Thierry Smets cofounder, et Gaëlle Haag, CEO et cofounder de Startalers. (Photo: Anthony Dehez)

Thierry Smets cofounder, et Gaëlle Haag, CEO et cofounder de Startalers. (Photo: Anthony Dehez)

2020 sera une année-clé pour Startalers, la start-up née de la vision de Gaëlle Haag et de sa rencontre avec Thierry Smets, au carrefour de leurs expériences dans un monde bancaire bousculé par des jeunes pousses. Après la levée de fonds avec la Bourse de Luxembourg, la plate-forme pour aider les femmes à investir grâce à des conseils simples et un effet communautaire doit voir le jour dans les prochains mois.

Retrouvez la première partie de ce grand entretien .

Sur quelles problématiques allez-vous vous pencher au départ?

Gaëlle Haag. – «On est encore en train de les étudier, mais nous devons trouver des investissements qui soient facilement explicables dans un premier temps. Notre communauté va grandir avec l’expérience, et donc il sera de plus en plus facile d’aller vers des thématiques plus pointues au fur et à mesure. Dès le départ, nous souhaitons agir sur deux éléments qui nuisent à la performance: les émotions et les coûts.

Nous avons dans notre application un aspect comportemental qui consiste à communiquer au bon moment sur des biais de comportements qui font que vous prenez la mauvaise décision au mauvais moment. Pour éviter qu’un investisseur lambda n’achète quand c’est au plus haut et ne vende quand c’est au plus bas. Sur le second élément, nous cherchons des instruments liquides, qui aient un track record, de qualité et à bas prix.

Nous allons nous pencher sur le sujet des gender lens, à savoir les fonds qui investissent dans des sociétés qui ont un impact démontrable en termes de diversité. De même en ce qui concerne les énergies renouvelables.

Nous examinons aussi les politiques de gou­­vernance, pour nous assurer que le vote des actionnaires puisse être exercé de la bonne manière, en fonction des considérations environnementales, des choix d’implantation d’usines, des choix énergétiques… Cette manière de désintermédier le pouvoir décisionnel via le pouvoir de vote est assez répandue aux États-Unis, et assez peu en Europe.

Cette capacité de prendre le temps d’expliquer et de renvoyer l’information fait partie de notre rôle. Pour que l’investisseur ait une visibilité et qu’il voie qu’il a un impact, même à sa petite échelle.
Gaëlle Haag

Gaëlle HaagCEO et cofounderStartalers

Votre plate-forme, qui veut expliquer des choses à des gens qui n’y connaissent rien, va être obligée de beaucoup contextualiser les décisions d’investissement…

G.H. «C’est là que nous pensons que nous apportons une véritable valeur ajoutée. La sélection d’actifs, la notation ESG… vous allez toujours trouver des sociétés capables de vous expliquer ces notions. Par contre, cette capacité de prendre le temps d’expliquer et de renvoyer l’information fait partie de notre rôle. Pour que l’investisseur ait une visibilité et qu’il voie qu’il a un impact, même à sa petite échelle.

Cette valeur ajoutée, vous allez la créer manuellement, avec des humains, ou avec des algorithmes?

G.H. «Dans un premier temps, nous devons définir notre méthodologie. L’équipe de la Bourse va nous aider en partie. À partir de là, nous allons essayer d’automatiser au maximum l’extraction et le référencement. Ensuite, la traduction de ces données en quelque chose qui soit intelligible, on va devoir la faire manuellement, dans un premier temps. La communication va être la rédaction de contenus.

C’est là que vos clients vous attendent?

G.H. «Oui! Aujourd’hui, c’est surtout dans la communication qu’ils nous attendent, plus que dans le fait d’avoir un accès 'physique' à un conseiller qui ne délivrerait pas forcément la réponse adéquate. L’alternative que nous proposons est de rendre un service le plus contextualisé et le plus personnalisé possible, au plus grand nombre. Et je compense l’absence de relation physique avec un conseiller par l’aspect communautaire. Vous pouvez me demander à moi, institution financière, de répondre à votre question. Mais vous pouvez aussi demander à celles qui investissent et qui s’intéressent aux choses similaires, qui ont plus d’expérience... Et vous avez le choix entre aller chercher l’information et comparer les versions institutionnelles et communautaires.

Avec un risque de téléphone arabe…

G.H. «Comme dans tout réseau, si vous le gérez bien… Le risque zéro n’existe pas. Je ne crois pas à un discours où vous avez toujours raison. Pouvoir dire qu’on s’est trompé, qu’on va s’adapter, qu’on va corriger. On crée de la proximité.

Nous voulons accomplir quelque chose, il n’est pas juste question d’un retour sur investissement pour les actionnaires.
Gaëlle Haag

Gaëlle HaagCEO et cofounderStartalers

Et l’aspect communautaire ouvrirait la voie à des récompenses?

G.H. «Effectivement, c’est un des mécanismes que nous voudrions mettre en place, un système de mentors/parrains. Un système de points que les investisseurs pourraient échanger soit contre une remise sur leurs frais de gestion, soit contre des heures de mentoring avec d’autres.

Vous ne faites pas de politique, mais vous vous occupez de la société?

G.H. «Exactement. Les changements qui doivent venir viendront des citoyens, et pas de programmes politiques ou gouvernementaux. À mon échelle, le changement commence par soi-même. Qu’est-ce que je peux faire pour apporter ma contribution? C’est comme ça qu’on s’est dit, Thierry et moi, que l’industrie dans laquelle on travaillait n’était plus appropriée pour l’ensemble de la population, et en particulier pour un segment de clients dans lequel nous nous reconnaissions. Nous voulons accomplir quelque chose, il n’est pas juste question d’un retour sur investissement pour les actionnaires.

Quand vous lancez une première boîte, vous essayez de minimiser les domaines de compétences dont vous ne connaissez rien. Il y a toute une série de compétences que nous allons aller chercher sur le marché. Nous venons de recruter deux personnes en tech et en acquisition digitale. On va devoir recruter une troisième personne pour les fonctions de contrôle dans les trois mois à venir.

Qu’est-ce que qu’il faut comme investissement personnel pour passer d’une situation où l’on travaille dans l’industrie de la finance à une situation où l’on travaille pour soi?

G.H. «À un moment donné, vous vous réveillez et vous vous dites que vous avez fait tout ce que vous deviez faire. J’ai coché des cases. En tant que femme, jeune, j’avais prouvé que je pouvais arriver à un certain niveau, avoir un certain impact et trouver ma place dans une organisation. Mais est-ce que c’est ce dont j’ai envie? Quand vous commencez à vous poser cette question-là… J’ai regardé autour de moi, mon environnement, externe et interne… La dynamique d’entreprise, la dynamique de marché, la société dans laquelle vous évoluez, avec vos deux enfants, et ce que vous voulez leur transmettre… À 36 ans, qu’est-ce que je fais du reste de ma vie, qui va encore être longue...?»