Jean-Yves Leborgne, portfolio manager, ING Luxembourg. (Photo: Patricia Pitsch/Archives Maison Moderne)

Jean-Yves Leborgne, portfolio manager, ING Luxembourg. (Photo: Patricia Pitsch/Archives Maison Moderne)

L’inflation est actuellement de 5% aux États-Unis et de 2% dans la zone euro. Les raisons de cette hausse spectaculaire sont bien connues: hausse des prix des matières premières, perturbations des chaînes d’approvisionnement, goulets d’étranglement de la production et, dans la zone euro, augmentation de la TVA en Allemagne.

Aux États-Unis, les problèmes liés à l’offre ont déjà fait grimper les prix, tandis que la hausse de l’inflation dans la zone euro est principalement due à des effets de base. Mais lorsque l’économie de la zone euro s’ouvrira complètement, elle sera confrontée à une pression mondiale similaire sur les prix à la production, ce qui devrait conduire à une augmentation de l’inflation.

Les anticipations de prix à la production, tant aux États-Unis que dans la zone euro, sont proches des records. Traditionnellement, il faut 6 à 12 mois pour que la hausse des prix à la production se répercute sur les prix à la consommation. Dans la situation actuelle, les stocks importants dans le secteur manufacturier et les consommateurs riches en liquidités suggèrent qu’il existe un potentiel considérable pour une répercussion importante. Si l’on ajoute à cela la hausse attendue des prix dans le commerce de détail en raison des mois d’été et de la réouverture progressive des économies, une inflation élevée au cours des prochains trimestres semble presque certaine.

Un autre moteur de l’inflation en 2022 aux États-Unis pourrait être le coût du logement. Comme les loyers ne sont généralement modifiés qu’une fois par an, la pression à la hausse continue sur les prix des logements pourrait se refléter dans le taux d’inflation américain en 2022. Dans la zone euro, étant donné qu’environ 60% des ménages sont des propriétaires qui ne paient pas de loyer, on peut faire valoir que les coûts du logement ne sont pas bien reflétés dans le calcul de l’inflation de la zone euro.

L’effet de la hausse des coûts du logement aux États-Unis pourrait donc maintenir l’inflation à un niveau élevé pendant un certain temps. Mais tous les autres facteurs indiquent que la hausse de l’inflation sera transitoire, mais pourrait durer plus longtemps que prévu, y compris dans la zone euro. Même si certains des facteurs ponctuels disparaissent de l’inflation l’année prochaine, la répercussion tardive de la hausse des prix à la production pourrait continuer à avoir un impact sur l’inflation jusqu’en 2022. La bonne nouvelle est que le resserrement du crédit en Chine réduira un peu la pression sur les prix des matières premières d’ici la fin de 2021.

La liste actuelle des facteurs ponctuels est très longue et variée, de sorte que le risque d’une période plus longue que prévu d’une inflation légèrement plus élevée est actuellement à son paroxysme depuis la crise financière. Un effet d’entraînement sur les salaires est également possible. Pour être clairs, nous ne voyons pas une période prolongée d’accélération de l’inflation et de spirales prix-salaires, mais plutôt une période de transition prolongée de taux d’inflation légèrement élevés. Un tel scénario est certainement plus susceptible de se dérouler aux États-Unis que dans la zone euro. La Réserve fédérale et la Banque centrale européenne semblent prêtes à tolérer non seulement une hausse temporaire de l’inflation, mais aussi l’apparition d’une spirale prix-salaires. Avec un taux d’inflation prévu de 1,4% en 2023, la BCE appartient clairement au club des économistes qui considèrent l’inflation comme temporaire. Cela dit, les banquiers centraux pourraient s’inspirer de la maxime de Keynes: «Si les faits changent, je change d’avis.» À bon entendeur…