Avant la pandémie, la jeunesse était la catégorie de la société qui se sentait le mieux en matière de bien-être. Époque révolue. (Photo: Shutterstock)

Avant la pandémie, la jeunesse était la catégorie de la société qui se sentait le mieux en matière de bien-être. Époque révolue. (Photo: Shutterstock)

Les jeunes… Au début du confinement, ils ont été stigmatisés comme irresponsables, égoïstes, négligents, propagateurs du virus… Désormais, il y a la prise de conscience que la pandémie aura des effets à long terme sur leur bien-être, qu’il soit social, sanitaire ou économique.

Les études s’accumulent pour tenter de quantifier l’impact de la pandémie sur la jeunesse. Leurs conclusions vont toutes dans le même sens: les jeunes ont été plus touchés que les autres groupes d’âge par les mesures restrictives, qui ont eu un effet négatif sur leur éducation, leur situation économique et sociale, leur bien-être et leur santé mentale.

Ces différentes enquêtes font état de niveaux plus élevés de dépression, de solitude, de tension et d’anxiété, voire de pensées suicidaires. Cette tendance négative est d’autant plus marquée qu’avant la pandémie, les résultats des jeunes en matière de bien-être étaient meilleurs que ceux du reste de la société.

En outre, étant donné que les jeunes sont surreprésentés dans l’économie atypique, précaire et informelle, cette situation a conduit à une augmentation du chômage des jeunes et de leur insécurité au travail, qui, conjugués à des lacunes dans l’enseignement, risquent d’avoir des effets durables sur la capacité d’insertion professionnelle des jeunes et leur sécurité financière dans les décennies à venir.

Des chiffres parmi d’autres?

Pour l’Organisation internationale du travail (OIT), la pandémie a perturbé l’éducation de plus de 70% des jeunes. 65% disent avoir moins appris depuis le confinement et le basculement vers des cours en ligne. La moitié d’entre eux pensent que la fin de leurs études sera repoussée, et 9% pensent les abandonner définitivement. La situation est pire encore dans les pays à faibles revenus et mal équipés et connectés. Si 65% des jeunes issus des pays riches ont pu suivre leurs cours en visioconférence, seuls 18% des jeunes vivant dans les pays à faibles revenus ont pu continuer d’étudier en ligne.

Toujours selon l’OIT, 38% des jeunes ont des doutes sur leurs perspectives de carrière. «Il est probable que la crise crée davantage d’obstacles sur le marché du travail et prolonge la période de transition entre la fin des études et le moment où les jeunes accèdent à leur premier emploi», note l’organisation.

Tout cela a une incidence sur le mental. 50% d’entre eux peuvent être sujets à l’anxiété ou à la dépression, et 17% en souffrent probablement. Fait marquant: les symptômes de détresse psychologique sont plus élevés chez les jeunes que chez les personnes âgées.

Pour l’OIT, «les effets disproportionnés de la pandémie sur les jeunes ont exacerbé les inégalités et risquent d’affaiblir le potentiel productif de toute une génération». L’organisation réclame des réponses politiques urgentes, à grande échelle et ciblées pour éviter que la crise n’hypothèque les perspectives d’emploi de toute une génération de jeunes.

C’est une période extrêmement difficile, que l’on a tendance à banaliser.

Gilbert Pregnopsychologueprésident de la Commission consultative des droits de l’Homme

Au Luxembourg, à défaut de chiffres, les constats vont dans le même sens: la jeunesse est en souffrance.

L’Université du Luxembourg, dans le cadre du projet Covid-Kids – un projet d’étude international –, s’est penchée sur le bien-être subjectif des enfants de 6 à 16 ans pendant la pandémie. Les enseignements principaux de l’étude? 96% d’entre eux se disaient satisfaits de leur vie avant la pandémie. Un score qui a baissé à 67% depuis. Un malaise général dû au confinement et à un sentiment diffus que rien ne va s’arranger. Le rapport à l’école s’est également dégradé. 91% des élèves scolarisés en primaire et 84% des élèves scolarisés en secondaire se déclaraient satisfaits de leur éducation avant la pandémie. Des chiffres qui ont chuté respectivement à 76% et 62% depuis.

Certains groupes d’élèves apparaissent plus touchés que d’autres. C’est le cas, de manière générale, pour les filles, pour la tranche d’âge des 6-11 ans et pour les enfants dont la famille a un statut socio-économique bas.

Quels sont leurs principaux motifs d’insatisfaction? D’abord, l’évolution du travail scolaire fait au domicile, jugé trop lourd, même si le temps consacré à ces tâches est inférieur à celui passé à l’école. Chiffre inquiétant, beaucoup d’enfants trouvent le travail proposé inintéressant. Puis, viennent la peur de tomber soi-même malade pour 32% des répondants et la qualité de l’écoute des parents face à leurs interrogations. Si beaucoup d’enfants ont apprécié passer plus de temps avec leurs parents, certains se sont rendu compte des tensions intrafamiliales pouvant exister. C’était plus particulièrement le cas dans les fratries.

Sans oublier le fait que les relations avec leurs amis et la famille éloignée leur manquent énormément. Tout comme les activités parascolaires. Ce temps dégagé est passé devant des écrans et sur internet. Avec, à la clé, des comportements addictifs.

Gilbert Pregno, psychologue et président de la , observe de son côté «un grand vécu de souffrance, de décompensation, de malheur. Les gens sont fatigués, épuisés, découragés et voudraient que cela se termine.» Si pour les plus petits, être à la maison avec leurs parents a été bien vécu, pour les plus grands, cela a été plus difficile. Pour eux, les contacts sociaux sont un espace important pour le développement de la personnalité.

«C’est une période extrêmement difficile, que l’on a tendance à banaliser.» Peut-être parce qu’on n’en parle que par rapport à la scolarité et qu’on ne tient pas assez compte de tout ce qui compose la personnalité, estime le psychologue. «C’est typiquement luxembourgeois.»

Paradoxalement, ce n’est pas le premier confinement absolu qui a été le plus mal vécu. «Il a été facile à vivre parce que les consignes étaient claires et ne soufflaient aucune interprétation. Pas comme ce nouveau confinement à géométrie variable. On est dans un état d’esprit différent.»

Claire Henzig, chargée de mission qui encadre la CNEL (Conférence nationale des élèves du Luxembourg), est active dans le secteur de l’éducation non formelle. Elle a pu observer que, lors du premier confinement, la transition vers le virtuel a été facile. Il y avait quelque part l’attrait de la nouveauté qui a pu jouer. «Les gens se connaissaient déjà, avaient tissé des liens. Et tous se disaient que la situation était temporaire. Le rebasculement vers le virtuel, après une rentrée pleine, a été une grande déception.» Et s’il semble être trop tôt pour tirer des conclusions sur les effets de cette crise, Claire Henzig observe que le contact et le face-à-face manquent. Le travail virtuel devient difficile, le moral est atteint, et la motivation des jeunes décroît.

Doit-on parler de «génération sacrifiée»?

Le thème commence à émerger. En France, 54% des jeunes pensent qu’ils l’ont été au profit des plus âgés. Une question sort du bois: «En a-t-on trop fait pour nos seniors au point de sacrifier l’avenir d’une génération?»

Gilbert Pregno ne veut pas le croire. «Il faut donner à tous ce dont ils ont besoin.»

Va-t-on au-devant d’une colère générationnelle? Pas pour l’instant, au Luxembourg, du moins. «Les jeunes comprennent la situation, et ils essayent de s’adapter», observe Claire Henzig. «C’est un point positif.»