Si la transformation digitale est essentielle, «encore faut-il faire les bons choix, comprendre quelles orientations feront la différence pour répondre aux nouvelles attentes des clients, et ne pas perdre de vue les tendances de fond qui animent le secteur»,  analysent Vincent Gouverneur et Nick Tabone. (Photo: Deloitte Luxembourg)

Si la transformation digitale est essentielle, «encore faut-il faire les bons choix, comprendre quelles orientations feront la différence pour répondre aux nouvelles attentes des clients, et ne pas perdre de vue les tendances de fond qui animent le secteur»,  analysent Vincent Gouverneur et Nick Tabone. (Photo: Deloitte Luxembourg)

Quels seront, en 2021, les principaux enjeux des suites de la crise pour la place financière? Sur invitation de Paperjam, plusieurs experts répondent à cette question. Selon Nick Tabone, partner et private equity leader, et Vincent Gouverneur, partner et financial services leader, Deloitte Luxembourg, un des défis de la Place sera d’attirer les meilleurs talents, mais aussi les nouveaux profils.

La place financière luxembourgeoise est un moteur de l’économie du pays. Afin de préserver sa compétitivité et son attractivité, elle a su avec intelligence et agilité se réinventer au fil des crises, des années, mais aussi des opportunités qui se présentaient.

La crise que nous traversons, bien que ne trouvant pas son origine dans des considérations d’ordre économique ou financier, n’est pas différente, dans le sens où elle contraint les acteurs du monde financier à se positionner sur les éléments qui leur permettront de perdurer et de croître dans le monde qui se dessine.

La technologie, la durabilité et les talents sont les trois piliers principaux sur lesquels la Place peut construire ses succès futurs. Il faut pour cela prendre pleinement conscience des bouleversements en cours et que la crise est venue brutalement accélérer.

La technologie comme révélateur et accélérateur

Que ce soit pour l’industrie des fonds ou pour le secteur bancaire et assurantiel, il est aujourd’hui évident que la transformation digitale est essentielle afin de rester pertinent. Encore faut-il faire les bons choix, comprendre quelles orientations feront la différence pour répondre aux nouvelles attentes des clients, et ne pas perdre de vue les tendances de fond qui animent le secteur.

Il s’agit, d’une part, de s’équiper des atouts technologiques permettant de délivrer des services de manière fluide, par le biais de processus automatisés, permettant une efficience accrue des processus de «front to back to front» et, d’autre part, d’œuvrer grâce aux nouveaux outils à une personnalisation croissante des services répondant tant à la sophistication croissante des investisseurs, qu’à leur appétit pour une information pointue et de qualité délivrée dans un horizon de temps toujours plus court. Et ce afin de leur permettre de prendre les bonnes décisions avant même qu’elles ne s’imposent.

La tendance à une consolidation croissante du secteur que nous observons, notamment à travers le rachat de structures innovantes par de grands acteurs de la Place, mais aussi le nombre croissant de fusions et acquisitions, permettant une mutualisation des avancées réalisées, sont l’un des effets directs de cette course technologique. Ceci est accentué encore davantage par l’arrivée de nouveaux acteurs bousculant le paysage financier traditionnel – fonds alternatifs, institutions de paiement, fintech ou encore la (future) finance décentralisée. Seuls ceux qui sont à même d’intégrer le coût de ces transformations tout en les intégrant pleinement à leurs processus opérationnels sortiront gagnants. Cependant, ces transformations ne peuvent, à elles seules, être les garantes des succès futurs. Elles agissent en tant qu’«enablers» aux côtés d’une véritable lame de fond, qui traverse le secteur financier au même titre que le reste de la société, à savoir l’impérieuse nécessité d’intégrer la dimension de durabilité dans l’ensemble des activités.

S’ancrer résolument dans une perspective ESG

Il est un signe qui ne trompe pas. Quand même les acteurs traditionnellement conservateurs se saisissent d’un sujet et décident de le mettre au cœur de leur stratégie pour le futur, nous sommes en face d’une tendance de fond. La dimension ESG, qui a pu, par le passé, être un produit d’appel et d’image, est aujourd’hui en haut de l’agenda des acteurs de la Place, institutionnels comme privés. Tous sont aujourd’hui convaincus, au même titre que leurs clients, que cette dimension n’est plus une niche, mais doit au contraire irriguer l’ensemble du système.

La place financière luxembourgeoise jouit, à ce titre, d’atouts qui pourraient lui permettre d’être un «smart leader» sur ces sujets et renforcer encore davantage l’attractivité et l’éminence de ses acteurs. Par le biais d’une combinaison intelligente entre volonté politique, agilité dans les décisions, «incentives» attractifs et puissance des acteurs financiers, au premier rang desquels figurent les fonds, la Place peut agir en véritable moteur bardé d’atouts pour dessiner la finance durable de demain. L’enjeu étant in fine de réconcilier, de manière graduelle et raisonnée, des enjeux économiques de court terme avec une vision partagée à long terme.

Attirer les talents de demain

Pour mener à bien ces transformations, les talents sont un aspect fondamental. La crise et les bouleversements qu’elle amène avec elle sur les modes de travail ouvrent de nouvelles perspectives. Avec la digitalisation, le marché des talents devient véritablement global. La Place et ses acteurs ont, dans ce contexte, deux défis: continuer à attirer les meilleurs talents, y compris au plus haut niveau, mais aussi et peut-être surtout les nouveaux profils. Ceux qui innovent et dessinent la finance de demain et, au-delà, les modèles économiques et financiers sur lesquels se baseront nos sociétés à l’avenir. Pourrait-on imaginer des modes d’organisation dans lesquels ces talents contribueraient au développement et à l’éminence de la Place tout en travaillant depuis Shenzhen, Le Cap ou Palo Alto? La question mérite d’être posée en ce qu’elle appelle à redéfinir les bases mêmes de l’attractivité du pays pour les talents du monde entier.

La Place a su depuis longtemps tirer profit de sa capacité d’adaptation et mettre à profit les changements, en établissant un cadre propice et agile pour les accompagner. Cet esprit peut aujourd’hui à nouveau agir en locomotive avec laquelle tracer les succès futurs, qui feront de Luxembourg une Place de premier plan dans le monde financier de demain.