Olivier Goemans, head of investment services and innovation à la Bil. (Photo: Maison Moderne)

Olivier Goemans, head of investment services and innovation à la Bil. (Photo: Maison Moderne)

On se souviendra de ces 15 derniers jours comme du marché baissier le plus rapide de l’histoire. Lundi 9 mars, les marchés se sont retrouvés pris en étau entre une crise sanitaire mondiale et un krach pétrolier.

Récapitulatif

La course à la vente a débuté en Asie avant de gagner l’Occident. Elle a précipité les indices européens dans le rouge avant d’atteindre les États-Unis. Les investisseurs ont cherché à se couvrir avec les valeurs refuges traditionnelles, propulsant l’or à son plus haut niveau depuis sept ans et précipitant le rendement des bons du Trésor américain sous 1% pour l’ensemble des échéances. Mardi, le calme semblait revenu sur les marchés grâce aux plans de relance annoncés par les gouvernements et à l’espoir d’une intervention des banques centrales.

L’Arabie saoudite a proposé que tous les pays de l’OPEP+ réduisent leur production compte tenu du fléchissement de la demande. En effet, l’épidémie continue de perturber les déplacements, d’entraîner des fermetures d’usines et oblige les gouvernements à mettre leurs administrés en quarantaine. Malgré une demande de pétrole atone, les négociations entre les membres du cartel ont échoué. La Russie a refusé de s’aligner sur l’Arabie saoudite, qui a réagi violemment en décidant d’ouvrir grand les vannes.

Alors que l’Arabie saoudite pousse le cours du pétrole sous le prix de revient, de nombreux producteurs voient leur modèle économique remis en cause, ce qui compromet leur capacité à équilibrer leurs finances publiques.
Olivier Goemans

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Cette volte-face stratégique a fait dévisser le cours du pétrole d’environ 30% (depuis lors, le baril a regagné environ un tiers du terrain perdu), alimentant ainsi la crainte de dommages collatéraux sur les marchés du crédit, les marchés des changes et l’économie réelle.

Alors que l’Arabie saoudite pousse le cours du pétrole sous le prix de revient, de nombreux producteurs voient leur modèle économique remis en cause, ce qui compromet leur capacité à équilibrer leurs finances publiques (c’est le cas de la Russie,) ou à assurer le service de leur dette (industrie du pétrole de schiste aux États-Unis).

Les investisseurs ont réévalué le risque de défaut ou de révision à la baisse de la note de certains émetteurs, le risque de fuite des capitaux et celui d’une augmentation des créances douteuses. Tel un cygne noir, le coronavirus a soudainement cristallisé toute une série de peurs, les investisseurs redoutant un effet domino.

La liquidité s’assèche sur les marchés du crédit

En injectant des quantités de liquidités sans précédent et en achetant des obligations, les banques centrales ont involontairement poussé les investisseurs vers des segments plus risqués du marché obligataire pour étancher leur soif de rendement. Maintenant que les tensions s’accentuent, ces investisseurs constatent que la liquidité s’est asséchée et qu’il leur est impossible de liquider leurs positions sans essuyer des pertes.

Une crise de liquidité, ou une dislocation des marchés, est probablement la principale crainte des investisseurs, qui explique en partie l’effondrement des marchés lundi dernier. Le marché ne parviendra pas à absorber la pression vendeuse générale sur les actifs risqués, en particulier le crédit. C’est probablement la raison pour laquelle le président de la Fed de Boston Eric Rosengren a estimé que la Fed devait élargir le champ des actifs qu’elle est autorisée à acheter sur les marchés. Cela soutiendrait les actifs plus risqués. Il n’est pas encore acquis que la Fed s’engagera dans cette voie, mais elle a déjà intensifié ses opérations repo («sale and repurchase agreement») au jour le jour.

La BCE devrait annoncer ce jeudi un nouveau cycle d’opérations de refinancement ciblées à plus long terme (TLTRO) visant à encourager le crédit bancaire aux petites et moyennes entreprises.
Olivier Goemans

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Dans le même temps, le président Trump a évoqué un plan de relance «de grande ampleur», qui pourrait prévoir un allègement des charges sociales, ainsi que des mesures en faveur des travailleurs rémunérés à l’heure. L’Italie a également indiqué qu’elle augmenterait l’enveloppe allouée à son plan de relance et suspendrait le remboursement des mensualités de crédit hypothécaire.

Le Japon a pris un train de mesures financières supplémentaires évalué à 4,1 milliards de dollars tandis que la Banque du Japon a augmenté ses achats de parts d’ETF. La BCE devrait annoncer ce jeudi un nouveau cycle d’opérations de refinancement ciblées à plus long terme (TLTRO) visant à encourager le crédit bancaire aux petites et moyennes entreprises.

Ces efforts ont permis d’enrayer la chute des actifs risqués mardi, mais le moral des investisseurs est toujours fragile et devrait le rester. Le meilleur antidote à la panique des marchés consiste à faire preuve de calme et de discipline. La patience est une vertu qui reste de mise.