Frédéric Rollin: «Les gouvernements s’assurent de la solidité de la relance avec des plans massifs. Les banques centrales ne laisseront pas dériver les taux et interviendront si les conditions financières se resserrent exagérément.» (Photo: Archives Maison Moderne)

Frédéric Rollin: «Les gouvernements s’assurent de la solidité de la relance avec des plans massifs. Les banques centrales ne laisseront pas dériver les taux et interviendront si les conditions financières se resserrent exagérément.» (Photo: Archives Maison Moderne)

L’année 2021 commence follement. Joe Biden a obtenu contre toute attente la majorité au Sénat et le généreux programme démocrate sera voté. Des sommes pharaoniques seront de nouveau distribuées aux ménages, dont beaucoup ont déjà fortement épargné en 2020, confinement oblige.

Et s’il est clair que le chômage a augmenté, la plupart des ménages américains ont tout de même conservé leur emploi et se préparent à dépenser. La croissance de la consommation américaine devrait donc battre des records. Un des deux réacteurs principaux de la croissance mondiale est donc bien allumé.

Attachez vos ceintures, car l’autre réacteur, la croissance chinoise, est déjà chaud. La Chine est sortie de la pandémie pour l’essentiel et l’activité a retrouvé sa vitesse de croisière. Les exportations se portent particulièrement bien, notamment grâce à la force du pays dans l’électronique et les produits de santé, en forte demande aujourd’hui. La fermeture de nombreuses usines dans les autres régions du monde a par ailleurs largement aidé. La croissance mondiale sera donc explosive, de l’ordre de 6%, soit 9,5% de plus que l’année dernière! La hausse des bénéfices sera en conséquence massive et nous conservons notre optimisme concernant les marchés actions.

Bien sûr, tout n’est pas rose. Principale crainte de ce début d’année, l’inflation remonte, poussant les taux à la hausse. La menace est double. Le coût de financement augmente et pèse sur la relance. Et, avec des rendements obligataires plus élevés, les investisseurs trouvent enfin une alternative raisonnable aux actions. Nous ne pensons pas que ce phénomène soit suffisant pour inverser la tendance haussière des marchés.

À plus court terme, le rebond économique mondial sera par ailleurs consommateur de cartons et d’emballages.
Frédéric Rollin

Frédéric RollinPictet Asset Management

Les gouvernements s’assurent de la solidité de la relance avec des plans massifs. Les banques centrales ne laisseront pas dériver les taux et interviendront si les conditions financières se resserrent exagérément. Enfin, si nous prévoyons une hausse rapide de l’inflation en 2021, celle-ci devrait être temporaire, car générée par le prix de l’énergie et les goulots d’étranglement dans la production mondiale. La réouverture progressive des puits de pétrole américains et des usines devrait aplanir ce phénomène. Si l’inflation remonte avec la croissance économique en 2021 et 2022, ce ne devrait être que progressif.

Quoi qu’il en soit, la demande est bien là, et les matières premières sont en première ligne. Le docteur Copper* a d’ailleurs formulé son diagnostic. Le prix du métal rouge a plus que doublé depuis ses plus bas de mars 2020. Parmi les matières premières, nous affectionnons particulièrement le bois. Car il stocke du CO2 et participe à la lutte contre le réchauffement climatique. Et la surface des forêts diminue chaque année, ce qui réduit l’offre. En revanche, la demande augmente structurellement avec le développement des pays émergents et la volonté de tous de réduire l’usage des plastiques, auquel le bois s’avère très souvent un excellent substitut.

À plus court terme, le rebond économique mondial sera par ailleurs consommateur de cartons et d’emballages. Et, très important, le secteur de la construction est en pleine forme aux États-Unis, où les maisons sont en bois. Les ménages souhaitent habiter dans des logements plus grands, les taux sont bas et le nombre de constructions a été restreint depuis 2008. Le stock des maisons à vendre se situe au plus bas depuis 28 ans. La filière bois a donc une belle année devant elle.

À plus long terme, la dépendance de l’Asie au consommateur des pays développés va s’amenuiser.
Frédéric Rollin

Frédéric RollinPictet Asset Management

Autre secteur intéressant, celui des marques de prestige. Les gouvernements à travers le monde soutiennent la consommation. Et nous avons vu qu’au sortir des confinements, les ventes de marques haut de gamme en Chine avaient opéré un bond impressionnant. Notons enfin que les ventes par internet ont permis aux grandes marques d’ouvrir des marchés dans les nombreuses villes où elles n’avaient pas de boutique physique. À défaut d’années folles, comme le mentionnent nombre de stratégistes aujourd’hui, nous pourrions assister à quelques trimestres hors norme.

D’un point de vue régional, nous conservons une préférence pour les émergents et, parmi eux, l’Asie. Grâce à sa bonne gestion de l’épidémie, le continent a pu rapidement rouvrir ses usines et fournir la demande générée par les plans de relance à travers le monde. Les indicateurs économiques de la région sont ainsi particulièrement dynamiques. À plus long terme, la dépendance de l’Asie au consommateur des pays développés va s’amenuiser. Les échanges commerciaux intrazone ont fortement augmenté au cours des dernières années et leur volume accélérera grâce au traité de libre-échange signé récemment. La zone devrait donc connaître une croissance forte et durable, plus stable qu’auparavant, et la décote «marché émergent» appliquée aux actions de la région nous semble de moins en moins justifiée.

*Le prix du cuivre dans le jargon boursier, dont la tendance est généralement considérée comme un excellent diagnostic de la croissance mondiale.