Les députés de la commission finances ont écouté les pétitionnaires. Une revendication de plus en amont de la réforme de l’imposition sur le revenu à laquelle s’attelle le ministère des Finances. (Photo: Chambre des députés)

Les députés de la commission finances ont écouté les pétitionnaires. Une revendication de plus en amont de la réforme de l’imposition sur le revenu à laquelle s’attelle le ministère des Finances. (Photo: Chambre des députés)

Le débat public sur la pétition appelant à une baisse de l’imposition sur le revenu des célibataires a eu lieu lundi et donné l’occasion au ministre des Finances d’évoquer le «barème unique nouveau» sur lequel planchent ses services.

Avec 6.800 signatures récoltées en quelques semaines, la pétition 1188 avait gagné le droit d’être débattue à la Chambre des députés. Ses auteurs ont pu échanger avec les députés de la commission des finances et surtout écouter les intentions du gouvernement, attelé à une réforme du système fiscal, avec en ligne de mire l’individualisation progressive de l’impôt sur le revenu.

«Nous savons que nous devons payer des impôts et nous ne sommes pas contre les contribuables de la classe 2» (mariés), avertit de prime abord Giancarlo Sartori, le pétitionnaire principal. «La classe 1 est pour beaucoup le parent pauvre de la taxation des revenus», souligne-t-il, évoquant des charges similaires (logement, etc.) et des crédits d’impôt moins avantageux. «Notre objectif est de contribuer à la modernisation de la fiscalité des ménages, qui passera forcément par une refonte de la taxation plus en adéquation avec la situation économique des contribuables.»

L’abattement extraprofessionnel pourrait, par exemple, ne plus être accordé à partir d’un certain revenu.

Daniel Wiesenmeyer

Les pétitionnaires sont venus avec des propositions sous le bras tout en se défendant d’être des connaisseurs techniques de la fiscalité.

«L’unité de référence pourrait être l’individu, ce qui permettrait de remédier à la discrimination des couples en union libre par rapport aux couples mariés», énonce Daniel Wiesenmeyer. Les recettes fiscales obtenues pourraient être redistribuées en revoyant les taux marginaux.

Deuxième «piste de réflexion»: «la prise en compte des unités de consommation et des économies d’échelle», conduisant à considérer la capacité contributive de chaque personne ainsi que les économies d’échelle induites par une vie à plusieurs. «Cela reviendrait à rapprocher la politique fiscale des pratiques en matière de politique sociale», notamment pour calculer le taux de pauvreté.

Troisième suggestion: le plafonnement de l’avantage fiscal issu de l’imposition collective, ce qui aurait l’atout de préserver les couples mariés à faible revenu. «L’abattement extraprofessionnel pourrait, par exemple, ne plus être accordé à partir d’un certain revenu», explique M. Wiesenmeyer. «Les gains en recettes fiscales financeraient ainsi la baisse d’impôt accordée aux célibataires.»

Les célibataires sont toujours les vaches à lait.

Giancarlo Sartori

Interrogés par les députés sur les pistes avancées, les pétitionnaires soulignent qu’ils souhaitaient surtout lancer le débat. «Même si on a des enfants, on a déjà beaucoup d’aides: maison relais, allocations familiales…», reprend M. Sartori, sortant de sa réserve. «Nous trouvons que les célibataires sont toujours les vaches à lait. Les lois doivent être changées. Au Luxembourg, on le dit clair et net: ‘si tu paies trop d’impôts, tu n’as qu’à te marier et faire des enfants’!»

Des revendications qui n’ont pas provoqué de remous des députés de la commission des finances et du budget. «Les 6.800 signatures de votre pétition montrent que vous avez touché un nerf et soulevé un souci légitime de nombreuses personnes», constate . «La situation de la société a énormément évolué depuis 1967», date de la loi actuelle, déjà issue d’une dizaine d’années de discussions. À l’époque, il s’agissait de «dissuader la femme de travailler», dans un contexte où la mixité n’avait pas cours dans les écoles, où le divorce par consentement mutuel était très rare et où le mariage représentait la norme.

Le ministre souligne tout de même que la pression fiscale au Luxembourg reste bien inférieure à celle de ses voisins – 38,2% pour les célibataires contre 36,1% dans l’OCDE mais 52,1% en Belgique, 49,5% en Allemagne et 47,6% en France. Quant aux ménages dont un seul conjoint travaille, ils sont imposés à 17% au Luxembourg contre 26,6% dans l’OCDE, 37% en Belgique, 34% en Allemagne et 39% en France.

Nous allons, dans un futur proche, arriver à un système différent en ce sens qu’il n’y aura plus de taxation en commun du couple, plus de classe d’impôt, mais un barème unique nouveau.
Pierre Gramegna

Pierre Gramegnaministre des Finances

«Vous avez raison, le régime des célibataires est très désavantageux par rapport aux couples mariés avec ou sans enfant», concède M. Gramegna. À 50.000 euros de revenus, un célibataire paie 18,2% d’impôts contre 6,42% pour un ménage avec un seul revenu. Et un célibataire gagnant 80.000 euros paie 26% d’impôt contre 13,46% pour un ménage avec deux salaires équivalents. L’écart se réduit au gré du salaire.

Le ministre nuance toutefois l’argument des économies d’échelle dont bénéficierait un couple avec deux revenus, rappelant qu’au-delà du logement ou des assurances, d’autres dépenses «sont plus chères quand on vit à deux» – alimentaires, vestimentaires… «Il faut faire la part des choses.» D’où l’impossibilité d’aligner le taux d’imposition des célibataires sur celui des couples mariés puisque «cela aboutirait à d’autres inégalités en favorisant davantage les célibataires».

La coalition DP-LSAP-Déi Gréng a entamé la modernisation du droit fiscal lors de la réforme entrée en vigueur en 2017, en offrant la possibilité aux couples mariés d’opter pour une imposition individuelle. «Nous allons, dans un futur proche, arriver à un système différent en ce sens qu’il n’y aura plus de taxation en commun du couple, plus de classe d’impôt, mais un barème unique nouveau.» Ce barème serait «neutre par rapport à la situation familiale de la personne, qu’elle soit mariée, divorcée, en union libre ou célibataire». Ce qui éviterait également l’écueil du changement de classe d’impôt en fonction de son statut.

«Cela sera difficile, car cela nécessite un travail considérable pour tout remettre en perspective», annonce le ministre. «Mais la réforme va résoudre beaucoup de vos soucis.» Si le ministre ne peut en dire plus pour l’instant, attendant également de boucler une phase de consultation, il assure que «cette réforme fondamentale permettra la modernisation du droit fiscal pour qu’il entre véritablement dans le 21e siècle».

Une annonce écoutée avec intérêt par les pétitionnaires, avant un dernier appel de M. Sartori: «Je demande aussi aux députés de se mettre d’accord et de penser qu’il y a aussi derrière ce débat un pouvoir d’achat intéressant. Si les gens gagnaient 100 euros en plus ce serait magnifique.»