En 2009, seulement 7% des masses d’eau de surface du Luxembourg étaient dans un bon état écologique. En 2015, aucune amélioration n’était en vue, cette part étant même descendue à 2%… Elle ne dépasserait actuellement pas les 4%. (Illustration: Maison Moderne)

En 2009, seulement 7% des masses d’eau de surface du Luxembourg étaient dans un bon état écologique. En 2015, aucune amélioration n’était en vue, cette part étant même descendue à 2%… Elle ne dépasserait actuellement pas les 4%. (Illustration: Maison Moderne)

Le Luxembourg n’atteindra pas l’objectif européen de «bon état de toutes les masses d’eau» en 2027. Le pays ne ménage pourtant pas ses efforts. Mais un milliard d’euros investis et la multiplication des stations d’épuration ne suffisent pas à compenser une pollution toujours plus importante.

L’objectif d’un «bon état de toutes les masses d’eau en 2027» que requiert l’Union européenne restera un vœu pieux pour le Luxembourg. «Nous faisons tout pour nous en rapprocher, mais il est clair qu’il sera impossible d’obtenir un bon état partout en 2027», admet le directeur adjoint de l’Administration de la gestion de l’eau, Luc Zwank, alors que le troisième plan national de gestion de l’eau pour la période 2021-2027 sera élaboré dans le courant de l’année.

Déjà condamné en 2013 par la Commission européenne pour ses manquements dans la mise en œuvre de la directive européenne relative au traitement des eaux urbaines résiduaires, le Luxembourg part de loin: en 2009, seulement 7% des masses d’eau de surface du pays étaient dans un bon état écologique. En 2015, aucune amélioration n’était en vue, cette part étant même descendue à 2%… Elle ne dépasserait actuellement pas les 4%.

Amélioration de la situation

Pourtant, selon le dernier examen environnemental du Luxembourg effectué par l’OCDE, la situation semble s’être – relativement – améliorée. Le pays a ainsi «rattrapé le retard qu’il avait pris dans l’assainissement des eaux usées»: si elle reste «en deçà des résultats obtenus dans d’autres pays», «la qualité des eaux de surface s’est améliorée», remarque l’organisation.

Et désormais, «tous les résidents sont raccordés à une station d’épuration», remarque l’OCDE, parmi lesquels «77% bénéficient d’un traitement avancé de leurs eaux usées». La conséquence «d’importants investissements […] réalisés depuis 2014».

De fait, le Luxembourg n’a pas lésiné sur ce point: plus d’un milliard d’euros a été investi pour la gestion des eaux usées urbaines sur la période 2013-2027. Par conséquent, les stations d’épuration croissent à un rythme soutenu.

117 stations biologiques

Le Luxembourg compte actuellement 82 stations mécaniques – qui éliminent les matières en suspension en les filtrant – et 117 stations biologiques – qui, en plus du filtrage, réalisent une deuxième étape qui permet, via des bactéries, d’effectuer une dégradation des matières organiques. Voire une troisième étape, pour les plus grandes stations, qui vise à éliminer les nutriments comme le phosphore et l’azote.

À noter que les stations biologiques traitent, avec 92 millions de mètres cubes par an, la très grande majorité des eaux usées. Pour comparaison, 1,1 million d’équivalents-habitant sont connectés à des stations biologiques, contre seulement 12.000 équivalents-habitant à des stations mécaniques.

Et cela ne devrait pas s’arrêter là: le programme national de gestion de l’eau prévoit de remplacer les stations mécaniques, qui ont plus de 30 ans, et dont les rejets sont très chargés en nutriments. En outre, il envisage de moderniser et d’agrandir une cinquantaine de stations biologiques existantes et d’en créer 37 nouvelles. Sans compter la volonté de commencer à équiper 13 stations, d’ici 2023, d’une quatrième étape de traitement, visant à diminuer, voire à éliminer, la charge de micropolluants.

Alléger la pression

Pour alléger la pression sur les stations d’épuration, la séparation des réseaux d’eaux pluviales et d’eaux usées doit aussi être systématisée. «Dans beaucoup d’endroits, le système d’évacuation étant mixte, les stations reçoivent beaucoup d’eau qui n’a pas besoin d’être traitée en temps de pluie, et les capacités de traitement ne sont donc pas optimisées», explique Luc Zwank. Beaucoup de travail reste à faire sur ce point, mais les nouveaux PAP prévoient une telle séparation.

Les stations d’épuration, qui traitent les eaux usées urbaines, ne sont pas l’unique source de ces nutriments qui surchargent les rivières. Les pratiques agricoles, avec leurs émissions diffuses, le sont aussi. Le plan de gestion prévoit donc aussi des mesures au niveau agricole.

Et les critères hydromorphologiques des rivières – à savoir s’il y a des berges naturelles ou des barrages, par exemple – sont aussi pris en compte pour évaluer la qualité de l’eau. La renaturation des rivières est ainsi prévue, afin que celles-ci retrouvent leur cours naturel et leur capacité d’auto-épuration.

La croissance en cause

Mais pourquoi, malgré tous ces efforts, la situation ne s’améliore-t-elle pas? La croissance démographique et économique, conséquente au Luxembourg, est en cause. «La problématique est similaire dans tous les pays densément peuplés qui ont une activité économique importante, comme dans certaines régions d’Allemagne ou aux Pays-Bas», remarque Luc Zwank.

En outre, la petite taille du pays a pour conséquence l’absence de régions peu peuplées, où les masses d’eau seraient peu impactées. Ce qui est aggravé par la situation géographique: situés entre les bassins du Rhin et de la Meuse, les ruisseaux du pays sont petits. «Il y a beaucoup d’activité, et les zones réceptrices sont très petites, donc la fraction d’eau rejetée est plus grande», précise Luc Zwank.

Surtout, le temps joue contre le pays. «Beaucoup de mesures sont à prendre et à réaliser, et cela va prendre du temps», constate Luc Zwank. Du temps pour le mettre en œuvre, puis du temps pour que les effets se fassent ressentir.

Sanction à la clé?

«Il va sans dire qu’un non-respect des délais imposés par les deux directives dans le domaine de l’eau et de l’assainissement risquerait d’engendrer, le cas échéant, une procédure d’infraction pour le Luxembourg», constate avec amertume la ministre de l’Environnement, (déi Gréng), dans une réponse à une question parlementaire publiée le 4 janvier 2021.

Avec à nouveau des sanctions à la clé? «Beaucoup d’autres pays sont dans la même situation», constate Luc Zwank. «La directive-cadre ne prévoit pas de report après 2027, mais cela va continuer même si ce n’est pas clairement fixé. Nous gardons notre ambition d’achever le plus possible. Et nous allons thématiser notre plan et communiquer là-dessus ouvertement.»

Le deuxième plan national de gestion de l’eau, après un premier pour la période 2009-2015, arrive à échéance en 2021. Le troisième, qui s’étendra jusqu’en 2027, sera publié sous forme de projet, puis soumis au public, avec des discussions avec les parties prenantes au cours de l’année 2021.

Cet article est issu de la newsletter Paperjam Green, le rendez-vous mensuel pour suivre l’actualité verte au Luxembourg.