Alexandre Gauthy, macroéconomiste chez Degroof Petercam Luxembourg. (Photo: Maison Moderne)

Alexandre Gauthy, macroéconomiste chez Degroof Petercam Luxembourg. (Photo: Maison Moderne)

Dans sa chronique hebdomadaire, Alexandre Gauthy, macroéconomiste chez Degroof Petercam Luxembourg, se penche sur le phénomène de baisse des taux longs, notamment aux États-Unis et en Allemagne.

Les taux américains et allemands à 10 ans se sont repliés depuis leur point haut du mois de mars. Cette baisse s’est accélérée durant la première quinzaine de juillet. Ce mouvement de baisse des taux longs est probablement passager. Le marché obligataire réagit aux craintes liées à la croissance économique.

Alors qu’en début d’année, le consensus tablait sur une croissance économique américaine de 3,5% pour 2021, les prévisions de croissance ont été constamment revues de manière positive tout au long du premier semestre. Les économistes estiment désormais que la croissance économique américaine pourrait atteindre 7% en 2021. Or, l’économie commence à être freinée par les problèmes d’approvisionnement dans la production, à un moment où la demande de biens et de services reste soutenue. Cela s’observe en zone euro, où la pénurie de semi-conducteurs a fait baisser la production automobile de 7,8% en mai, ce qui laisse la production de ce secteur 25% sous son niveau de février 2020. Aux États-Unis également, certaines entreprises actives dans les services peinent à satisfaire la demande, faute de main-d’œuvre.

Il est tout à fait envisageable que l’économie américaine renoue avec le plein emploi en seconde partie d’année prochaine.
Alexandre Gauthy

Alexandre GauthymacroéconomisteDegroof Petercam Luxembourg

Ces facteurs qui freinent la production sont de nature temporaire. Dans l’industrie, les problèmes d’approvisionnement viennent du fait que, durant la pandémie, la demande de biens était anormalement élevée, à un moment où la consommation de certains services était rendue tout simplement impossible. Les goulots d’étranglement qui existent donc dans l’industrie devraient commencer à se résorber au fur et à mesure que les habitudes de consommation se normalisent.

Le phénomène de rareté de la main-d’œuvre, qui touche plus particulièrement le secteur des services aux États-Unis, peut en grande partie être expliqué par les aides généreuses accordées aux sans-emplois qui les dissuadent de retourner sur le marché du travail. En effet, durant la crise, les allocations de chômage ont été majorées, si bien qu’un certain nombre d’Américains ont gagné plus en étant au chômage qu’en travaillant. Ce facteur qui a freiné les embauches au cours des derniers mois disparaîtra en septembre lorsque l’État américain mettra un terme à ces aides. Étant donné que le nombre de postes à pourvoir est à un record historique aux États-Unis, ces personnes en quête d’emploi ne devraient pas rencontrer de problème pour trouver du travail. Par conséquent, il est tout à fait envisageable que l’économie américaine renoue avec le plein emploi en seconde partie d’année prochaine.

La crainte de nouvelles mesures de restriction

En plus de ces problèmes liés à l’offre, le marché craint que la propagation du variant Delta n’entraîne une réinstauration partielle des mesures de restriction. S’il est vrai que la propagation rapide du variant Delta est inquiétante, il est peu probable que les gouvernements décrètent des mesures strictes similaires à celles des deux premières vagues étant donné que la vaccination d’un pourcentage élevé de la population a affaibli drastiquement le lien entre la hausse des nouveaux cas et celle des hospitalisations. Cela est vrai en ce qui concerne la plupart des pays développés. La situation reste toutefois délicate dans certains pays émergents, notamment asiatiques, où le taux de vaccination est beaucoup plus faible.

Les craintes du marché obligataire liées à une décélération de la croissance économique américaine sont sans doute passagères. Certes, le rythme de croissance ralentira en raison d’effets de base moins porteurs, mais celui-ci restera sans doute supérieur au taux pré-Covid grâce aux plans de soutien fiscaux, dont l’effet perdurera un certain temps. Ces prochains mois, le marché obligataire devrait réévaluer ses attentes de resserrement monétaire de la Fed en réaction à un rapprochement relativement rapide de l’économie américaine vers le plein emploi.