Dans «Ose», Alexandre Mars donne les clés à ceux qui veulent devenir entrepreneur et qui n’ont jamais osé franchir le pas. (Photo: archives Maison Moderne)

Dans «Ose», Alexandre Mars donne les clés à ceux qui veulent devenir entrepreneur et qui n’ont jamais osé franchir le pas. (Photo: archives Maison Moderne)

Entre une conférence à GEN2021 à Metz le matin et deux rendez-vous au Luxembourg l’après-midi, la «tornade Alexandre Mars» a pris un moment, entre deux averses, avant la sortie de son nouveau livre, «Ose», le 23 septembre. Il y donne des clés pour devenir entrepreneur.

«Une étude a montré que 11 millions de Français répondent, quand on les interroge, qu’ils ont envie de devenir entrepreneurs. L’an dernier, avec le Covid, un million sont devenus des entrepreneurs. Il reste un sacré réservoir!» Au moment de parler avec Alexandre Mars entre deux averses luxembourgeoises, mieux vaut avoir fermé la porte de ses certitudes et barricadé les fenêtres de ses doutes. En 20 minutes, la tornade balaie tout sur son passage, à ceci près qu’elle arrive et repart dans le même coup de vent sans que vous soyez vraiment sûr de l’avoir croisée.

Le 23 septembre, l’entrepreneur à succès devenu philanthrope, membre du comité d’organisation des Jeux olympiques de Paris en 2024, publiera , en format pocket.

Est-ce que tout le monde peut vraiment être entrepreneur?

Alexandre Mars. – «La réponse est dans le titre. Ceux qui veulent l’être peuvent l’être. Mais l’entrepreneuriat n’est pas fait pour tout le monde. Il y a aussi des gens qui aiment être avec quelqu’un, qui préfèrent être salarié, qui seraient mieux en numéro 2. J’essaie d’apporter une solution à ceux qui se disent: «Ce n’est pas pour moi». Il y a des solutions, peut-être plus aujourd’hui qu’il y a dix ans. Aujourd’hui, c’est faisable.

Est-ce qu’il n’y a pas un grand écart d’image? Dans le mot «entrepreneur», il y a forcément les réussites d’entrepreneurs hypermédiatisés et les millions de dollars qui les accompagnent. Où est le curseur pour juger ceux qui réussissent?

«C’est ce que j’explique. Aujourd’hui, les entrepreneurs se mettent une telle pression! Si vous voulez vous lancer et que vous vous demandez ce qui va se passer quand vous n’arrivez pas tout là-haut, vous n’aurez jamais réussi. Pourtant, l’entrepreneuriat est protéiforme. Le photographe de l’événement de ce matin (le #GEN2021, plus gros rassemblement tech de l’Est de la France, ndlr) lève la main quand je demande qui est entrepreneur. Parce qu’il est entrepreneur. Il est heureux comme ça. L’objectif, ce n’est pas forcément d’être Elon Musk. Attention, il y a une différence entre l’entrepreneur et l’inventeur. Tout le monde ne peut pas être un inventeur. Les médias mettent souvent en avant les gens qui ont très bien réussi. Les gens se disent: «S’il faut en arriver là, ce n’est pas pour moi!» Personne n’est obligé d’être à Paris, à New York ou à San Francisco. Aujourd’hui, on peut très bien réussir en définissant bien ce qu’est sa réussite. C’est un autre point. Ça a beaucoup changé entre ma génération et les générations qui arrivent aujourd’hui: il y a 15 ou 20 ans, le succès était quand même plutôt un sujet financier et concernait la taille de votre compte en banque. Aujourd’hui, les plus jeunes voient le succès dans une certaine balance de vie. Le nombre de gens qui sont repartis en province à cause du Covid est incroyable.

L’atout d’un entrepreneur est sa capacité à travailler

Est-ce que c’est un mouvement durable, ou un épiphénomène de Parisiens qui avaient envie de respirer pendant quelques mois au lieu de rester enfermés dans leur petit appartement?

«Je pense que ça va durer. Pour pas mal de raisons. En particulier parce que beaucoup de gens se sont rendu compte que c’était faisable. La vision très ‘années 1990’ où il faut forcément être dans les grands centres de décision, faire le plus de réussite financière, a été battue en brèche par de plus en plus de gens à qui il faut une certaine réussite, mais aussi un certain équilibre. 

