Une levée des brevets permettrait un transfert de technologie non seulement sur les vaccins, mais aussi sur les respirateurs ou les tests. (Photo: SIP/Jean-Christophe Verhaegen)

Une levée des brevets permettrait un transfert de technologie non seulement sur les vaccins, mais aussi sur les respirateurs ou les tests. (Photo: SIP/Jean-Christophe Verhaegen)

Deux motions concernant les brevets des vaccins seront soumises au vote mercredi en séance plénière. L’une, proposée par déi Lénk, réclame la levée des brevets. L’autre, soutenue par la majorité, décide que le gouvernement soutiendra… ce que décidera de soutenir l’UE.

Concernant la question de la levée des brevets des vaccins, le Luxembourg devrait soutenir… ce que soutiendra l’Union européenne. Licence volontaire, obligatoire, voire même levée des brevets? Tout sera envisageable pour le Luxembourg tant que l’UE trouve une position commune convenant aux pays membres.

C’est en tout cas ce que devrait décider la Chambre mercredi après-midi, après un premier report du vote, qui devait avoir lieu vendredi dernier. Au programme, deux motions sur cette question, une proposée à la mi-mars par le député (Piratepartei) et une autre le 22 avril par déi Lénk.

Les négociations autour de la motion de Sven Clement, (via cette option, un pays a théoriquement le droit, pour des raisons de santé publique, de demander à l’organisation mondiale du commerce [OMC] d’obtenir une licence afin de produire le vaccin), ont finalement abouti. Et celle-ci bénéficie désormais du soutien de la majorité.

Version consensuelle

Les négociations ont toutefois abouti à une version plus «consensuelle»: «La majorité a besoin d’une position nuancée», explique Sven Clement. «Mais elle reprend la majorité de ma motion initiale», se réjouit-il.

En quoi consiste-t-elle désormais? Dans le texte, elle vise «à soutenir toute position de l’Union européenne à prendre au sein de l’OMC» qui «viserait à accélérer la mise à disposition de vaccins dans les pays en développement», «en facilitant le transfert de technologie et de savoir-faire dans le cadre de règles multilatérales», voire même en levant «temporairement les brevets sur les vaccins Covid-19». En bref, le Luxembourg soutiendra ce que décidera de soutenir l’UE devant l’OMC.

Transfert de technologie

Cette motion, si elle est consensuelle, ne convainc en tout cas pas tout le monde à la Chambre. «Cette motion de la coalition, selon laquelle le gouvernement veut soutenir toutes les initiatives de l’UE, c’est une déclaration d’intention», juge ainsi le député (déi Lénk).

Déi Lénk va, de son côté, soumettre au vote une deuxième motion mercredi, qui soutient quant à elle une proposition plus radicale: la levée temporaire des brevets. «C’est fondamental: si on lève les brevets, cela peut réellement changer les choses», assure David Wagner.

Cela permettrait en effet un transfert de technologie, non seulement sur les vaccins, mais aussi sur les respirateurs ou les tests, et par conséquent une augmentation des capacités de production de ces outils essentiels à la lutte contre le Covid-19, explique le député.

120 pays demandeurs

Pour rappel, une telle levée des brevets avait été réclamée dès octobre 2020 par l’Inde et l’Afrique du Sud, qui proposaient d’accorder une dérogation temporaire à certaines obligations découlant de l’accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) afin que n’importe quel pays puisse produire les vaccins sans se soucier des brevets. Une initiative soutenue par le directeur général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), Tedros Adhanom Ghebreyesus. Et par 120 pays à travers le monde.

Un document communiqué à l’OMC par les pays demandeurs rappelle de manière pratique les enjeux: en mars 2020, dans la région de la Lombardie en Italie – l’une des zones les plus durement touchées par la première vague –, deux ingénieurs locaux ont proposé d’imprimer en 3D des valves respiratoires pour un hôpital qui en manquait. Ce qui n’a pas pu avoir lieu, le fabricant d’origine des valves menaçant de poursuites… Au détriment des soins d’urgence à apporter aux patients.

La capacité de production en doute

, aussi en charge de la «task force vaccins», a rappelé qu’en cas de transfert de technologie grâce à la levée des brevets, il faudrait de 12 à 18 mois pour ne serait-ce que commencer la production de vaccins. «Nous allons accroître la fabrication des vaccins et, au second semestre, nous devrions avoir entre 800 millions et un milliard de doses fabriquées», explique-t-il. «Donc j’espère que l’année prochaine, nous pourrons nous poser la question des brevets. Mais ce n’est pas le sujet dans l’immédiat, il faut se focaliser sur la production.»

Un argument similaire à celui qu’apportait le ministre de la Coopération, (LSAP), qui considérait que la levée des brevets ne résoudrait pas le réel problème, à savoir le manque d’infrastructures pour produire et distribuer des vaccins.

Un choix politique

«C’est faux!», s’insurge David Wagner. «Des pays comme l’Inde ou l’Afrique du Sud ont la capacité de production! Mais les États-Unis et l’UE, qui sont parmi les seuls à bloquer le projet, sont à bout d’arguments. Car c’est un choix politique de protéger les sociétés du ‘big pharma’. Ce qu’ils ne comprennent pas, c’est qu’il s’agit d’une pandémie mondiale et que malgré leurs grands discours, la levée des brevets serait non seulement bonne pour les pays pauvres, mais aussi pour les pays riches!»

Les deux motions seront donc discutées mercredi en séance plénière, mais celle de la coalition bénéficiera bien sûr des voix de la majorité. Sven Clement espère une adoption de cette motion à l’unanimité. Il s’agira ensuite d’attendre une position commune de l’UE, que celle-ci devra par la suite défendre devant l’OMC.

Au sein de l’OMC, le conseil des ADPIC a annoncé, après une réunion le 30 avril dernier, continuer d’examiner la proposition d’octobre 2020 de levée temporaire des brevets. Avec en ligne de mire une proposition révisée au courant du mois de mai.