Succès: La pétition n° 1319, portant sur l’accès à l’eau en carafe dans les restaurants, a rassemblé 5.222 signatures en un peu plus d’un mois. (Photo: Shutterstock)

Succès: La pétition n° 1319, portant sur l’accès à l’eau en carafe dans les restaurants, a rassemblé 5.222 signatures en un peu plus d’un mois. (Photo: Shutterstock)

Depuis 2014, chaque citoyen peut déposer une pétition électronique sur le site de la Chambre des députés. Les chiffres démon­trent qu’elles sont encore rares à déboucher sur du concret.

Neuf sur un total de 933, soit un peu moins de 1%. C’est, en cinq ans et demi, le taux de pétitions validées et donc proposées aux signatures sur le site de la Chambre des députés qui ont finalement débouché sur une loi ou un projet de loi. La première a été la pétition n° 329, déposée durant la session 2014-2015, débattue le 19 juin 2014 et qui a abouti, remarquablement vite, à une loi en date du 24 juillet de la même année. La demande de «garantir l’indépendance des étudiants face à des réformes du système d’aide financière» avait été déposée par un certain Sven Clement, déjà fondateur du Piratenpartei, mais pas encore député.

Des sujets proches ou totalement opposés

Les autres pétitions qui ont connu un aboutissement législatif ou qui sont sur le point d’en connaître un traitent de sujets parfois très proches: une meilleure protection des animaux (n° 331), des sanctions plus lourdes à l’égard de ceux qui maltraitent les animaux (n° 354), l’interdiction de vente de fourrure animale (n° 605). Mais, le plus souvent, les pétitions ont des thématiques très diverses: le non-reclassement des contribuables de la classe 2 vers la classe 1A (n° 575), accorder plus de congés pour raisons familiales (n° 593), demander la fermeture par étapes de la centrale nucléaire de Cattenom (n° 621).

Curieusement, certaines pétitions sont parfois totalement opposées. C’est le cas notamment de celle demandant que la langue luxembourgeoise devienne la première langue officielle du pays (n° 698) et de la n° 725 qui demande que cette même langue luxembourgeoise ne soit justement pas la première langue officielle dans les domaines administratif et judiciaire. La première a recueilli 14.500 signatures, la seconde un peu plus de 5.000. Toutes les deux ont trouvé écho dans le projet de loi 7231, adopté en juin 2018, relatif à la «promotion de la langue luxembourgeoise».

Selon les services de la Chambre des députés, d’autres débats ont aussi été à l’origine de «démarches lancées», d’une promesse de transmission à qui de droit, d’un rappel des actions en cours...

Pour les pétitions, le chemin est toujours long et semé d’em­bûches. Premier obstacle: passer le filtre de la Commission des ­pétitions et de la Conférence des présidents de la Chambre. Le péti­tionnaire doit, par écrit, développer son objectif et faire valoir un indispensable intérêt général. La demande doit aussi respecter «les principes d’éthique». Ce n’est cependant pas à ce stade que la sélection la plus drastique s’opère. Entre le 12 mars 2014, quand le dépôt des pétitions sur le site a été rendu possible, et le 31 août 2019, 967 propositions de pétition ont été déposées. À l’issue de la dernière réunion de la Commission et de la Conférence, le 17 juillet, 933 avaient été validées.

42 jours pour récolter au moins 4.500 signatures

Une fois la pétition en ligne, une première petite victoire peut donc être mise au crédit du pétitionnaire. Néanmoins, ce sera souvent la seule.

Car pour poursuivre son parcours et déboucher sur un débat public devant la Chambre des députés, nouvel obstacle de taille: la pétition devra ensuite enregistrer au moins 4.500 signatures en 42 jours de présence sur le site. Le thème de la pétition est évidemment déterminant. La pétition qui réclame la gratuité d’Adapto, tout comme cela sera le cas pour les autres services de mobilité le 1er mars 2020, en est la démonstration parfaite. «J’ai été très en colère quand j’ai appris que la motion pour rendre le service Adapto gratuit avait été balayée par les députés», confirme Ana Pinto, qui est à l’origine de la pétition. «Même si personne dans mon entourage proche ou mes connaissances ne fait appel à ce service, j’ai voulu agir et j’ai introduit ma demande. C’était pour moi une injustice, comme cela l’était aussi aux yeux de nombreuses autres personnes.» Le cap des 4.500 signatures sera passé en cinq jours à peine.

Le succès de la pétition déposée par David Kieffer, de l’association Refill Lëtzebuerg qui milite pour l’accès à l’eau du robinet, a été tout aussi retentissant. De lon­gue date, ses membres demandent que des carafes d’eau soient proposées aux tables des cafés et restaurants. «Nous avons régulièrement voulu en parler avec le secteur horeca, explique David Kieffer. Mais sans jamais le moindre résultat. Pour­tant, nous ne demandons pas la gratuité de ce service mais nous voulons discuter du prix juste qu’il pourrait avoir.» La pétition a donc été un outil «pour, d’une part, remédiatiser ce sujet et, d’autre part, imposer un vrai débat». Et ordre le bras à la fédération Horesca? «C’est exagéré... Mais clairement, cela va leur imposer de se positionner», con­clut David Kieffer.

Il faut un gros travail de ‘marketing’ autour de sa pétition pour que celle-ci soit connue.

David KiefferRefill Lëtzebuerg

Mais transformer l’essai en ­succès demande aussi l’application d’une vraie stratégie et pas mal de travail. «J’ai contacté les médias, activé les réseaux de l’association, envoyé des emails et des messages sur les réseaux sociaux, explique David Kieffer. Il faut un gros travail de ‘marketing’ autour de sa pétition pour que celle-ci soit connue.» Ana Pinto confie aussi avoir beaucoup sollicité ses réseaux, et demandé à ses connaissances de faire de même.

Sans cette mobilisation, la barre des 4.500 signatures est, le plus souvent, bien trop haut placée. Sur les 933 pétitions déposées et validées, seulement 30 ont en effet débouché sur un débat. En réalité 29, puisque l’administration relève qu’un débat prévu n’a pas eu lieu suite à une prise de position du gouvernement qui a été satisfaisante aux yeux des pétitionnaires. Le sujet était le remboursement du flash glucose monitoring.

Entre 1945 et 2014, il n’y a eu que 328 pétitions déposées. Soit presque trois fois moins qu’au cours des cinq dernières années par la voie électronique. Réinsuffler de la fraîcheur au débat démocratique et rapprocher les citoyens de la politique étaient quelques-unes des ambitions du gouvernement en rendant possible cette nouvelle manière de faire. Sur ce plan, ­l’ob­jectif est donc atteint.