Alex Bodry a rejoint le Conseil d’état au mois de janvier. Matic Zorman / Maison Moderne Publishing SA

Alex Bodry a rejoint le Conseil d’état au mois de janvier. Matic Zorman / Maison Moderne Publishing SA

L’état d’urgence décrété le 18 mars arrive à son échéance ce mercredi à minuit. Membre du Conseil d’État, Alex Bodry, alors député LSAP, est l’auteur de l’article 32.4 de la Constitution tel que révisé en 2017 pour permettre au gouvernement de prendre cette mesure d’urgence.

Quand, en octobre 2017, une loi spéciale réforme l’article 32.4 de la Constitution et élargit la possibilité de décréter un état d’urgence, personne ne songe à une pandémie?

. – «Sans doute que non, mais on se rend compte maintenant qu’il est heureux qu’on ait aménagé la Constitution en ce sens. Auparavant, l’état de crise était une mesure possible en cas de crise internationale grave, avec des conséquences économiques pour notre pays. L’usage était donc très limité. Ce sont les attentats de 2015 en France qui ont amené à y réfléchir. Que devrait-on faire en cas de menace terroriste grave? En cas d’événement terroriste?

À l’époque déjà cela entrait dans le cadre plus global de la révision de la Constitution?

«Mais vu le contexte, il a été décidé d’accélérer cette révision sur ce point. L’ambition étant de disposer d’un outil constitutionnel qui permette de réagir vite.

On a donc élargi le champ d’application?

«Alors que seule une crise économique était envisagée, on a, de fait, élargi le cadre. De cette seule hypothèse, l’état de crise a été possible en cas de menace terroriste, mais aussi en cas de péril pour la santé des gens. C’était bien le cas ici. Le texte évoque comme nécessité des ‘menaces réelles pour les intérêts vitaux de tout ou partie de la population ou de péril imminent résultant d’atteintes graves à la sécurité publique’.

Que signifie concrètement l’état d’urgence?

«C’est la possibilité donnée au gouvernement de prendre des règlements de manière nécessaire, adéquate et proportionnée. Le processus législatif classique est quelque part court-circuité car l’urgence l’impose.

Il était nécessaire que la Constitution soit précise sur ce point?

«Lors des toutes premières mesures prises dans le cadre de cette crise au niveau de certaines restrictions, le gouvernement s’est appuyé sur une loi du 19e siècle. Ce n’est pas ce qui est souhaitable dans un État de droit en 2020. De plus, cela constitue une base juridique faible et contestable. Après, des décisions ont été prises sur base de la Constitution elle-même. Au final, l’état d’urgence est ce qui est le plus rationnel dans une situation comme celle connue.

En toute logique, il faudrait dès maintenant étudier un nouveau projet de loi ‘Covid’ puisque leur longévité n’est que d’un mois.
Alex Bodry

Alex Bodrymembre du Conseil d’État

L’état d’urgence est de plus très encadré…

«C’est un concept efficace et encadré en effet, bien encadré. Sa durée est limitée à trois mois. Décrété, il doit être confirmé dans les 10 jours par la Chambre, avec une majorité des deux tiers. Cela aussi constituait des dispositions nouvelles en 2017.

Le fait de vouloir et de pouvoir agir vite face à une crise ne signifie pas non plus que la Chambre n’est pas respectée dans sa fonction?

«En effet, et dans le cas présent, le gouvernement a joué le jeu et a montré qu’il respectait la Chambre, très tôt d’ailleurs. Il aurait pu tout à fait légalement continuer à prendre des règlements et à les imposer. Au lieu de cela, plusieurs de ces règlements, une quarantaine environ, sont devenus des projets de loi, dès lors soumis aux avis et commentaires des députés, au débat…

Maintenant, ce sont ?

«Avec aussi une durée de vie très courte: un mois! Or, même dans le cadre d’un processus législatif accéléré, il faut tout de même travailler deux à trois semaines sur un texte. Cela signifie que le gouvernement devrait dès maintenant plancher sur d’autres «lois Covid» à voter dans un mois. En réalité, il faudrait commencer un projet de loi de suite. C’est un exercice compliqué alors que la situation change au jour le jour.

Vous auriez aimé que ces «lois Covid» aient une durée d’application plus longue?

«Cela aurait sans doute été utile. Ou au moins de prévoir certains points pouvant être facilement prolongés, de manière ponctuelle.»