Les prix du nickel ont augmenté de 50% sur un an, selon les dernières prévisions économiques de l’Onu. (Photo: Shutterstock)

Les prix du nickel ont augmenté de 50% sur un an, selon les dernières prévisions économiques de l’Onu. (Photo: Shutterstock)

La volatilité et la demande sur le marché du nickel pourraient contrecarrer les ambitions de la transition énergétique européenne. Ce métal stratégique se retrouve en effet dans les aimants permanents des éoliennes et les batteries des véhicules électriques. Une nouvelle dépendance à la Russie.

Dans la poursuite de sa volonté de s’absoudre des approvisionnements d’énergies fossiles, notamment russes, la Commission européenne a présenté, ce 18 mai, son plan REPowerEU. L’un des objectifs proposés concerne l’augmentation des énergies renouvelables en Europe de 40% à 45%, à l’horizon 2030. Un plan dans lequel la mobilité électrique trouve également toute sa place.

À peine sorti, REPowerEU pourrait déjà pâtir de ses propres ambitions. Visant, d’un côté, un renforcement de la souveraineté stratégique européenne, tandis que, d’un autre côté, la dépendance de l’Europe en minéraux stratégiques pourrait atténuer l’optimisme en matière d’énergies renouvelables et de mobilité électrique.

Publiées le même jour que REPowerEu,  mettent en garde au sujet des secousses sur les marchés mondiaux des métaux, pouvant mener à des répercussions sur le prix des énergies renouvelables. Plus particulièrement, l’Onu s’inquiète des incertitudes sur le marché du nickel: «Une batterie de voiture électrique, par exemple, contient 80 livres (36,3kg, ndlr) de nickel. Les prix du nickel ont augmenté d’environ 50% par rapport à l’année dernière, car la Fédération de Russie traite 20% de la production mondiale de nickel de haute qualité.»

Selon le cabinet de conseil spécialisé dans les ressources naturelles Wood Mackenzie, l’entreprise russe Nornickel a fourni 27% des importations de nickel en 2021. Nornickel est détenue par Vladimir Potanine, qui lui a permis d’amasser une fortune estimée à 26,4 milliards de dollars par le magazine Forbes. Il possède également Interros, le groupe d’investissement russe qui à Société Générale en avril dernier. Il est aussi connu pour avoir occupé la fonction de vice-Premier ministre sous la présidence de Boris Eltsine et maintenu des liens avec Vladimir Poutine, notamment via un soutien financier et organisationnel au régime. Le 6 avril, le Canada inscrivait Vladimir Potanine sur sa liste des personnes russes faisant l’objet de sanctions. Depuis lors, il ne fait encore l’objet d’aucune sanction d’autres pays.

Une hausse de la volatilité du nickel

Le prix d’un véhicule électrique pourrait donc augmenter de 2.000 dollars et ainsi ralentir les ventes, rapporte l’Onu. De la sorte, le choc de prix des métaux pour les véhicules électriques s’additionne aux problèmes sur les chaînes d’approvisionnement liés à la pandémie. «L’effet net du conflit sur les produits à énergie propre dépendra en grande partie de la manière dont les fabricants parviendront à s’approvisionner en minéraux essentiels», note l’Onu.

Si les douze derniers mois ont témoigné d’une certaine volatilité sur le marché du nickel, c’est surtout au lendemain de l’invasion russe de l’Ukraine que le prix à la tonne s’est envolé. Dès le 1er mars, les prix du nickel sur le London Metal Exchange (LME) sautaient de 25.000 dollars la tonne à 48.241 dollars le 10 mars. Depuis lors, le cours a tendance à se rapprocher des 26.000 dollars la tonne.

Cette séquence de volatilité du cours du nickel sur le LME illustre la tendance à la hausse de la volatilité des marchés des métaux stratégiques, catalysée par les goulots d’étranglement sur les chaînes d’approvisionnement et la guerre en Ukraine. Le risque serait donc de transférer la variation des coûts des énergies fossiles vers une volatilité des énergies vertes.

Une demande en hausse de 100%

Les événements géopolitiques récents dans le voisinage de l’Europe n’ont fait que révéler l’une des faiblesses larvées dans l’autonomie stratégique de l’Union européenne. En mai 2021, la Commission européenne publiait un document faisant état de ses dépendances et capacités stratégiques. Ce dernier notait déjà que «les équipementiers, les fabricants de cellules (photovoltaïques, ndlr) et les fournisseurs seront probablement en concurrence au niveau mondial pour sécuriser leurs chaînes d’approvisionnement en batteries et l’accès aux cinq matières premières essentielles (lithium, cobalt, nickel, graphite et manganèse)». La production de nombreux «produits verts et numériques» reposant sur ces minéraux.

Toujours selon le même rapport, il faudrait s’attendre à une demande annuelle de 500.000 tonnes de nickel d’ici 2030 pour répondre aux objectifs dans les domaines de la mobilité électrique et des énergies renouvelables.

Commandée par le groupe industriel des métaux Eurométaux, une étude publiée en avril dernier par la Katholieke Universiteit Leuven (KUL) indique qu’à l’instar des terres rares, le nickel s’inscrit parmi les minéraux stratégiques dont la demande estimée entre 2020 et 2050 s’accélèrera à des rythmes plus élevés que le taux moyen historique. La demande de cobalt pourrait augmenter de 330% et celle de nickel de 100%.

En l’absence de sécurisation des chaînes d’approvisionnement en métaux stratégiques, dont le nickel, et d’investissements dans des infrastructures de recyclage de ces matières premières, la croissance de la production d’énergies renouvelables pourrait être amenée à plafonner.