William De Vijlder estime que l’actuel rebond de l’inflation est temporaire. (Photo: BNP Paribas)

William De Vijlder estime que l’actuel rebond de l’inflation est temporaire. (Photo: BNP Paribas)

Pour William De Vijlder, directeur de la recherche économique du groupe BNP Paribas, les principaux thèmes d’actualité du monde d’après sur les marchés seront la migration du risque et l’inflation.

L’inflation et son potentiel retour seront sans conteste la grande thématique des mois prochains. «Elle rebondit déjà», constate William De Vijlder, directeur de la recherche économique du groupe BNP Paribas. «De façon temporaire, cependant» nuance l’économiste, qui met en avant comme cause première la disruption de l’offre qui ne peut absorber le redémarrage soudain de la demande et qui a provoqué une hausse des prix des matières premières ainsi qu’un allongement des délais de livraison. «Dans le passé, ces deux phénomènes ont toujours été suivis par une remontée de l’inflation. Une remontée de l’inflation qui, a priori, devrait être temporaire parce que lorsque la production aura repris un niveau normal, l’équilibre avec la demande se fera.»

Rattrapages sectoriels

Ceci étant, il estime peu probable que l’on assiste à «une hausse significative de l’indice des prix à la consommation». Pour lui, «les moteurs plus traditionnels de l’inflation, comme les anticipations d’inflation et, en particulier, la sous-utilisation des ressources économiques, l’emporteraient. Compte tenu des préoccupations entourant les perspectives d’emploi et de l’absence de goulets d’étranglement sur le marché du travail, une remontée durable de l’inflation ne devrait être que très progressive.»

Certes, certains secteurs vont profiter de la demande refoulée pour pouvoir augmenter leurs prix. William De Vijlder pense notamment aux secteurs des voyages, de l’hospitalité, de la restauration et de l’événementiel. «Et donc là, dans un monde ’d’après’, cette demande refoulée va se manifester et l’on aura un marché guidé par l’offre avec des producteurs qui auront la possibilité d’augmenter leurs prix. Ce qui serait une attitude tout à fait compréhensible et qui consisterait à se rattraper de la situation extrême dans laquelle ces professionnels ont vécu ces derniers mois.» Et il note qu’aux États-Unis, «certains services affichent une inflation supérieure à l’inflation moyenne».

Problèmes de communication

Le plan de relance américain pourrait-il faire s’emballer l’inflation sur un plan plus global? C’est un risque. Les autorités américaines se trouvent devant un marché du travail «tiré dans tous les sens». Le taux de chômage atteindrait 10%. «À peu près 10 millions d’Américains ont perdu leur emploi à cause de la pandémie et n’en ont toujours pas retrouvé. Dans le même temps, dans certains secteurs, les entreprises font face à une hausse du turn-over et sont obligées d’augmenter leurs salaires pour garder leurs effectifs. Cela confirme l’hétérogénéité énorme entre secteurs face à la crise. Il y en a toujours qui souffrent, et d’autres qui redécollent très vite.» La priorité des politiques budgétaires et monétaires reste de créer des emplois, pas l’inflation. «S’il y a accélération, on aura le temps de réagir», pensent Jerome Powell, le directeur de la Réserve fédérale, et Janet Yellen, secrétaire d’État au Trésor.

Et tout le danger est là, estime l’économiste. Plus que le retour du thème de l’inflation, c’est celui de la «migration du risque» qui l’interpelle le plus. Comprendre que les incertitudes liées au risque sanitaire – «sous réserve que la vaccination soit suffisamment efficace» – laisseront place aux incertitudes liées à l’évolution des politiques des banques centrales. Si William De Vijlder ne s’attend pas à une remise en cause des actuelles politiques accommodantes. Il pense que l’on va entrer dans une nouvelle ère qui va succéder à celle des taux bas, des injections de liquidités et d’orientations futures à long terme. Une ère dans laquelle la communication sera cruciale pour les banques centrales. Pour lui, tout le défi, pour les banques centrales, sera de bien communiquer afin d’éviter une panique du style de «taper tantrum» de 2013 lorsque la Réserve fédérale avait déclenché la panique sur les marchés en évoquant un début de normalisation de la politique monétaire.

Cet article est issu de la newsletter Paperjam Finance, le rendez-vous mensuel pour suivre l’actualité financière au Luxembourg.