Le directeur de l’Agence spatiale européenne, Josef Aschbacher, a entrepris un «lifting» de l’ESA pour la rendre plus agile face aux enjeux, notamment climatiques, pour lesquels l’espace pourrait jouer un rôle-clé. (Photo: LSA)

Le directeur de l’Agence spatiale européenne, Josef Aschbacher, a entrepris un «lifting» de l’ESA pour la rendre plus agile face aux enjeux, notamment climatiques, pour lesquels l’espace pourrait jouer un rôle-clé. (Photo: LSA)

Mercredi, à Belval, le nouveau directeur général de l’Agence spatiale européenne, Josef Aschbacher, a esquissé un nouveau mode de fonctionnement de l’ESA, au sein duquel la commercialisation des technologies des start-up est la priorité numéro 1.

«C’est un grand plaisir d’être là. Luxembourg est un grand pays dans le domaine de l’espace. Bien sûr qu’on ne peut pas le comparer avec la Nasa, la Chine ou la Russie, mais, au regard de la taille de la population, le Luxembourg fait beaucoup. J’aimerais que beaucoup de pays reconnaissent comme le Luxembourg l’importance de l’espace pour la société, mais aussi comme une opportunité économique!»

Le directeur général de l’Agence spatiale européenne (ESA) termine une réunion de travail avec le ministre de l’Économie, (LSAP), le directeur de l’Agence spatiale luxembourgeoise, Marc Serres, et le directeur du Centre européen d’innovation de l’espace, Mathias Link.

«Ce que j’attends, à moyen terme, c’est que, sur la lune, se développe une économie. Vraiment, des entreprises qui travaillent dans le domaine des ressources pour construire des infrastructures. La lune sera une base future pour la poursuite de l’exploration spatiale. On sait très bien que le prochain but sera Mars», explique l’Autrichien, en préambule d’une conférence de presse. «Profiter de la 3D pour construire ce dont on a besoin sur la lune et pour cette exploration paraît primordial. J’ai parlé de Moonlight pour créer un système de communication sur la lune, où il y aura des gens, des infrastructures, des robots, qui devront communiquer et naviguer. Dans 10 à 20 ans, il y aura une vie sur la lune. Les investissements, pour cela, doivent s’inscrire à long terme.»

Au dernier sommet de l’espace, de jeunes entrepreneurs ont annoncé créer un syndicat pour tenter de mieux accéder aux marchés publics de l’espace, notamment ceux de l’ESA. Ils ont des difficultés à convaincre des clients de la plus-value apportée par leurs solutions. Comment vous positionnez-vous par rapport à cette question?

Josef Aschbacher: «La commercialisation est une top priorité dans les prochaines années, pour moi, à la tête de l’ESA, et pour tous les États membres. Nous pensons que devenir un client de ces entreprises est un point-clé, évidemment dans les domaines où les technologies sont assez matures, où les sociétés peuvent délivrer des produits comme des données que l’on peut acheter. Je veux développer cet appui. Et aussi ces accélérateurs qui ont deux avantages.

D’un côté, si je suis un client-clé, je ne dois pas être un client comme les autres. Nous voulons tester correctement ce que les entreprises proposent, comment elles travaillent, qu’elles possèdent des produits d’une certaine qualité et remplissent certaines conditions. Mais si nous sommes des clients, nous donnons aussi des moyens aux entreprises de se développer très vite. Ce qu’elles essaient de faire, en étant très dynamiques. Ce pouvoir entrepreneurial, j’ai vraiment envie de le voir se développer. Soyons des clients intelligents! Nous ne serons pas que des clients, nous allons continuer à développer des engins très compliqués dans lesquels aucune société ne voudrait investir. Ce n’est pas un sujet commercial, mais les sociétés commerciales pourront aussi profiter de ces développements. Nous jouerons ces deux rôles.

Pourriez-vous aller jusqu’à sandboxer des technologies? Les accueillir à un stade précoce pour leur permettre de confronter leurs idées à la réalité?

«Nous pourrions. C’est quelque chose que nous devons étudier. Je viens de créer une nouvelle direction de la commercialisation au sein de l’ESA. Ce directoire devra développer tout ce pan commercial. Il y a une longue liste de choses que nous voulons étudier. Une par une, pour être sûrs que nous changeons et que nous jouons notre rôle d’entité publique pour développer le côté commercial. Si nous ne le faisons pas en Europe, nous perdrons du temps et des opportunités. L’environnement est bon pour cela.

Quand vous parlez de créer des accélérateurs, utilisez-vous ce mot dans le sens qu’on lui donne dans le monde des start-up?

«Il y a probablement des coïncidences si nous utilisons ce même mot, comme le ministre. Ce n’est pas tout à fait ce que cela veut dire dans le monde des start-up. Mais j’aimerais utiliser une partie de ce que cela veut dire pour accélérer le développement de certaines start-up de l’espace, pour les mettre sur les rails de produits davantage prêts pour le marché, et plus rapidement.

La manière dont je définis les accélérateurs dans le contexte de l’ESA est quelque chose où nous voulons aller vite parce que nous répondons à un besoin urgent de la société, sur le plan du changement climatique ou sur la protection de nos avoirs. Nous devons aller vite et unir nos moyens pour cela, en créant de nouveaux modes de travail. Nous voulons réunir des blocs de différents pays et les faire travailler autour d’un même objectif.

Dans le parallèle avec une start-up, si elle veut lancer une constellation de nanosatellites, elle va passer par un tour de financement, de l’amorçage. Ils ne savent pas comment arriver à leur constellation. Ils sécurisent une partie du financement pour commencer, pour bâtir leurs premiers éléments, puis ils cherchent de nouveaux financements pour continuer à développer leurs produits. Aujourd’hui, nous savons que nous voulons utiliser l’espace pour aider l’Europe à accélérer dans la décarbonisation de l’économie. Nous avons quelques idées de base, comme l’observation de la Terre depuis l’espace, comme la connectivité, comme la création de jumeaux digitaux, mais nous n’avons pas aujourd’hui ce que sera notre produit dans 10 ans. Nous allons donc enchaîner les phases pour construire les premiers blocs et ainsi de suite.

Un autre sujet-clé est celui des talents, et notamment dans la recherche. Le sujet a été abordé lors de la conférence avec l’idée de s’adresser très tôt aux enfants.

«Nous devons bien sûr travailler sur le développement des STEM, pour avoir des ingénieurs. Et leur offrir des modèles inspirants. L’idée que nous pourrions trouver de la vie sur une autre planète dans le système solaire est fascinante! Le sujet va de la religion jusqu’à la médecine, dans beaucoup de domaines. C’est très inspirant de participer à ces développements. Même si utiliser les astronautes est une autre voie très inspirante.

Imaginer un astronaute qui parle à des classes d’enfants depuis la Station spatiale internationale est aussi très positif. En Europe, d’un autre côté, nous avons beaucoup de talents. Nous pouvons en être fiers. Ce que je ne veux plus, c’est que ces talents quittent l’Europe, faute d’opportunités. C’est aussi le sens des accélérateurs, offrir un cadre dans lequel des talents pensent qu’ils ont la place de s’épanouir et de faire des choses passionnantes. Voire attirer des talents extérieurs à l’Europe et attirés par notre projet.»

Cette interview est issue de la newsletter hebdomadaire Paperjam Trendin’, à laquelle vous pouvez vous abonner .