Philippe Ledent, senior economist chez ING Belux. (Photo: ING)

Philippe Ledent, senior economist chez ING Belux. (Photo: ING)

Pour Philippe Ledent, les derniers chiffres de croissance sont trompeurs quant aux dynamiques de croissance des deux côtés de l’Atlantique.

La semaine écoulée a été marquée par la publication des chiffres de croissance de l’activité économique au premier trimestre de l’année en zone euro, mais aussi aux États-Unis. À première vue, les chiffres publiés vont totalement à l’encontre des attentes. Rappelons ici que la guerre en Ukraine a débuté le 24 février dernier, si bien qu’au moins un tiers du premier trimestre a potentiellement été affecté par les effets de la guerre sur le commerce international et les prix. Pourtant, alors que l’on pourrait s’attendre à un plus gros ralentissement en zone euro qu’aux États-Unis, les chiffres de croissance montrent l’inverse: aux États-Unis, l’activité s’est réduite de 0,3% par rapport au trimestre précédent, alors qu’en zone euro, l’activité a progressé de 0,2%. Cela peut paraître étonnant, car on aurait pu s’attendre à un premier trimestre plus difficile en zone euro à cause de la guerre en Ukraine, alors que l’économie américaine semblait toujours sur sa trajectoire de reprise. 

Cela étant, les chiffres de croissance du PIB sont toujours difficiles à interpréter sans un examen plus précis de ses composantes. Pour les États-Unis, celles-ci sont disponibles et révèlent que malgré un chiffre négatif, l’activité s’est plutôt bien comportée: la consommation des ménages a progressé au premier trimestre, et ce malgré la virulente vague Omicron de la pandémie. L’investissement des entreprises progresse également. Le problème se situe plus au niveau des exportations, dans un contexte difficile en raison des problèmes logistiques, de la même vague Omicron dans le reste du monde et évidemment de la guerre en Ukraine. Comme, dans le même temps, les importations ont été assez dynamiques (à cause de la consommation des ménages), le commerce extérieur américain a pesé sur la croissance. Cet effet négatif devrait être compensé dès le deuxième trimestre. 

Baisse de confiance des ménages en Europe

En zone euro, c’est une autre histoire. Malheureusement, aucun chiffre détaillé n’est encore disponible à l’échelle de la zone dans son entièreté. On ne peut donc pas encore faire le même type d’analyse. Par contre, le chiffre de croissance est également disponible pour certains pays: l’activité progresse de 0,3% en Belgique, de 0,2% en Allemagne, mais se contracte de 0,2% en Italie (le chiffre du Luxembourg n’est pas encore disponible). Enfin, le cas de la France est intéressant: le PIB y stagne au premier trimestre, mais surtout, la France publie les chiffres des composantes. Or, on peut y découvrir que la consommation des ménages s’est lourdement contractée au premier trimestre. Cela a pu être compensé par d’autres composantes, mais cela montre que, comme prévu, la nette baisse de la confiance des ménages en raison de la guerre en Ukraine et surtout la baisse de leur pouvoir d’achat en raison de la brutale hausse de l’inflation (ce qui a aussi été confirmé la semaine dernière) ont eu un effet dévastateur sur leurs dépenses de consommation. C’est probablement quelque chose que l’on retrouvera dans de nombreux pays de la zone euro. 

En conclusion, les chiffres d’activité du premier trimestre des deux côtés de l’Atlantique sont en trompe-l’œil. En vérité, la situation économique reste bien meilleure aux États-Unis qu’en zone euro, et c’est probablement surtout le cas en matière de consommation des ménages.