui prescrit des médicaments pour empêcher que la maladie ne se développe davantage. Tout comme le patient, l’économie américaine montre depuis quelques mois des signes avant-coureurs d’un ralentissement économique.

La Réserve fédérale américaine a décidé, le 31 juillet dernier, de baisser ses taux directeurs, une première depuis 2008, afin de prémunir l’économie contre les risques présents pour l’activité. La Fed pointe du doigt le ralentissement de la croissance économique dans le reste du monde, les tensions commerciales avec la Chine, ainsi que la faiblesse de l’inflation.

De fait, les derniers chiffres économiques en Chine et en zone euro ne montrent toujours pas d’amélioration. La croissance économique se tasse, et le secteur manufacturier de la zone euro souffre particulièrement de la décélération des échanges commerciaux mondiaux. En Chine, les mesures de relance prises jusqu’à présent par le gouvernement chinois restent mesurées par rapport aux programmes de soutien passés et permettront tout au mieux de stabiliser le rythme de croissance de l’activité.

L’économie américaine montre depuis quelques mois des signes avant-coureurs d’un ralentissement économique.
Alexandre Gauthy

Alexandre GauthymacroéconomisteDegroof Petercam Luxembourg

Quant à l’économie américaine, elle laisse transparaître quelques fragilités. Premièrement, l’investissement des entreprises ralentit sur fond d’incertitudes persistantes liées à la politique protectionniste américaine. Dans ce contexte, les entreprises américaines ont revu significativement à la baisse leurs intentions d’investissement futur. Les exportations s’essoufflent également, en raison de l’appréciation passée du dollar et du ralentissement de la demande externe.

Par conséquent, l’activité du secteur manufacturier (qui est fortement dépendant des exportations) est désormais proche de la contraction en variation mensuelle. Par contre, le risque de récession économique reste limité à ce stade. Le consommateur américain se porte plutôt bien. Et c’est lui qui tire l’économie américaine, étant donné que la consommation privée pèse quelque 70% de l’activité.

On peut dire que le consommateur américain se trouve dans une bonne posture: le degré élevé de la confiance des ménages signifie qu’ils sont enclins à augmenter leurs dépenses de consommation, les Américains bénéficient de hausses salariales d’environ 3% sur les 12 derniers mois, et l’économie continue de créer des emplois, quoique à un rythme moindre que lors des trimestres précédents.

La Fed n’hésitera pas à abaisser à nouveau ses taux si les risques qui pèsent sur l’activité se matérialisent.
Alexandre Gauthy

Alexandre GauthymacroéconomisteDegroof Petercam

De plus, le taux d’épargne des ménages a augmenté dernièrement, ce qui montre aussi qu’une grande partie de la baisse de l’impôt sur le revenu suite à la réforme fiscale de fin 2017 a surtout concerné les Américains à plus hauts revenus, qui ont épargné une partie plus importante de leurs rentrées.

Si la Fed a décidé de réduire ses taux pour la première fois depuis 2008, cela signifie-t-il pour autant qu’un nouveau cycle de baisse des taux a vu le jour aux États-Unis? À ce propos, la vue des marchés diffère de celle de la Fed. À ce jour, le marché anticipe à peu près trois baisses de taux supplémentaires de 0,25% dans les 12 prochains mois.

Lors de sa conférence de presse, le président de la banque centrale américaine a signalé que l’institution allait continuer d’analyser les données macroéconomiques qui seront publiées au fil du temps afin de décider du prochain mouvement des taux d’intérêt.

Cependant, la Fed n’hésitera pas à abaisser à nouveau ses taux si les risques qui pèsent sur l’activité se matérialisent. Malgré le manque de guidance de la Fed sur ses taux, elle reste déterminée à prolonger l’expansion économique américaine.