Matthieu Cisowski: «La manière dont une direction gère les ressources humaines et la place qu’elle laisse à cette fonction témoignent de sa maturité, tant fonctionnelle qu’organisationnelle.» (Illustration: Salomé Jottreau/Maison Moderne)

Matthieu Cisowski: «La manière dont une direction gère les ressources humaines et la place qu’elle laisse à cette fonction témoignent de sa maturité, tant fonctionnelle qu’organisationnelle.» (Illustration: Salomé Jottreau/Maison Moderne)

Les ressources humaines occupent une place centrale et stratégique dans toute entreprise qui souhaite augmenter sa performance opérationnelle et offrir à ses collaborateurs un cadre de travail épanouissant et stimulant.

La gestion des ressources humaines est un domaine aux multiples facettes, soumis à des évolutions constantes. De nos jours, on attend d’un profes­sionnel des ressources humaines qu’il fasse le lien entre les ressources disponibles et les objectifs stratégiques de l’entreprise, dans le but d’améliorer ses performances. En d’autres termes, son rôle est d’assurer le recrutement, la formation et la gestion des talents, et d’aligner ces éléments avec les ambitions et besoins ­précis de l’entreprise. Dès aujourd’hui, tout en pensant à demain.

«La manière dont une direction gère les ressources humaines et la place qu’elle laisse à cette fonction témoignent de sa maturité, tant fonctionnelle qu’organisationnelle. Autrement dit, une organisation qui ne voit plus le service RH comme un centre de coûts, un mal nécessaire, mais comme un investissement, est sur le bon chemin», témoigne Matthieu Cisowski, head of HR Luxembourg de Ceratizit, groupe industriel de pointe spécialisé dans l’outillage en carbure de tungstène.

Au Luxembourg comme ailleurs, chaque entreprise dispose de sa propre vision du rôle des ressources humaines. Mais le temps où le service du personnel se contentait de calculer la paie, les heures supplémentaires et les primes est révolu.

«Attention, le calcul des salaires constitue le socle de base de la relation qui se noue entre un employeur et un salarié. Il ne faut pas négliger cet aspect des choses. De la même manière, notre direction attend que le service RH soit le garant du règlement intérieur, des conventions collectives, des règles écrites et non écrites. Cela nécessite d’être capable de jouer son rôle de pompier et ­d’aller au feu quand c’est nécessaire, poursuit Matthieu Cisowski. Ce n’est pas sur ces ­éléments que l’on motive des équipes, mais, en revanche, si vous êtes souple sur ces différents points, vous allez créer de la démotivation.»

Acteur de la culture d’entreprise

Aujourd’hui, plus une entreprise a la capacité de créer et d’entretenir une proposition de valeur pour les employés, plus elle a de fortes chances d’engager les meilleurs talents à son compte.

«Aujourd’hui, le directeur des ressources humaines fait très souvent partie du comité de direction et c’est par ailleurs le cas chez IQ-EQ. Le principal avantage de cette position est d’être au plus près des enjeux stratégiques et business, de comprendre et d’anticiper les implications organisationnelles des décisions prises au plus haut niveau, témoigne Laurent Ernens, HR director Luxembourg d’IQ-EQ, société de services aux investisseurs. Sur cette base, il nous revient de construire une stratégie de recrutement et de fidélisation des talents alignée avec notre identité et répondant aux enjeux du business.»

Il appartient donc au département des ressources humaines de trouver, sécuriser, ­guider, former et développer les compétences des ­salariés dont les talents et les ambitions concordent avec les besoins et les objectifs de l’entreprise.

Les professionnels des ressources humaines ont pour responsabilité de traiter les activités liées à la formation, à la rémunération, aux avantages du personnel, ainsi qu’aux relations entre les employés et entre les salariés et leur employeur.

«L’un des enjeux est d’être un acteur central de la culture d’entreprise, reprend Matthieu Cisowski. Nous avons environ 1.300 collaborateurs à Luxembourg, l’équivalent d’un village. Nous occupons un rôle transversal qui est de mettre en avant des solutions, notamment en matière de formation, et de tirer chaque collaborateur vers son accomplissement personnel. Dans la configuration actuelle, l’important n’est pas seulement de former des personnes, mais d’avoir une action éducative. L’intention n’est pas d’avoir des collaborateurs ‘plug and play’, techniquement compétents, mais d’avoir des personnes dotées d’un certain savoir-vivre, d’intégrité, de dynamisme, d’une capacité d’écoute. La gestion d’une entreprise est un sport d’équipe, d’où ce besoin d’une culture commune.»

