Les autoroutes italiennes — ici, l’autostrada dei Fiori depuis les hauteurs de Gênes en direction de Ventimiglia — ont mis la Place dans la bonne direction vers le succès. (Photo: Shutterstock)

Les autoroutes italiennes — ici, l’autostrada dei Fiori depuis les hauteurs de Gênes en direction de Ventimiglia — ont mis la Place dans la bonne direction vers le succès. (Photo: Shutterstock)

Cet été, Paperjam vous plonge dans les coulisses de sujets qui ont fait l’actualité et l’histoire de la Place en leur temps. Aujourd’hui, retour sur les euromarchés qui marquent le coup d’envoi de l’internationalisation de la Place et son entrée dans l’ère moderne.

Après 1945, les grands pays industriels — États-Unis en tête — décident d’encadrer strictement les activités bancaires. Mais avec le boom économique des années 50, de nombreux emprunteurs cherchent les voies pour contourner les rigidités réglementaires nationales.

À l’origine sont les eurodollars, des dollars détenus en dehors du territoire américain. Dans les années 1950, les dépôts en monnaie américaine s’accumulent dans les banques européennes, pour des raisons diverses. Les Soviétiques, par exemple, transfèrent leurs avoirs en billets verts sur le Vieux Continent, de peur de les voir un jour bloqués aux États-Unis.

Et c’est à la City que nait l’idée d’utiliser ces fonds qui échappent au contrôle des États pour des opérations prêts à l’échelle internationale. Le marché des eurodollars est né et va prospérer avec le retour à la convertibilité externe des monnaies européennes, fin 1958. Le marché des euro-obligations nait en 1963 avec l’émission d’un emprunt obligataire en eurodollars pour compte d’Autostrade, un concessionnaire d’autoroutes en Italie. Les euro-obligations sont au final des obligations en fait apatrides qui circulent librement en Europe.

La récolte des investissements de 1929

La BIL est partie prenante de cette opération, et la Place profite — enfin — des innovations de 1929 et permet aux financiers de contourner les règles nationales contraignantes, comme, par exemple, l’Interest Equalization Tax. Introduite aux États-Unis, en 1963 — l’année du millénaire de la fondation du pays —, cette réglementation veut freiner l’exportation de capitaux américains et augmente le coût des émissions étrangères aux États-Unis. Ce qui rend les euro-obligations d’autant plus profitables… Le fait que Pierre Werner, alors Premier ministre, ait commencé sa carrière dans les banques a été un plus. Il connaissait l’importance d’attirer des banques au Luxembourg et savait aussi comment leur parler.

Les euromarchés explosent dans les années 60 et favorisent l’ascension de la Place. Des perspectives nouvelles s’ouvrent aux banques luxembourgeoises qui, traditionnellement tournées vers l’économie domestique, vont se muer en banques d’affaires d’envergure internationale. Et de nouveaux acteurs internationaux affluent. Entre 1967 et 1979, le nombre d’établissements financiers installés à Luxembourg passe de 26 à 100. La création, en 1965, de la holding de financement, à travers laquelle des groupes internationaux peuvent lever des emprunts obligataires et mettre le produit à la disposition de leurs sociétés, n’est pas étrangère à cet afflux.

La fin du système de Bretton Woods et la fin du système des changes fixes ainsi que l’afflux des pétrodollars dus aux chocs pétroliers du début des années 70 provoquent une explosion des eurocrédits, des prêts accordés par des banques commerciales en priorité aux pays émergents. En 1980, les eurocrédits représentent le plus gros des prêts bancaires. Comme pour les eurodevises et les euro-obligations, la Place joue un rôle éminent dans la syndication et la cotation des eurocrédits.

La crise de la dette fera exploser ce marché et obligera la Place à se réinventer.