«Nous avons souligné l’importance du dossier auprès du gouvernement», a dit le directeur financier d’ArcelorMittal, Aditya Mittal, lors d’une conférence téléphonique pour les résultats semestriels du groupe. Avant de revenir à plus de prudence. (Photo: Edouard Olszewski / Maison Moderne / Archives)

«Nous avons souligné l’importance du dossier auprès du gouvernement», a dit le directeur financier d’ArcelorMittal, Aditya Mittal, lors d’une conférence téléphonique pour les résultats semestriels du groupe. Avant de revenir à plus de prudence. (Photo: Edouard Olszewski / Maison Moderne / Archives)

ArcelorMittal est-il si près d’abandonner son nouveau site italien que certains médias semblent le dire? Non, un nouveau décret publié la semaine dernière lui garantit une sécurité juridique. Le Parlement italien a 60 jours pour l’adopter. Sinon, le sidérurgiste partira.

Une seule chose est sûre: quelle que soit l’issue de la discussion entre le gouvernement italien et la direction d’ArcelorMittal au sujet de l’immunité pénale et administrative sur le site d’Ilva, Dudelange ne reviendra pas dans le giron de l’aciériste. Début août, lors de la présentation des résultats semestriels, 700 millions d’euros témoignent des ventes définitives des sites européens sur injonction de la Commission européenne.

Pour le reste, tout est ouvert. 

L’histoire se déroule en trois étapes. Un premier décret-loi, fin juin, supprime les garanties obtenues par ArcelorMittal en 2017 visant à lui éviter des poursuites judiciaires, pénales ou administratives, consécutives à la gestion calamiteuse du site de 2002 à .

Le 1er août, à l’occasion d’une conférence téléphonique sur les résultats du groupe au premier semestre, le directeur financier du groupe, , dit être confiant sur le fait que le gouvernement italien adoptera les mesures qui s’imposent pour permettre la poursuite du redressement de ce site, qui emploie 12.000 personnes dans une région où un actif sur quatre est au chômage.

Sauf que le gouvernement italien est en train d’exploser et le chef du Mouvement 5 étoiles, Luigi Di Maio, rejette toute discussion sur le retour de l’immunité pour ArcelorMittal dans deux tweets.

Un nouveau décret-loi est pourtant redéposé au Parlement italien, qui ne modifie qu’à la marge les conditions obtenues par ArcelorMittal. Ce texte doit être adopté dans les 60 jours.

Sans quoi le groupe a déjà prévenu, le 26 juin, qu’il ne lui sera pas possible d’exploiter l’usine sans les garanties qui sont en place pour l’instant jusqu’au 6 septembre.

1,7 milliard plus 2,4 milliards d’investissements

Quand elle achète l’usine d’Ilva, en juin 2017, pour 1,7 milliard d’euros, plus 2,4 milliards d’euros d’investissements sur cinq ans, ArcelorMittal sait que de nombreuses plaintes sont devant la justice italienne: corruption, détérioration de l’environnement, décès et maladies de la population, défauts de fabrication (11 millions de tonnes ont dû être jetées, les deux tiers d’une production annuelle).

Rien qu’une éventuelle indemnisation des victimes et malades pourrait être une bombe à retardement. La France vient d’être condamnée à deux reprises cet été dans des affaires de pollution de l’air... sans que les tribunaux administratifs n’accèdent aux demandes d’indemnisation de trois personnes pour 343.000 euros.

Tirer une règle de trois, purement théorique, à 100.000 euros pour une personne malade et le double pour un décès, dans cette région d’Italie où le chômage touche une personne sur quatre, fait monter la facture à 3 milliards d’euros pour 11.500 morts et 7.500 malades.

Ce chiffre est d’autant plus théorique que le 24 janvier dernier, la Cour européenne des droits de l’Homme a condamné l’État italien pour ne pas avoir protégé la santé de ses citoyens pendant la période antérieure à l’arrivée d’ArcelorMittal.

ArcelorMittal oppose un «no comment» à cette thématique, mais ne nie pas être prêt à abandonner le site italien où il a déjà réalisé des investissements importants.

En début d’année avaient été présentés la ventilation des 1,2 milliard d’investissements et l’agenda des travaux.

Au milieu des 69 projets gérés en même temps, la couverture de l’usine, une toiture révolutionnaire de 480 mètres de long, de 250 mètres de large et de 80 mètres de haut, valait 350 millions d’euros. Cette première et plus grande structure mondiale, 20.000 tonnes d’acier, devait être terminée pour la fin de l’année. Plus de la moitié de ce toit est déjà terminée.

La rénovation d’une cokerie pour 250 millions d’euros est en cours, comme la mise en place d’un filtre dans l’usine de frittage pour 35 millions d’euros. Parmi les gros projets, seul le traitement des eaux usées et des eaux de pluie (160 millions d’euros) n’a pas encore commencé.

On imagine mal ArcelorMittal abandonner en plein milieu sans avoir la garantie de récupérer au moins une partie de l’argent investi sur ce site. D’autant que ses dirigeants l’assuraient au début de l’année: le site est d’une importance stratégique pour le groupe. L’Italie est le deuxième marché européen d’ArcelorMittal en Europe derrière l’Allemagne.