Viviane Reding: «Non, nous ne devons rien réinventer. Nous n’avons qu’à appliquer ce dont nous disposons, au bénéfice d’une construction fière et souveraine.» (Photo: Marion Dessard/archives Maison moderne)

Viviane Reding: «Non, nous ne devons rien réinventer. Nous n’avons qu’à appliquer ce dont nous disposons, au bénéfice d’une construction fière et souveraine.» (Photo: Marion Dessard/archives Maison moderne)

Pour cet «été pas comme les autres», Paperjam a donné la parole à 10 personnalités luxembourgeoises engagées au niveau européen, afin qu’elles livrent leur analyse des défis qui attendent l’Union européenne. Cette semaine, , ancienne commissaire européenne et actuelle députée CSV, s’est prêtée au jeu.

Le désastre sociétal, social et économique provoqué par le coronavirus a mis en relief les faiblesses inhérentes au système hybride de la construction européenne (pouvoir de l’Union contre prérogatives des États), en négatif. Et en positif, il a suscité la capacité de faire tomber des tabous à la peau dure (mutualisation de la dette). Il a surtout fait comprendre aux Européens que le «minimum syndical» de la politique extérieure (due au principe d’unanimité inscrit dans les traités) ne peut plus durer et que l’Europe ne peut être forte que si elle est unie (ceci en matière politique, économique ou sanitaire).

En effet, la distribution des pouvoirs sur l’échiquier mondial a changé. D’un côté, le président Trump, qui démantèle une à une les institutions multinationales (facteur de cohérence et de protection des petites nations), qui fonde son action sur un égocentrique «America First», remplaçant la responsabilité par l’arbitraire, le droit par la négation des règles. D’un autre côté un continent chinois, conscient de sa nouvelle puissance économique et technologique, qui met sous chape les libertés individuelles. Entre les deux, l’Europe peine à s’imposer.

Et pourtant, la souveraineté européenne est si facile à concevoir (même si elle est plus difficile à mettre en place, à cause des structures décisionnelles inadaptées). Le mot-clé étant: action commune, fondée sur le droit fondamental et sur notre richesse de talents et de cultures.

Soit un contrôle plus strict des investissements directs étrangers (qu’ils soient asiatiques, américains, russes ou moyen-orientaux), sans pour autant ériger des murs. Une collaboration massive et systématique en matière de recherche, accompagnée par une mise en place d’un marché des capitaux efficace (les résultats de recherche doivent être financés en Europe, pour ne pas migrer vers d’autres continents: telle est la base de la création de champions européens). L’utilisation des moyens de relance «Next Generation Europe» à des fins de développement «climat» et «digital», tout en prônant les avantages du marché unique (si nous arrêtons le «nitty-gritty» et le repli local, la souveraineté numérique a une chance de voir le jour!). Assurer notre confiance en nous-mêmes, en nous opposant aux velléités de dominance économique et politique de nos partenaires (même et surtout lorsqu’ils se cachent derrière d’imaginaires considérations de «sécurité», comme le cas Huawei l’a démontré). Définir nous-mêmes nos propres critères de sécurité, en prenant en considération nos valeurs, nos capacités et notre responsabilité.

La liste est plus longue encore. Mais elle se peut résumer en quelques mots: non, nous ne devons rien réinventer. Nous n’avons qu’à appliquer ce dont nous disposons, au bénéfice d’une construction fière et souveraine. Et n’oublions pas: une crise est toujours aussi une opportunité.