«Danse avec la foudre» est le premier roman de Jérémy Bracone.  (Photo: Paperjam)

«Danse avec la foudre» est le premier roman de Jérémy Bracone.  (Photo: Paperjam)

Jérémy Bracone signe, avec «Danse avec la foudre», son premier roman, une histoire d’amour et de lutte ouvrière au cœur de la Lorraine industrielle en déclin.

«Danse avec la foudre», paru aux éditions L’Iconoclaste, est le premier roman de Jérémy Bracone. Ce quadragénaire, aujourd’hui artiste plasticien, a grandi à Villerupt. C’est dans ce décor de Lorraine industrielle sur le déclin qu’il a choisi de placer la narration de son roman, une histoire d’amour fou qui témoigne d’une humanité et d’une poésie qui résistent à la grisaille, la rouille et la rudesse du Pays-Haut.

Figuette est ouvrier dans une usine de robots ménagers de luxe sur le point de fermer. Il est marié à Moïra, jeune femme dont il est fou amoureux, mais qui est aussi immature que passionnée. Un jour, elle décide d’aller voir ailleurs et fuit, laissant derrière elle, sans un mot, son mari et leur petite fille, Zoé. L’été arrive, et Figuette fait tout pour reconquérir Moïra, ainsi que pour honorer la promesse faite à sa fille de l’emmener dans un camping au bord de la mer pour les vacances. À court de moyens, il invente un stratagème pour ne pas la décevoir, le décor d’une désillusion. 

Ce premier roman, réussi, est un conte à la fois tendre et cruel, dépeignant sans filtre cette misère sociale, adoucie par l’amour que chacun porte à l’autre, la fraternité entre copains, l’amour d’un père pour sa fille, mais aussi l’évasion par l’imaginaire, cette richesse qu’on a tous quand on n’a rien. Un territoire dur, habité par un peuple marqué et fatigué, mais indéfectiblement vivant et joyeux, empreint de solidarité, d’espoir porté par les luttes syndicales et la fantaisie.

C’est aussi une Lorraine qui contraste avec son riche voisin, le Luxembourg, qui déverse «des montagnes de déchets de dizaines de mètres de long, déchargés de nuit par des camions», car, là-bas, «ça construit de partout». Un Luxembourg qui emploie les jeunes de la région en leur offrant des jobs vides de sens, dans des banques internationales sans guichet, avec juste des bureaux et des ordinateurs, où les employés peinent à expliquer ce qu’ils y font vraiment.

Mais cela leur permet de gagner trois ou quatre fois le Smic, d’acheter des maisons à crédit dans des lotissements où «les prix des terrains ont flambé» ou d’avoir «un SUV neuf, une moto, puis un coupé BMW». Un Luxembourg qui impose aux familles de fonctionner en horaires décalés, d’être «coincées dans les bouchons, comme d’habitude. Mais c’est pas grave, dans trois jours, c’est samedi. On pourra aller au centre commercial dépenser tout le fric qu’on a gagné.» Pourtant, il ne faut pas se faire d’illusion. Ces frontaliers restent des ouvriers, d’une certaine manière, «les prolos des Luxembourgeois. Vous avez juste troqué nos bleus de travail contre des costards-cravates», énonce un des personnages. Heureusement, il reste la fantaisie et l’imagination pour égayer le quotidien et enchanter les jours gris.

 «Danse avec la foudre», de Jérémy Bracone, L’Iconoclaste