Le respect des droits des personnes qui résident dans des maisons de repos en cette période de crise sanitaire fait, entre autres, l’objet de toute l’attention de la CCDH. (Photo: Shutterstock)

Le respect des droits des personnes qui résident dans des maisons de repos en cette période de crise sanitaire fait, entre autres, l’objet de toute l’attention de la CCDH. (Photo: Shutterstock)

Profitant de la Journée internationale des droits de l’Homme de ce 10 décembre, la Commission consultative des droits de l’Homme a dressé un état des lieux de son action menée au Luxembourg depuis 20 ans. Très peu de sujets de société échappent à son attention. 

Quand on évoque les droits de l’Homme, on pense presque de suite aux civils victimes de conflits armés, souvent à l’autre bout du monde, aux restrictions de liberté dans des pays où la démocratie n’est qu’une illusion… On a évidemment en tête ces migrants qui ont tout quitté chez eux pour tenter de trouver un avenir meilleur ailleurs. On songe aussi au travail imposé à des enfants, à l’indépendance de la justice malmenée dans des États de l’Union européenne, aux membres de la communauté LGBTI traqués, malmenés, parfois torturés et tués pour leur différence…

Et au Luxembourg? «Jamais il n’a été autant question des droits humains dans notre pays», souligne Gilbert Pregno, président de la Commission consultative des droits de l’Homme (CCDH). «Cela pourrait être l’expression d’une régression, les droits étant moins respectés. Mais on peut aussi y voir le résultat d’une plus grande sensibilité à ces questions, aux enjeux. Ce qui est le fruit du travail des ONG, mais aussi des citoyens.»

Un chien de garde qui sait montrer les dents

C’est sans aucun doute aussi le résultat du travail de la CCDH. Née il y a 20 ans sous l’impulsion de Nic Klecker, elle s’est depuis installée dans le paysage institutionnel. Indépendante même si un lien administratif existe avec le ministère d’État, son champ d’action est large. «Notre mission est de conseiller le gouvernement et, par ricochet, aussi notre parlement, pour toutes questions de portée générale qui concernent les droits de l’Homme sur le territoire du Luxembourg. En nous adressant directement à l’opinion publique, via les médias, nous rendons aussi publics nos avis et recommandations. C’est par ce biais que la CCDH réalise un autre objectif, qui est de promouvoir les droits humains dans notre pays», explique encore Gilbert Pregno.

Deux évidences se dégagent. Tout d’abord, les avis rendus – que la CCDH ait été saisie d’un dossier, ou l’ait fait de sa propre initiative – sont de plus en plus nombreux. En 20 ans, 115 ont été publiés. Trois seulement entre 2000 et 2003, mais 13 pour la seule année 2020. C’est là le résultat d’une «professionnalisation» de la CCDH, qui, composée de 21 membres bénévoles, peut s’appuyer sur un secrétariat de spécialistes en droits humains et de juristes. Ce qui, ensuite, seconde évidence, fait que les avis rendus sont de plus en plus incisifs et argumentés. Celui émis tout récemment sur le Plan d’action national pour une égalité entre les femmes et les hommes en témoigne. «Ce plan ne constitue qu’un assemblage d’idées et d’actions déjà en place ou reconduites. On y cherche en vain une véritable stratégie, de même qu’une analyse sur les causes des inégalités structurelles fondées sur le genre, surtout dans les domaines de la violence, du travail et de l’emploi», peut-on y lire dans une analyse sans concession de deux pages.

Chien de garde des droits humains, la CCDH sait aussi montrer les dents quand il le faut. Et grogner de mécontentement.

Tant que nous nous inquiétons, nous gardons de l’espoir.

Gilbert PregnoprésidentCCDH

Évidemment, les thèmes traités par la CCDH sont variés: protection des données, questions en lien avec la sécurité intérieure, expulsion des étrangers en situation irrégulière… D’autres sont d’une actualité brûlante. La CCDH prépare ainsi son troisième rapport sur la traite des êtres humains. La question du respect des droits de l’Homme au sein des entreprises continue à susciter une grande vigilance, tout comme la protection de la jeunesse ou l’égalité des genres. Le respect des personnes en situation de handicap occupe, de même, la commission en permanence, tout comme les questions liées à l’immigration, l’accueil des réfugiés. Un document sur la bioéthique est en cours de préparation.

Et la crise sanitaire? . Le débat autour des  Mais, surtout, «nous nous sommes rendu compte que ce sont les personnes qui ont déjà été discriminées qui ont dû porter le plus lourd fardeau», développe Gilbert Pregno. Interpellé, notamment, par les droits de ceux et celles qui résident dans des maisons de repos «avec parfois des situations tout à faire révoltantes». Mais il y a aussi «les personnes isolées ou qui vivent dans la précarité, les familles monoparentales, les victimes de violence domestique…»

Les sujets d’inquiétude ne manquent donc pas. «Mais tant que nous nous inquiétons, nous gardons de l’espoir. Même si les droits humains peuvent être considérés comme une sorte d’utopie ou folie, il faut imaginer qu’ils sont raisonnables. Ils représentent un certain nombre de valeurs, dont la pierre angulaire est celle de la dignité qui est rattachée à tout être, une valeur non négociable», conclut Gilbert Pregno.