Le président de l’Eurogroupe, Mário Centeno, devra jouer les arbitre entre pays du Nord et du Sud. (Photo: Shutterstock)

Le président de l’Eurogroupe, Mário Centeno, devra jouer les arbitre entre pays du Nord et du Sud. (Photo: Shutterstock)

Ce mardi 7 avril, les ministres des Finances de la zone euro débattront de l’opportunité de créer un coronabond ou de recourir au mécanisme européen de stabilité pour aider les pays membres en difficultés économiques suite à la crise sanitaire.

Après une première réunion, le 26 mars, qui a surtout mis en exergue les divisions entre pays du sud, fortement endettés, et pays du nord, plus stricts en matière budgétaire, les ministres des Finances de la zone euro se retrouvent ce mardi 7 avril pour dégager des pistes de solution afin de venir en aide aux économies les plus affaiblies par la crise sanitaire liée au Covid-19.

Au menu de cet Eurogroupe, deux grandes propositions sont sur la table: des coronabonds ou l’intervention du mécanisme européen de stabilité (MES). Les premiers ont la faveur des pays du sud, soutenus par des pays comme la France, le Luxembourg et la Belgique. Le recours au MES est privilégié par les pays du nord – Allemagne, Pays-Bas, Autriche, Suède –, qui restent réticents à des transferts fiscaux directs entre les pays membres de l’euro.

Des risques moins partagés

Quels sont les enjeux du débat? Le mécanisme d’un coronabond est celui d’un emprunt émis de manière conjointe par les États membres de la zone euro.

«Un des points qui fait débat est qu’un État comme l’Italie, par exemple, qui a de plus grands besoins de financement, pourrait en bénéficier plus que d’autres. Dans l’hypothèse où l’État italien ne serait pas en mesure de rembourser ses dettes dans le futur, les autres États seront contraints de se montrer solidaires face aux investisseurs», explique Alexandre Gauthy, macroéconomiste pour la banque Degroof Petercam Luxembourg.

Le passage par le MES déclenche un scénario différent. Le mécanisme a été mis en place en septembre 2012, dans le contexte de la crise des dettes souveraines des pays du sud de l’Europe. Il est opérationnel, dispose de fonds propres à hauteur de 80 milliards d’euros et d’engagement des États de la zone euro à hauteur de 620 milliards.  Ce fonds européen de stabilité peut prêter directement aux pays membres de la zone euro en difficulté.

«Pour les pays du nord, le côté rassurant de cette voie est qu’un pays dans le besoin pourra contracter un emprunt à travers un organisme déjà existant et n’impliquera donc pas directement les autres États membres», précise encore l’économiste de Degroof Petercam Luxembourg.

Lancer des coronabonds, cela prendrait beaucoup plus de temps, chose que la crise actuelle ne permet pas.
Alexandre Gauthy

Alexandre GauthymacroéconomisteDegroof Petercam Luxembourg

En principe, le recours au MES implique, en retour, la mise en place d’un programme d’ajustement macroéconomique. Mais dans le cadre de cette crise dont personne n’est responsable, cette exigence devrait tomber. Un argument de plus pour cette solution.

«Le grand avantage du MES est qu’il est déjà en place alors que pour lancer des coronabonds, cela prendrait beaucoup plus de temps, chose que la crise actuelle ne permet pas», note Alexandre Gauthy.

La création d’«emprunts corona» serait un premier pas pour une plus grande intégration fiscale de la zone euro. Ce type d’emprunt «solidaire» pourrait, à terme, relancer le débat d’un budget propre à la zone euro, ce qui permettrait d’avancer dans le projet européen encore non abouti.

Solidarité européenne

Quant , à la France et à la Belgique, s’ils défendent l’idée d’obligations de ce genre nouveau, c’est par souci de solidarité européenne, notamment vis-à-vis de l’Italie. «Les Italiens ont de plus en plus le sentiment d’être laissés à leur sort et le sentiment anti-européen augmente de manière alarmante depuis le début de la crise dans ce pays. Une plus grande entraide sur le plan budgétaire entre les pays membres de l’euro pourrait adoucir leur point de vue», estime l’économiste.

Il semble toutefois que l’on s’oriente plutôt vers un recours au mécanisme européen de stabilité. Samedi, dans différents médias européens, le président de l’Eurogroupe, le Portugais Mário Centeno, a défloré les grands points d’un projet de ligne de crédit de 240 milliards d’euros dans le cadre du MES, ouverte à tous les pays qui en sont membres.

C’est sans doute autour de cette solution que les débats devraient s’orienter ce mardi lors de la rencontre par vidéoconférence des ministres des Finances de la zone euro.