Jean-Yves Leborgne, discretionary portfolio manager, ING Luxembourg. (Photo: Patricia Pitsch/Maison Moderne Publishing SA)

Jean-Yves Leborgne, discretionary portfolio manager, ING Luxembourg. (Photo: Patricia Pitsch/Maison Moderne Publishing SA)

Rappelez-vous: le 29 janvier dernier, le Parlement européen votait, quelques semaines après le Parlement britannique, l’accord de retrait concluant ainsi plus de trois ans de négociations.

Ce texte a pourtant une portée limitée sur la future relation entre le R-U et l’UE27 à partir de janvier 2021. Il couvre les droits des citoyens (Britanniques établis dans l’UE et Européens établis au R-U), des protocoles spécifiques à Chypre et Gibraltar, la contribution financière du R-U au budget européen à titre de compensation (environ 30 milliards de livres) ainsi que les aspects pratiques du protocole douanier à mettre en place en mer d’Irlande dans le cas où il n’y aurait pas d’accord commercial.

Cependant, l’accord laisse de nombreux dossiers en suspens. Un accord commercial afin d’éviter que la Grande-Bretagne ne soit considérée comme un pays tiers en termes d’échanges de biens et de services est le premier auquel il faut penser. Mais aussi l’accès aux zones de pêche, les règles pour les compagnies aériennes, les échanges d’énergie ou encore les équivalences dans la production de médicaments.

Le Brexit définitif interviendra donc le 31 décembre à minuit, marquant la fin de la période de transition qui aura finalement duré moins d’un an. La gestion de la crise du Covid a monopolisé l’énergie des gouvernements de part et d’autre de la Manche et a, de ce fait, ralenti les discussions entre les deux parties. Au vu du marathon législatif qui attend un éventuel accord d’ici la fin de l’année, il ne reste que moins d’un mois (15 octobre) pour négocier quelque chose.

Les négociations ont repris après le Sommet européen du 19 juin dernier qui a acté la non-prolongation de la période de transition au-delà de 2020. Elles sont menées par Michel Barnier pour l’UE et David Frost pour le R-U (ce dernier étant un des architectes de la campagne du «Leave»). Elles se sont rapidement interrompues, les deux parties ayant débouché sur une impasse début juillet. Le 7 juillet, les deux négociateurs dînaient au 10 Downing Street dans l’espoir de les relancer, mais sans succès. Le dernier round vient de démarrer il y a quelques jours, et il est fort à parier que nous assisterons à nouveau à un sprint de dernière minute d’ici le 15 octobre. Les contours d’un accord sont connus pour éviter que le choc, inévitable désormais, soit trop important pour les agents économiques de part et d’autre de la Manche. Sa taille l’est aussi: il sera mince, faute de temps.

L’UE devra sans doute abandonner sa demande de voir la jurisprudence de la Cour de justice européenne maintenue au R-U tandis que le R-U devra, de son côté, prendre des engagements robustes quant au «level playing field».
Jean-Yves Leborgne

Jean-Yves Leborgnediscretionary portfolio managerING Luxembourg

Deux sujets discutés et sur lesquels il y a notamment de bonnes chances d’un compromis sont les règles pour les aides d’État aux entreprises (condition nécessaire à des flux commerciaux «équitables») et pour les quotas et zones de pêche. L’UE devra sans doute abandonner sa demande de voir la jurisprudence de la Cour de justice européenne maintenue au R-U tandis que le R-U devra, de son côté, prendre des engagements robustes quant au «level playing field», à savoir les limites à poser à l’éloignement éventuel de la législation britannique par rapport à celle de l’UE.

Pour ce qui est des contrôles aux frontières, le blocage ne pourra pas être complètement évité en janvier prochain. Le R-U a déjà dit que les contrôles seraient légers de son côté (faute d’avoir pris les devants dans la mise en place des dispositifs douaniers) mais qu’ils augmenteraient progressivement. Les nouveaux droits de douane auront six mois pour être calculés et payés côté britannique. Il est donc difficile à l’heure actuelle de mesurer à quel point le transit sera difficile en janvier, mais une chose est certaine: peu d’entreprises ont pris les devants, accaparées qu’elles étaient par la crise du Covid. Vu la chute des échanges commerciaux dus au confinement, il n’est pas impossible que le bas niveau d’échanges observé ces derniers mois soit bientôt la nouvelle norme.

Quoi qu’il en soit, l’accord final, s’il est conclu, devra surtout servir de base pour construire d’autres accords dans le futur afin de clarifier la nouvelle relation entre l’UE et le R-U. En cela, cet accord ne marquera pas la fin du Brexit, mais son commencement. En attendant, l’économie prendra sans doute ce nouveau choc de plein fouet.