Le sentiment d’appartenance à un groupe, la reconnaissance de ses supérieurs pour son implication et le travail accompli sont aujourd’hui des éléments essentiels pour les collaborateurs d’une entreprise.

«Chez IQ-EQ, la nouvelle identité commune lancée en 2019 a permis de donner du sens à l’action de tous, de réunir l’ensemble du personnel autour d’un socle commun qui est cette combinaison de quotient intellectuel et émotionnel, d’expertise technique et de capacité à comprendre les besoins de nos clients et de nos collaborateurs. Depuis mon arrivée en mai 2017, le groupe a réalisé plusieurs nouvelles acquisitions. Nous comptons aujourd’hui plus de 3.400 ­collaborateurs à travers le monde. Notre rôle est donc d’arriver à rassembler ces équipes venues d’horizons différents autour d’une mission et de valeurs communes, explique le directeur des ressources humaines. Bien sûr, nous cherchons des personnes qui disposent de toute la technicité requise, du background, des connaissances, en somme, de l’IQ. Mais il est tout aussi important, si ce n’est plus, de dénicher des personnes en ligne avec nos valeurs, possédant cet EQ, et qui vont ainsi apporter une plus-value à nos clients, grâce à une approche authentique, une attitude collaborative et un esprit entrepreneur.»

Prendre tout le recul nécessaire pour avoir une vision d’ensemble des rouages de l’entreprise, accompagner le développement du business, tout en étant au plus proche de chaque collaborateur, tels sont quelques-uns des défis des ­ressources humaines.

«Outre l’aspect très important de la qualité de vie au travail, ce que nous demande vraiment notre direction, c’est d’accompagner chacun, tant d’un point de vue professionnel que personnel, ajoute Matthieu Cisowski. Notre ambition est la suivante: quand une personne a un problème, quel qu’il soit, qu’elle frappe à notre porte pour trouver une solution.»

Étendre le champ de vision

Outre la gestion quotidienne des ressources, les directeurs des ressources humaines et leurs équipes doivent être en mesure d’anticiper ­l’avenir. «Les enjeux sont multiples et nous évoluons dans un monde de plus en plus global et complexe. Si vous voulez atteindre des objectifs, développer certaines activités, il faut s’en donner les moyens. Nous croyons fermement que l’une des réponses à ces enjeux organisationnels réside dans la dimension de l’apprentissage, et donc des programmes de ­learning. Aujourd’hui, les talents se créent, et la culture de l’apprentissage permanent est une manière durable de générer du business», constate Laurent Ernens. En d’autres termes, les ressources humaines ont pour mission d’améliorer constamment l’équipe en place, d’évaluer, de coacher et de renforcer l’assurance de chacun.

«On se doit de préparer l’avenir. Une entreprise a tendance à vivre au présent, centrée sur l’opérationnel. Les ressources humaines doivent avoir le courage, l’habilité et la volonté d’étendre le champ de vision. La gestion prévisionnelle des emplois et des compétences tient une part importante dans notre action», précise Matthieu Cisowski.

Afin de toujours veiller à l’efficience des ­ressources, le directeur des ressources humaines s’intéresse aussi à d’autres sujets qui touchent toutes les dimensions de l’entreprise. «La diversité et l’inclusion sont des thèmes-clés. Notre population au Luxembourg est composée majoritairement de femmes. Malheureusement, quand on monte dans les fonctions de direction, cette proportion diminue, confie Laurent Ernens. Or, nous sommes convaincus du fait que la diversité et la mixité des genres amènent plus de performance. Une des actions concrètes que nous avons mises en place est le Women Leadership Program, auquel toute femme peut s’inscrire, quels que soient son ancienneté ou son échelon dans la société. De manière plus générale, notre rôle est de veiller au bien-être de nos collaborateurs. Dans le contexte actuel, nous nous sommes beaucoup penchés sur les questions d’équilibre entre vie ­personnelle et vie professionnelle. Le droit à la déconnexion est notamment un sujet que nous suivons de près aujourd’hui.»

Proche des décideurs, le directeur des ­ressources humaines d’aujourd’hui se doit d’être un influenceur. «Nous avons cette chance ­d’occuper une position transversale, qui ne fait pas directement partie du processus de production, termine Matthieu Cisowski. Nous rencontrons tous les jours des personnes de tous niveaux. Nous pouvons, et nous devons sortir de notre bureau pour comprendre ce qui se passe à l’extérieur de notre organisation. Nous sommes là aussi pour dire les choses, celles dont la direction n’a pas connaissance. Je me vois en quelque sorte parfois comme un fou du roi.»

Cet article a été rédigé pour   parue le 24 juin 2021.

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