Pour Christophe Donay, chief strategist et head of asset allocation & macroeconomic research chez Pictet Wealth Management, même si le momentum est négatif, la croissance économique sera au rendez-vous. (Photo: Aline Kundig/Pictet Group)

Pour Christophe Donay, chief strategist et head of asset allocation & macroeconomic research chez Pictet Wealth Management, même si le momentum est négatif, la croissance économique sera au rendez-vous. (Photo: Aline Kundig/Pictet Group)

D’un point de vue macroéconomique, Christophe Donay s’attend, suite à une année 2021 «exceptionnelle et impressionnante», à une année 2022 placée sous le signe de la normalisation, qui concernera la croissance économique et l’inflation.

Quelles sont les perspectives économiques pour l’année 2022? Pour ce qui est de la croissance, si celle-ci est orientée à la baisse, «nous restions tout de même au-dessus de la croissance potentielle», note Christophe Donay, pour qui le retour à la normalité – comprendre une croissance réelle en ligne avec la croissance potentielle – se fera progressivement jusqu’au début du deuxième semestre 2023. Ce scénario d’«atterrissage en douceur» sera également celui de l’inflation. La baisse sera constante en 2022, et nous rentrerons dans les zones d’objectifs des banques centrales au milieu de l’année pour la zone euro, et au milieu de 2023 pour les États-Unis, estime-t-il.

«Si le momentum est négatif, la croissance économique sera là», insiste l’économiste.

L’Amérique, locomotive de la croissance

Cette croissance, Christophe Donay la voit portée par la consommation outre-Atlantique, où les ménages sont peu endettés, ont accumulé beaucoup d’épargne et où le marché du travail est dynamique. Avec une croissance estimée à 5,6%, les États-Unis reprennent à la Chine le rôle de locomotive économique mondiale.

Pour la Chine, la normalisation de la croissance a déjà eu lieu, et on retrouve actuellement la dynamique d’avant-pandémie, «voire légèrement en dessous». Et si de nombreuses inconnues demeurent suite aux différents tours de vis réglementaires du gouvernement chinois ces derniers mois et à la situation du marché immobilier, Christophe Donay pense que les autorités chinoises disposent de suffisamment de moyens d’action pour éviter une récession. Il voit la croissance chinoise osciller entre 4% et 5% pour 2022, un ralentissement prévisible, signe de l’arrivée à la maturité de l’économie chinoise.

En résumé, pour 2022, les fondamentaux économiques demeurent solides, avec la résorption progressive des goulets d’étranglement, un marché de l’emploi dynamique et des ménages peu endettés aux États-Unis, et des carnets de commandes bien garnis pour les entreprises, qui soutiennent l’investissement privé, ainsi que les profits.

Les risques sont de deux ordres, selon Christophe Donay.

Sanitaire, d’abord, «un risque non mesurable». Les analystes de la banque suisse estiment néanmoins que les vaccins, les nouveaux traitements antiviraux et les mesures simples de précaution devraient limiter les effets du Covid.

Plus mesurable est le risque inflationniste. L’inflation bat en ce moment des records, avec un 7% aux États-Unis. Une inflation cyclique pour Christophe Donay, et qui va se normaliser grâce à la disparition des goulets d’étranglement qui se sont manifestés au moment de la reprise et un retour à la normale dans le secteur logistique.

Pour que l’inflation, de cyclique, devienne structurelle, l’évolution des salaires est la clé. «C’est actuellement plus une question qui concerne les États-Unis que l’Europe», estime-t-il. Pour lui, la hausse des salaires sera contrôlée aux États-Unis.

Normalisation des politiques monétaires au petit trot

La question de l’inflation renvoie à celle de l’évolution des politiques des banques centrales. Christophe Donay table sur une normalisation des achats des grandes banques centrales. Une normalisation progressive. Elles vont acheter moins, mais elles achèteront toujours, et leurs bilans continueront à croître d’environ 1.000 milliards de dollars, contre 2.700 milliards de dollars en 2021.

Pour ce qui est des taux, il parie sur deux relèvements par la Fed de 25 points de base chaque fois afin de préserver la croissance et l’emploi. L’objectif de se maintenir au plus près de leur fourchette d’inflation restant subordonné. Quant à la BCE, il la voit encore attentiste cette année. Pour les mêmes raisons.

Tout cela devrait faire que les taux d’intérêt réels resteront négatifs.

Ceci posé, Pictet voit du potentiel sur les marchés en 2022. Un potentiel qui demandera «une gestion active». Car, si les perspectives macroéconomiques et les résultats des entreprises rassurent, les intentions de la Banque centrale en matière de normalisation des politiques inquiètent les marchés. Des inquiétudes qui réinvitent la volatilité dans le jeu boursier.

Les actions, toujours

La banque reste positive sur les actions, même si «les valorisations records observées dans de nombreuses classes d’actifs, le resserrement des politiques monétaires et le relâchement des politiques budgétaires, ainsi que la hausse de l’inflation, empêcheront les actions de gagner plus de 10% en 2022». La banque privilégie les valeurs cycliques, les valeurs financières, l’immobilier, les small caps américaines, qui semblent particulièrement bon marché, et l’Europe, plutôt en périphérie, et les actions liées à l’efficacité énergétique.

«Les obligations, quant à elles, entreront probablement dans un marché fondamentalement baissier l’année prochaine. Le relèvement des taux aux États-Unis l’été prochain poussera les rendements obligataires mondiaux à la hausse. Les rendements des titres à 10 ans auront néanmoins des difficultés à dépasser 2%.» Dans ce contexte, la banque conseille les obligations à duration courte et les titres asiatiques, notamment les obligations d’État chinoises.

Sur le marché des changes, le dollar devrait rester solide en grande partie grâce à la solidité relative de l’économie américaine et son rôle de monnaie de réserve dans un contexte inflationniste.

Enfin, le marché haussier des matières premières pourrait durer grâce à la forte demande liée à la reconstitution des stocks et à une décennie de sous-investissement dans les infrastructures, ainsi qu’à leurs qualités en matière de couverture contre l’inflation.