Si au cours des dernières années le capital-investissement a connu un véritable essor et attrait auprès des investisseurs institutionnels et professionnels, le ralentissement sensible de la croissance depuis début 2020 risque de perdurer, voire d’être accentué par la crise sanitaire mondiale.

Le private equity a-t-il perdu de son attractivité?

Alternative intéressante pour une bonne diversification du portefeuille, le capital-investissement, en direct ou à travers des fonds, a convaincu les investisseurs institutionnels ou professionnels depuis de nombreuses années déjà. Il est vrai que cette classe d’actifs très privée a su faire parler d’elle, même si son accès par le grand public reste limité, pour ne pas dire impossible. Des entreprises bien établies se sont fait racheter par de grandes maisons de private equity essentiellement afin d’être restructurées, réorientées et rendues profitables, pour être revendues par la suite tout en générant une plus-value conséquente. D’autres fonds ont misé sur des start-up, surtout technologiques, dont certaines se sont révélées être de véritables licornes.

Toutefois, cette évolution semble connaître un sérieux coup de frein. Selon le Centre for management buy-out research (CMBOR)[1], le premier semestre 2020 a connu une régression de 39% des transactions en capital-investissement en Europe par rapport à la même période 2019. Le nombre total de 205 transactions est même inférieur au plus bas de 207 transactions en 2009. Au niveau de la valeur de ces transactions, la régression est moins sensible et se chiffre à quelque €41 milliards (-7%).

Quels secteurs ont été touchés par la crise sanitaire du Covid-19?

Près d’un tiers des transactions concernaient des sociétés actives dans les domaines de la technologie, des télécommunications et des médias. Ceci ne surprend pas, ces secteurs ayant été positivement impactés depuis le début de la crise sanitaire. Les autres secteurs ayant connu un impact positif sont ceux de la santé, de la logistique et des produits de grande consommation. Côté perdants, les secteurs de l’aviation et du tourisme, de l’Horeca et des loisirs en général ont été durement touchés, et l’impact final reste encore difficile à évaluer.

Des surfaces de bureaux pourraient logiquement se libérer au fur et à mesure que les baux prendront fin. L’utilisation accrue du télétravail dans les années à venir aura bien évidemment d’autres répercussions.
Germain Birgen

Germain BirgenHead of Business DevelopmentBanque de Luxembourg

Autre secteur pour lequel une évaluation de l’impact à moyen terme est difficile est celui de l’immobilier. Le déploiement quasi immédiat et à large échelle du télétravail a non seulement démontré une réaction rapide à un environnement nouveau, mais également la capacité d’adaptation technologique et humaine à cette situation nouvelle. Bon nombre de sociétés dans le secteur des services ont ainsi pu continuer leurs activités avec le constat in fine que la présence en permanence de l’ensemble de leurs effectifs n’était pas indispensable. Par conséquent, des surfaces de bureaux pourraient logiquement se libérer au fur et à mesure que les baux prendront fin. L’utilisation accrue du télétravail dans les années à venir aura bien évidemment d’autres répercussions, notamment sur les commerces locaux et la mobilité pour ne citer que ceux-ci.

Qu’en est-il de l’avenir?

En revanche, les sociétés actives dans les secteurs les plus sollicités à l’heure actuelle en tirent bien évidemment les bénéfices. Certaines de ces sociétés publient des résultats exceptionnels et les valorisations s’envolent. Il reste néanmoins extrêmement difficile d’évaluer la valeur réelle d’une société à moyen et long terme sur la simple base que celle-ci ait pu répondre très rapidement à une demande et des besoins immédiats. À titre d’exemple, on peut citer les sociétés industrielles, ayant changé leur chaîne de production d’origine pour se consacrer à la construction d’hôpitaux ou de production de matériel sanitaire en un temps record. Si de telles réactions à vif témoignent d’une grande agilité, avec prise de décision et mise en place rapides, elles ne peuvent toutefois constituer une vision pérenne à moyen ou long terme.   

Le private equity semble connaître une phase d’attente, ce qui n’entrave en rien l’esprit d’entrepreneuriat de ce secteur.
Germain Birgen

Germain BirgenHead of Business DevelopmentBanque de Luxembourg

 Pour les secteurs les plus touchés par la crise, un investissement important relèverait actuellement bien plus d’un support à ce secteur que d’un pari calculé sur la reprise et le retour à une activité similaire, voire accrue au terme de la crise.

Tout ceci pourrait faire partie des explications pour lesquelles, toujours selon le CMBOR, quelque $1.500 milliards de capitaux engagés dans le domaine du private equity restent non investis. En d’autres termes, la demande de la part des investisseurs dépasse très largement l’offre du marché. Toutefois, les incertitudes créées par la crise, d’une part, et les niveaux de valorisation dans certains secteurs, d’autre part, remettent en cause ou retardent les décisions d’investissement.

En conclusion, le private equity semble connaître une phase d’attente, ce qui n’entrave en rien l’esprit d’entrepreneuriat de ce secteur. Il est vrai qu’il est bien plus confortable de se trouver en quête de bons investissements ayant à disposition des sommes considérables que le contraire. De plus, les fonds de private equity pourraient s’avérer être de précieux partenaires financiers dans la mise en œuvre des grandes initiatives de relance des instances gouvernementales, dont la plupart font de la transition écologique et durable un thème central.

[1] Imperial College Business School, Londres