Plusieurs milliers de poids lourds traversent la Manche chaque jour, vers et depuis le Royaume-Uni.  (Photo: Shutterstock)

Plusieurs milliers de poids lourds traversent la Manche chaque jour, vers et depuis le Royaume-Uni.  (Photo: Shutterstock)

Le Brexit implique de nombreux changements pour les entreprises spécialisées dans le transport et la logistique. La fin d’année chaotique de chaque côté de la Manche pour les chauffeurs de poids lourds laissait craindre le pire pour la suite, mais l’année 2021 a finalement plutôt bien commencé. 

La période de transition de sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne a pris fin le 31 décembre 2020, apportant son lot d’incertitudes pour les entreprises dont l’activité se trouve de chaque côté de la Manche. À commencer par les transporteurs et autres acteurs du secteur de la logistique, pour qui un flou – lorsqu’il s’est dissipé – a longtemps subsisté.

«Pour le transport, il y a encore des zones d’ombre. À l’heure actuelle, le législatif n’est pas sûr, donc nous avons souvent recours à la solution de traversées non accompagnées. On arrive à Zeebruges ou à Dunkerque, on ne monte que les semis, et de l’autre côté, des camions anglais viennent les chercher. On avait anticipé, on espère de bons résultats. Il y a une période de transition où les autorisations ne sont pas claires. Et du côté anglais, il y a un manque d’effectif dans la zone de contrôle de douane», explique-t-on à la société de transport international de marchandises à Dudelange, Ziegler.

D’autres, dont le Royaume-Uni représentait un marché mineur, ont même décidé de couper les ponts avec les sujets de Sa Majesté, poussés par les doutes qui pesaient sur le futur des relations entre l’UE et le Royaume-Uni. C’est notamment le cas de HB Transports, basée à Luxembourg, dont l’un des dirigeants raconte: «Dès que les dernières phases du Brexit ont eu lieu, nous avons quitté complètement le Royaume-Uni. Ce n’était pas notre plus gros marché et nous ne savions pas comment cela allait se passer donc nous avons mis fin à nos trajets.»

Deux ans de préparation

À l’inverse, certains, pour qui l’Angleterre représente un marché important, ont mis les bouchées doubles pour ne laisser aucune place au hasard. «Nous avons commencé à travailler il y a environ deux ans, alors que la date initiale de Brexit était prévue pour le 29 mars 2019. Nous avons repris les préparatifs au second semestre 2019, mais lorsqu’il est apparu que la date serait à nouveau reportée, nous avons attendu la mi-2020 pour commencer sérieusement nos préparatifs et informer nos clients des nouvelles exigences. Nous avons assisté à des webinaires organisés par des ministères et des agences gouvernementales en France, au Luxembourg et au Royaume-Uni, ainsi que par Eurotunnel et des exploitants de ferries. Nous avons dû modifier nos systèmes informatiques et les intégrer à des logiciels tiers», détaille, depuis l’Angleterre, Jason Breakwell, directeur commercial de Wallenborn Transports, dont le siège est situé à Schuttrange.  

Si la fin d’année 2020 avait été marquée par ces images de files de poids lourds s’étirant parfois sur près de 50km, attendant de pouvoir monter sur un ferry en direction de l’Union européenne, l’année 2021 semble en revanche avoir commencé bien plus calmement.

«Le 20 décembre, la France a bloqué toute entrée en provenance du Royaume-Uni en raison de la nouvelle variante du Covid-19 qui avait été détectée au Royaume-Uni. Eurotunnel et les services de ferry vers la France ont été complètement suspendus. Les conséquences ont été graves: plus de 10.000 camions ont été bloqués au Royaume-Uni et les chaînes d’approvisionnement ont été interrompues pendant l’une des semaines les plus chargées de l’année. Certains de nos chauffeurs ne sont pas rentrés chez eux pour Noël et l’incapacité du gouvernement britannique à résorber rapidement l’arriéré a suscité des inquiétudes sur des problèmes similaires à partir du 1er janvier. Cependant, depuis que les files d’attente ont été résorbées le 28 décembre, nous n’avons pas connu de retards ou de perturbations et nos camions ont circulé sans encombre à l’entrée et à la sortie du Royaume-Uni au cours des premiers jours de janvier», rapporte Jason Breakwell, nuançant toutefois: «Je suis conscient que tous les transporteurs n’ont pas eu que des expériences positives au cours des premiers jours de 2021.»

Plus complexe qu’avant

Concrètement, tous les transporteurs s’accordent sur le fait que le mode opératoire est bien plus complexe depuis le 1er janvier. Trois à six nouvelles procédures ont été mises en place, selon la nature et l’origine des marchandises, mais également l’itinéraire, pour les mouvements à destination du Royaume-Uni. «Ces procédures doivent être appliquées 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, car les camions partent tous les jours de l’année, 24 heures sur 24», précise-t-on chez Wallenborn.

Dans l’autre sens, une «déclaration sommaire d’entrée» est obligatoire pour tous les avions, camions et navires arrivant dans l’UE en provenance d’un «pays tiers», or le Royaume-Uni l’est devenu depuis le 1er janvier dernier. Cette déclaration «implique le partage électronique des détails de l’envoi avec les agences douanières du ‘pays d’entrée’ dans l’UE. Par exemple, si nos camions vont de Londres à Luxembourg via Eurotunnel, la déclaration doit être faite à la douane française au moins deux heures avant l’arrivée des camions à la frontière française», résume Jason Breakwell. Ce qui pose problème et oblige à un certain degré de réactivité, de nombreux camions partant de Londres arrivant à la frontière en moins de deux heures.

Des évaluations similaires seront introduites par le Royaume-Uni le 1er juillet prochain pour tous les mouvements en provenance des États membres de l’UE.

«Des frictions inévitables»

Reste désormais à voir comment la suite de l’année se déroulera. En effet, avec des chaînes d’approvisionnement tournant au ralenti, le nombre de poids lourds avait baissé dans les ports et autres terminaux du tunnel sous la Manche. Mais l’afflux devrait se densifier dans les semaines à venir, rendant possibles de nouveaux blocages aux points de contrôles, rapportent plusieurs transporteurs.

«Le Royaume-Uni met en place des procédures visant à détourner les contrôles à l’entrée du territoire et à réduire le nombre de camions en partance qui arrivent dans des ports encombrés avec des documents incorrects ou incomplets. Ces mesures d’atténuation seront utiles, mais il est clair que de nombreuses personnes et organisations ne sont pas pleinement conscientes des conséquences du départ du Royaume-Uni de l’union douanière et que des frictions seront inévitables au cours des neuf premiers mois de cette année», estime, en conclusion, le directeur commercial de Wallenborn.