La vie d’un entrepreneur, c’est celle de quelqu’un qui monte dans les montagnes russes sans ceinture. Ce n’est pas une réalité à laquelle on pense, quand on envisage de devenir entrepreneur?

«L’entrepreneur doit s’attendre à vivre sur courant alternatif, en particulier au début où atteindre ses objectifs est pratiquement impossible. Ou rare. Il faut arriver à douter. Le doute et la résilience arrivent au même moment. Il faut accepter l’échec. Il faut savoir pivoter, accepter l’échec, être capable d’être flexible. Si vous n’acceptez pas qu’on vous dise non quand vous vendez un produit, ce n’est pas pour vous. Mais ça ne concerne pas que les entrepreneurs, en réalité. La vie est faite de hauts qu’on espère les plus hauts possible, et de bas qu’on espère les moins bas possible. Nos vies à tous ne sont pas simples. 

Quelles sont les forces d’un entrepreneur? Son réseau, sa famille…

«Sa capacité de travail. Sur quasiment tout ce que vous pourriez faire ou développer, à un même moment, vous aurez deux, trois, 25 personnes qui vont faire la même chose. La capacité de travail associée à un timing. L’équipe. Après, il y a des sujets importants. La famille. L’endroit où vous êtes. Si vous voulez faire de la tech, quand vous êtes né Américain à San Francisco, ça peut être plus facile que si vous êtes né ailleurs…

Il y a plus de concurrence aussi…

«Ici, vous n’avez peut-être pas de concurrence, mais vous avez un moins grand marché. Sur la question de la taille de marché ou de la concurrence, je prends toujours la taille de marché, parce que si vous travaillez plus que les autres… C’est la théorie des 10.000 heures. Si vous travaillez 10.000 heures, vous allez tellement exceller dans ce que vous faites que non seulement vous serez meilleur, mais il y a peu de gens qui auront voulu faire 10.000 heures. Et ça, j’y crois beaucoup.

Est-ce que ce n’est pas quelque chose que le Covid a changé? Les gens sont partis en province quand ils étaient à Paris, mais ils y ont découvert d’autres rythmes.

«L’entrepreneuriat étant protéiforme, encore une fois, ça dépend. Si vous voulez monter le plus grand concurrent de Facebook, vous ne pourrez pas prendre votre petit café ni votre apéro et vous travaillerez au moins six jours sur sept. Mais je connais des entrepreneurs qui me disent que cela leur va très bien d’avoir trois employés et pas 30, et qui prennent leur samedi-dimanche, qui veulent être à la maison à 17h ou 18h. Cela dépend de la définition de votre succès.

Est-ce qu’il n’y a pas une dualité dans ce que vous défendez, entre le côté «je suis entrepreneur et il faut que je bosse à fond» et le côté «j’investis dans l’impact social et sociétal» où il s’agit d’apporter du bien-être?

«Vous avez raison. Si vous résumez, une partie de mon cerveau est sur Epic (sa fondation à but non lucratif, qui sélectionne et soutient financièrement des organisations qui luttent contre les inégalités touchant l’enfance et les jeunes adultes dans les domaines de l’éducation, de la santé, de la protection et de l’insertion sociale et professionnelle, ndlr) et l’autre sur  (son fonds d’investissement lancé il y a sept ans, ndlr). Les deux font la même chose: nous essayons d’aider des entreprises qui ont un impact. Epic soutient des entreprises à but non lucratif, et Blisce, celles «for-profit». Chez Epic, il s’agit de changer la trajectoire de vie des plus jeunes à travers l’éducation, la santé… Blisce, avec des investissements comme Too Good to Go, consiste à faire tout pour qu’il y ait moins de gaspillage alimentaire. L’impact est très évident, mais financièrement, cela va générer des retours. La ligne de crête peut être tenue entre les deux. 

Est-ce que vous ne regardez «que» certains impacts dans la société?

«Oui. Ça peut s’élargir. Sur la partie Epic, c’est vraiment tout ce qui est autour de la jeunesse et l’enfance. Ça pourra s’élargir sur l’environnement ou la vieillesse. Pour les investissements dans la tech, c’est tout ce qui tourne autour du consommateur et de la consommatrice. Autour de la foodtech, de la medtech, de l’edtech.»