Si proches et pourtant si éloignés. Les jours sont comptés avant que la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, qui doit intervenir au 1er janvier prochain, ne soit officialisée. Pourtant, beaucoup de points restent en suspens. Entre les allers-retours à répétition des négociateurs entre Londres et Bruxelles, les petites phrases dans la presse et – comme n’a cessé de le répéter le négociateur en charge du Brexit pour le compte de l’UE, Michel Barnier – l’heure qui tourne, difficile d’y voir clair.
Décryptage avec l’eurodéputé luxembourgeois (CSV-PPE), également rapporteur de la Commission du commerce international pour l’accord commercial du Brexit.
Le groupe de coordination britannique du Parlement s’est réuni en début de semaine avec Michel Barnier, les coups de téléphone se sont multipliés entre Londres et Bruxelles, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a partagé un repas avec le Premier ministre britannique, Boris Johnson, et pourtant, rien ne semble avancer. Concrètement, où en est le Brexit?
Christophe Hansen. – «Pour résumer simplement, nous n’avons pas encore d’accord, les discussions sont toujours en cours. Et même si nous avions cet accord, rien ne permet d’assurer à 100% que nous aurons le temps nécessaire pour le finaliser dans les délais.
La pêche, la gouvernance et la concurrence sont les trois pierres d’achoppement qui subsistent. Lequel de ces dossiers reste le plus délicat?
«Les plus critiques sont la pêche et la concurrence. Les positions sont très éloignées pour le moment. Concernant la concurrence, il y a une architecture commune qui devrait se dégager. Néanmoins, nous n’avons pas de détails pour les aides d’État concrètes, dans des domaines tels que l’énergie ou le transport. Il y a encore du pain sur la planche.
Pour la pêche, il ne s’agit pas du secteur économique le plus important quand on regarde la balance commerciale, mais ce secteur est très sensible pour beaucoup, comme en France ou en Belgique. Au-delà du symbole pour Londres, s’il n’y a pas d’accord, les communautés seront très impactées. La solution est donc de faire des concessions.
Le week-end des 5 et 6 décembre apparaissait comme , qui tablaient sur un délai de 25 jours pour achever la procédure. Un bonus d’une semaine a été accordé aux négociateurs. Est-ce déjà trop tard pour un accord avant la nouvelle année?
«Le souci se situe surtout au niveau du Conseil, qui doit préparer la saisine officielle du Parlement européen. D’habitude, les juristes sont dispatchés sur plusieurs dossiers, mais là, tous les juristes-linguistes se consacrent au Brexit. Le Parlement avait été informé qu’il était possible de faire cela en 25 jours, entre la relecture juridique et la traduction dans toutes les langues. C’est sur cela que nous avions axé notre agenda.
Nous avons été très clairs: nous voulons absolument un accord, mais pas à n’importe quel prix.
Sauf que le délai devrait être bien plus court…
«En effet. Mais certaines options pourraient permettre de gagner du temps, comme le fait de ne travailler que dans une seule langue, l’anglais. Ceci avait été proposé, mais certains pays, comme la France, s’y étaient opposés. Le Conseil devra peut-être reconsidérer cette position. Tous les juristes qui travaillent à Bruxelles ont la capacité de le faire en anglais. C’est dans l’intérêt commun. Il y aura déjà des soucis en fin d’année, des barrières, nous n’avons pas besoin de plus de disruption.
La précipitation due au timing serré ne risque-t-elle pas de déboucher sur un accord bâclé, où l’Union européenne finit par accorder bien plus qu’elle ne le souhaitait?
«Nous avons toute une procédure en place. Nous nous attendons à un texte de 800 pages, mais nous avons été très clairs: nous voulons absolument un accord, mais pas à n’importe quel prix. Il y a des ‘si’, comme la révision de certains aspects en matière de retrait, de lois sur le marché intérieur britannique. Certains passages étaient en infraction avec le droit international. Il s’agit d’une ligne rouge pour le Parlement. Les commissaires compétents se sont rencontrés pour aborder le sujet, ça donne une certaine assurance, mais il ne faut pas être trop enthousiaste pour autant.
Il y a une volonté de Boris Johnson d’aller jusqu’au bout, de faire pression sur la pêche, de faire peser des menaces en termes d’accès aux marchés.
N’aurait-il pas fallu prolonger à nouveau la phase de transition?
«J’étais en faveur d’une prolongation. Pour les accords de libre-échange, nous avons besoin de plusieurs années et nous aurions dû réussir la sortie du Royaume-Uni en 11 mois. Nous aurions pu éviter la procédure ‘tariff line by tariff line’, qui prend du temps. Mais en réalité, même si nous avions prolongé le délai, nous aurions été dans la même situation. Il y a une volonté de Boris Johnson d’aller jusqu’au bout, de faire pression sur la pêche, de faire peser des menaces en termes d’accès aux marchés. Décembre 2020 était de toute façon la date butoir pour Londres, qui ne veut plus participer au budget pluriannuel. Or, une prolongation aurait à nouveau engagé le Royaume-Uni sur 2021.
Les membres du Parlement se préparent donc à passer les fêtes de fin d’année dans le quartier européen de la capitale belge?
«Il y aura, quoi qu’il arrive, une plénière d’urgence à la fin du mois. La date dépendra de l’obtention – ou non – d’un accord. Soit il faudra faire passer l’accord, soit il faudra préparer les mesures d’urgence, comme celles que la Commission a proposées ce jeudi 10 décembre sur les transports routiers et aériens, la pêche, la sécurité. L’Union se prépare à toute éventualité.
Tantôt ferme, tantôt résiliente, l’Union européenne peut-elle ressortir grandie du Brexit?
«Renforcée, difficile à dire, mais une chose est certaine, l’Union européenne a été très forte sur le Brexit. Les pays membres sont très divisés sur certains sujets, comme les relations avec la Chine, par exemple, mais concernant le Royaume-Uni, nous avons été unis, solidaires, nous n’avons parlé que d’une seule voix. Y compris au sein du Parlement européen, à l’exception de quelques représentants nationalistes, tout a été unanime.»