Tout au long de la décennie passée, les innovations et les économies d’échelle ont permis une baisse rapide des coûts des technologies produisant des énergies propres, notamment ceux des batteries, des éoliennes ou des panneaux solaires.
Mais cette tendance s’inverse depuis 2021, constate une analyse de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) . Les prix des éoliennes et des panneaux solaires ont ainsi connu une hausse respective de 9% et de 16% en 2021. Et le prix des batteries ion-lithium devrait connaître une hausse majeure en 2022, prévient l’AIE. La Chine a ainsi déjà annoncé une hausse des prix des véhicules électriques Tesla, BYD et XPeng comprise entre 2% et 9% en mars 2022.
Métaux et minéraux essentiels
À l’origine de ce renversement: l’explosion des prix des minéraux et des métaux essentiels aux batteries, éoliennes et panneaux solaires. Les prix du lithium et du cobalt ont ainsi plus que doublé sur l’année 2021, et ceux du cuivre, du nickel ou de l’aluminium ont tous connu une hausse comprise entre 25% et 40%.
Et cette tendance à la hausse se poursuit en 2022, voire s’accentue. Le prix du lithium a ainsi été multiplié par 2,5 depuis le début de l’année, un rythme «stupéfiant», selon l’AIE. Les prix du nickel et de l’aluminium ont aussi continué d’augmenter. «Pour la plupart des minéraux et des métaux vitaux pour une transition énergétique propre, l’augmentation des prix depuis 2021 excède avec une très large marge les plus fortes hausses annuelles observées depuis 2010», constate l’AIE.
La part du coût des matières premières dans le coût total des technologies productrices d’énergies propres a par conséquent augmenté de manière significative. Ainsi, celui des matériaux cathodiques (composés de lithium, nickel, cobalt et manganèse, et essentiels pour les batteries ion-lithium) représentait moins de 5% du coût total des batteries au milieu de la décennie 2010. Cette part est désormais de 20%.
La guerre en Ukraine accentue la tendance
Cette hausse des prix des minéraux et des métaux est elle-même due à une «combinaison de facteurs», explique l’AIE: hausse de la demande, perturbation des chaînes d’approvisionnement et une inquiétude concernant un resserrement de l’offre. Et cette tendance a été accentuée par la guerre en Ukraine et l’isolement international de la Russie, un producteur-clé d’un grand nombre de ces matériaux et minéraux.
La Russie est ainsi le second producteur d’aluminium (6% de la production mondiale) et de cobalt dans le monde, et le quatrième producteur de graphite. Elle est aussi à l’origine de la fourniture de 43% du palladium dans le monde (utilisé pour les convertisseurs catalytiques des voitures), qui peut être remplacé par le platinum – mais le pays en est le second producteur mondial, avec 14% de part de marché…
Le pays produit aussi 10% du nickel au niveau mondial, mais surtout 20% du nickel dit de classe 1, essentiel pour les batteries. Début mars, le prix de la tonne de nickel est ainsi passé de 25.000 dollars à plus de 100.000 dollars en une journée. Le London Metal Exchange a suspendu les transactions de nickel durant une semaine.
Diversifier l’approvisionnement
L’uranium utilisé comme carburant pour l’énergie nucléaire est aussi sous tension. La Russie représente 6% de la production mondiale, mais elle possède surtout 40% des capacités globales d’enrichissement. De quoi faire s’envoler les prix, qui ont grimpé d’environ un tiers en mars 2022 – au plus haut niveau depuis la catastrophe de Fukushima.
Pour éviter un tel cas de figure à l’avenir, l’AIE recommande en premier lieu aux pays de prendre de «sérieuses mesures» pour améliorer la diversification et la résilience de l’approvisionnement en métaux et minéraux. De fait, ce phénomène, en menaçant la rentabilité de la filière de production d’énergie propre et la transition énergétique, est bien sûr un danger majeur au regard de la crise climatique.